Le fossé se creuse de réunion en réunion, entre le pouvoir et l’opposition présents au Dialogue national. Toutes les propositions des opposants ont été rejetées par les partisans du chef de l’Etat. Le blocage a été constaté hier, à la suite d’une rencontre où les nerfs se sont chauffés, notamment avec des échanges musclés entre Benoit Sambou, Me Ousmane Sèye, Déthié Fall…
Ce n’est pas demain la veille que le dialogue politique en cours fera de grands pas. Et pour cause, sur des points fondamentaux, du moins pour l’opposition, les non-alignés et la société civile, le fossé se creuse de réunion en réunion, entre le camp du pouvoir et les autres parties prenantes. Discutés depuis plusieurs réunions de la commission, les cas de l’article 80 et de l’arrêté Ousmane Ngom ne sont toujours pas réglés. «Nous ne sommes pas tombés d’accord sur ces questions. On a constaté le blocage», souligne avec dépit une source. Qui note que ces points sur lesquels la mouvance présidentielle ne veut rien entendre sont «versés dans la corbeille des points de désaccord». Une autre source confirme : «la mouvance a refusé toutes les propositions de l’opposition».
Benoît Sambou intraitable : «c’est une perte de temps que de vouloir discuter de certaines questions»
Un refus catégorique matérialisé par les propos extrémistes de Benoit Sambou qui, à la limite, a fait comprendre aux opposants que leurs propositions ne passeront jamais. «C’est une perte de temps que de vouloir discuter de certaines questions (celles posées par les opposants) dans le cadre du dialogue, parce que rien ne va changer», a pesté le représentant en chef de la mouvance présidentielle, avec une hargne qui a irrité plus d’un opposant. Tout comme lui, Me Ousmane Sèye a soutenu que «les arguments présentés par l’opposition (pour justifier leur propositions) ne sont pas convaincants». Ils ont clamé haut et fort que rien n’allait changer à propos de l’arrêté Ousmane Ngom, de l’article 80 et autres, parce qu’ils ne constituent à leur yeux aucune entrave à l’exercice des libertés, comme le soutient l’opposition.
Déthié Fall se défoule sur Benoît Sambou et Me Ousmane Sèye
L’opposition n’a pas du tout goûté à l’attitude de Benoît Sambou et Me Ousmane Sèye. Et certains ne se sont pas privés de leur dire leurs vérités. «Benoit Sambou et Me Ousmane Sèye étaient très irritables et sur la défensive. L’opposition s’est acharnée sur eux. Ibra Diouf Niokhobaye et Déthié Fall se sont bien défoulés sur eux», raconte une source. En plus de sa position catégorique sur les propositions de l’opposition, Benoît Sambou s’en est pris vertement au président de Rewmi. «Ça fait longtemps que j’ai disqualifié Idrissa Seck», a-t-il déclaré, poussant le vice-président de Rewmi, Déthié Fall, à lui rabattre le caquet. Le rewmiste n’a pas manqué aussi de s’attaquer à Me Ousmane Sèye, avec une ironie de mauvais goût. «L’éminent avocat», a-t-il lancé à son endroit. Et tout le monde a compris que ce n’était nullement un compliment. Bien au contraire.
Menace sur la poursuite de la participation de l’opposition
Cette attitude risque même de compromettre le dialogue. «Nous allons voir quelle va être l’attitude de l’opposition. Si elle va juger nécessaire de continuer d’y aller ou non. Car ce qui se passe n’est plus un dialogue. Dans un dialogue, il faut des concessions et des consensus. Mais ils refusent tout», déplore notre interlocuteur. En effet, on va certainement vers d’autres divergences et blocages, lors de la prochaine rencontre, où il sera question du point relatif à la «décrispation de l’espace politique». Un point dans lequel sont insérés les cas Karim Wade et Khalifa Sall. Mais d’ores et déjà, la position de Benoît Sambou et Cie sur la question est sans équivoque. «Pour eux, il n’est pas question qu’on en discute», fait savoir notre source.
La question des perdiems réglée la semaine prochaine
La question des perdiems a été aussi évoquée. Et c’est Seydou Nourou Bâ, qui représente la Commission électorale nationale autonome (Cena) au dialogue politique, qui a fait le compte-rendu sur la question. Car, en tant que président de la Commission décentralisation, il a pris part à la dernière rencontre du Comité national, où la question a été posée. Et il a fait savoir qu’il avait espoir que la question sera réglée la semaine prochaine. Selon nos sources, les perdiems seront payés sous forme de package comprenant le remboursement des frais de transport, de restauration… Car, note-t-elle, auparavant, en plus du transport, la restauration (petit-déjeuner, buffet déjeuner…) était servie. Alors que, cette fois-ci, même pour l’eau de boisson, c’est des volontaires parmi les membres de la commission qui mettent la main à la poche.
Le général Niang refuse de parler de perdiems ; son absence à la rencontre du Comité national décriée
Sur cette question, le général Niang en a d’ailleurs pris pour son grade. «Il a dit qu’il n’était pas à la réunion et il ne peut pas aller en réunion pour négocier des perdiems», note une source. Des propos que lui ont reproché des membres de la commission. Un certain Aly Guèye lui a vertement rappelé qu’il ne représente pas sa personne, mais la commission. Donc, il doit aller aux réunions du Comité national au titre de la commission. Et que s’il ne peut pas y aller, qu’il délègue un autre membre. Car ce n’est pas normal que la commission soit absente à une rencontre du Comité national.
Finir les travaux au plus le 26 mars, quitte à les bâcler
Les divergences profondes entre l’opposition et le pouvoir ne sont pas les seuls problèmes du dialogue politique. Le temps joue aussi contre l’équipe du général Mamadou Niang. En effet, tous les travaux doivent être bouclés avant le 26 mars, date de fin de mandat du Comité du dialogue national, dont la mission qui a démarré le 26 décembre doit durer trois mois. Or, au niveau du Dialogue national, rien n’avance véritablement et il reste plusieurs points à évoquer. Mais, à en croire nos sources, le général Niang a été formel hier. Les travaux de la commission seront finis au plus tard le 26 mars, quelle que soit la situation des discussions. «Nous allons certainement bâcler les travaux», soutient une source. A moins qu’il y ait prolongation des délais.
Mbaye THIANDOUM