Moody’s a finalement maintenu la note du Sénégal qui était fortement menacée d’une dégradation qui altérerait sa qualité d’emprunteur sur les marchés internationaux. Toutefois, l’agence qui a fait passer les perspectives de «stable» à «négative», a pointé du doigt la dette du Sénégal. Une dette dont elle prévoit la charge à environ 65% du Pib en 2021, contre 56% en 2019 et à 325% des revenus. Une situation d’autant plus compliquée qu’une plus grande mobilisation des ressources intérieures qui devrait être la solution connaît beaucoup de limites du fait, souligne l’agence, de la faible base des revenus imposables.
Vendredi dernier, l’agence de notation Moody’s avait sorti une décision à travers laquelle elle maintenait la note Ba3 du Sénégal. En ce sens d’ailleurs, le ministère des Finances et du Budget avait rendu public un communiqué pour expliquer que «cette révision de la perspective intervenue est consécutive au creusement du déficit budgétaire qui passe à 6,1% en raison des mesures de soutien aux entreprises et aux ménages pour endiguer les effets de la pandémie de Covid-19». Mais l’agence américaine ne s’est pas limitée à la note du Sénégal, elle s’est prononcée largement sur la dette du Sénégal qu’elle trouve inquiétante. En effet, pour Moody’s, «les perspectives négatives» qu’elle a soulignées «reflètent les risques associés à la charge de la dette relativement élevée de l'administration centrale». Une charge de la dette qu’elle prévoit à «environ 65% du Pib en 2021, contre 56% en 2019 et 325% des revenus». Poursuivant, l’agence est d’autant plus pessimiste que «le choc du coronavirus exacerbe une tendance à la hausse du fardeau de la dette qui a commencé avant le choc». Un choc auquel notre pays aura du mal à faire face, selon l’agence, du fait d’un endettement en hausse et une économie à «faibles niveaux de richesse». Pire, le gouvernement pourrait être contraint de s’endetter encore pour pouvoir soutenir l’économie.
Une base de revenus imposables trop limitée pour atteindre le ratio impôts/Pib à 20%
Et la seule solution pour ne pas recourir à l’endettement serait une plus grande mobilisation des ressources intérieures, à travers les impôts. Or, à ce niveau, le Sénégal a des limites objectives. «Le faible Pib par habitant, à environ 3900 dollars en 2019 (en termes de PPA), indique une base de revenus imposables limitée pour porter le ratio impôts/Pib au niveau cible de 20% (environ 17% avant la pandémie) au cours des trois à cinq prochaines année», affirme l’agence de notation. En outre, à en croire Moody’s, l’assainissement budgétaire serait une bonne bouffée d’oxygène pour le Sénégal, s’il est réalisé à temps. Car, un «retard» dans sa mise en œuvre, soutient-elle, «rendrait le fardeau élevé de la dette du Sénégal vulnérable à de nouveaux chocs».
Même si Moody’s a finalement maintenu la note du Sénégal, celle-ci était fortement menacée de dégradation. L’agence qui avait placé notre pays et plusieurs autres sous surveillance depuis juin, se serait même ravisée, sous la pression de la communauté internationale et au vu de la situation créée par la pandémie du coronavirus. En effet, une baisse de la note aurait rendu pire le profil de débiteur du Sénégal, avec plus de risques encourus pour les créanciers, et donc plus de difficultés à mobiliser des fonds dans les marchés internationaux. Mais heureusement, Moody’s n’a finalement pas procédé à une dégradation de la note. Par contre, elle a requalifié les perspectives, qui passent de «stable» à «négative».
Mbaye THIANDOUM