Alors que la plupart des comités locaux de gestion de l’assistance destinée à la diaspora ont été approvisionnés et ont commencé leurs missions, celui des États-Unis est bel et bien dans le bain. Avec un premier décaissement de 48 millions de francs Cfa, le Consul général du Sénégal à New York, El Hadji Amadou Ndao, est revenu sur comment se déroule l’assistance aux compatriotes vivant aux Usa. L’ancien fonctionnaire des Nations-Unies, qui capitalise aujourd’hui une solide expérience dans la diplomatie sénégalaise, ne s’est pas privé d’avoir un avis sur ce qui se fait au Sénégal et ailleurs en termes de gestion de la pandémie.
«Les Échos» : Excellence, comment se déroule l’assistance au niveau de ce comité local de gestion des aides dont vous êtes membre ?
El Hadji Amadou Ndao : On a reçu une première mise de 48 millions pour démarrer les activités. Quatre (4) catégories ont été ciblées en premier lieu, notamment les parents de victimes décédées, les compatriotes qui sont touchés par le virus, les compatriotes bloqués ici du fait de la fermeture des frontières et les étudiants non-boursiers. On a commencé depuis une dizaine de jours à remettre les chèques aux familles éplorées. Pour les autres catégories, on est en train de faire le tri pour d’abord nous assurer que les personnes sont bien inscrites dans la plateforme, sont détentrices de récépissé fourni par la plateforme et nous assurer aussi que les pièces justificatives qui ont été demandées par le comité sont satisfaites.
Quel est le sort de ceux qui ne sont pas parmi ses 4 catégories ?
Il y a un second lot qui concerne nos compatriotes en situation d’indigence ; ce sont les retraités, ceux en situation irrégulière ou qui ne travaillent plus. Ces cas sont prévus et seront pris en charge dans le second lot. Certainement très bientôt, on commencera à dérouler pour cette catégorie.
Concernant le nombre de cas positifs et de décès des Sénégalais vivant aux USA, vos chiffres sont différents de ceux de l’Association des Sénégalais d’Amérique…
Les chiffres que je donne, ce sont des chiffres officiels, basés sur des certificats de genre de mort. Maintenant, si d’autres, je ne sais pas par quels moyens, avancent d’autres chiffres, cela n’engage qu’eux. Quand je dis que c’est 14 compatriotes qui ont perdu la vie aux Usa du Covid-19, c’est parce qu’au niveau du certificat de genre de mort, il est mentionné Covid-19 comme étant raison principale ou secondaire du décès. Il y a d’autres cas de décès qui ne sont pas liés au Covid : une crise cardiaque par-ci, un compatriote qui subissait une intervention chirurgicale et qui n’a pas survécu, un autre qui a été assassiné à Atlanta, un jeune qui est noyé dans un marigot ou un bébé qui est décédé par-là. Donc, «décédé durant cette période» ne veut pas dire décédé du coronavirus. C’est peut-être cela la différence.
Mais Il y a toujours des compatriotes qui attendent que les corps de leurs parents décédés soient rapatriés…
Oui bon, aujourd’hui même vendredi, des familles sont en train de s’organiser avec l’assistance de l’Etat du Sénégal à hauteur de 2000 dollars par famille, mais aussi par notre assistance et entremise au niveau des services compétents pour avoir la bonne information et trouver une compagnie aérienne à même de transporter les corps au Sénégal. Aujourd’hui, il y a eu 3 familles qui seront en mesure de rapatrier leurs parents décédés sur vol Cargo vers le Sénégal. Le rapatriement se fera dès aujourd’hui même (vendredi dernier).
S’agit-il de décès liés au Covid-19 ?
Non, la cause de décès n’est pas liée au Covid.
Et ceux dont les parents sont décédés du coronavirus et qui espèrent toujours rapatrier les corps vers le Sénégal. Est-ce une peine perdue ?
Bon je ne dirai pas peine perdue. C’est-à-dire que tout cela rentre dans l’effort national. Les autorités ne sont pas dans une dynamique de refus, de dénier à ces compatriotes d’honorer la mémoire de leurs proches disparus. Il se trouve juste que dans cet effort national de gestion de cette pandémie, il a été recommandé pour des raisons techniques et sanitaires, de suspendre jusqu’à nouvel ordre le rapatriement de corps de décès liés au Covid-19. C’est difficile et douloureux, mais on espère pouvoir compter sur la compréhension de tout le monde pour pouvoir traverser ensemble cette période difficile. Ici aux États-Unis, on essaie d’accompagner autant que possible les familles des victimes, au-delà même de l’aspect financier ou logistique. Moi-même je me rends à des enterrements pour partager la douleur avec les familles, essayer de consoler et de réconforter autant que possible.
Les fonds alloués à la diaspora passent de 12.5 milliards à 15 milliards, n’est-ce pas une rectification ?
En réalité, les gens parlent de 15 milliards, moi je ne suis pas au courant. Ce que je sais, c’est 12.5 milliards. Je m’en arrête là, à moins que je reçoive de source officielle une information qui mentionne cette somme. Pour le moment, je m’abstiendrais d’avancer cette somme.
12,5 milliards, pensez-vous que c’est suffisant ?
Il ne sera jamais suffisant mais c’est un geste. Prenez l’exemple des États-Unis qui ont débloqué 2200 milliards de dollars, c’est énorme, c’est presque le PIB de la France. Cela (12.5 milliards) pourrait être considéré comme insuffisant pour certains, mais c’est un geste. Un geste pour montrer, comme dit le président de la République, que «l’Etat du Sénégal sera toujours à vos côtés». Il sera très difficile de satisfaire toutes les demandes et sollicitations de nos compatriotes. Mais je pense que dans des situations difficiles comme ça, faire un geste de 2000 dollars pour une famille qui a perdu un proche, c’est assez significatif pour monter la compassion de l’Etat du Sénégal. 500 dollars pour un compatriote bloqué ici ou ceux atteints par la maladie, 300 dollars dollars pour un étudiant non-boursier, je pense aussi que c’est aussi un geste.
Excellence, le Sénégal a atteint la barre des 1000 cas positifs là où les Usa ont dépassé plus d’un million, un tel scenario est-il possible ?
Les autorités sénégalaises, depuis le début de cette crise, ont pris toutes les dispositions nécessaires à leur niveau pour gérer la situation ; maintenant, il faut que les gens suivent. Il y a des pays qui sont dans de meilleures dispositions que le Sénégal, en tout cas sur le plan cas financier et des moyens, et n’ont pas réussi ce que le Sénégal est en train de faire. Par exemple, au Sénégal, pour une personne touchée par le virus, tous les cas contacts liés à cette personne sont suivis automatiquement et systématiquement. Ailleurs, les personnes touchées peuvent se rendre à l’hôpital et ne même pas être prises. Ceci, pour dire que ce que l’Etat du Sénégal est en train de faire jusqu’ici est louable. Maintenant, c’est un effort national, l’Etat doit jouer sa partition et les populations, la leur, faire preuve de discipline pour qu’on puisse arrêter l’avancée de cette maladie au Sénégal.
Ahmadou Ben Cheikh KANE