L’Etat doit reconsidérer sa demande de versement intégral des bénéfices du Port en 2019. L’invite est du cadre de concertation des syndicats qui, même s’il reconnait la légalité de la demande et la situation difficile de l’Etat en cette période de crise sanitaire, trouve que cette décision pourrait porter préjudice à la société, aujourd’hui prise dans un environnement très concurrentiel, où elle a besoin de moyens, mais aussi d’une adaptation de son statut juridique, pour pouvoir se mouvoir plus facilement et soutenir la concurrence.
L’assemblée générale du Conseil d’administration du Port autonome de Dakar a validé, le 29 juin dernier, la requête du ministère des Finances, pour le versement de la totalité des bénéfices de l’exercice 2019 de la société dans les comptes de l’Etat. Et pour le cadre de concertation des organisations syndicales du Port, cette démarche, même «exceptionnelle», est légitimée par les statuts juridiques de l’entreprise. Sans compter que l’Etat, actionnaire unique, se trouve dans un contexte particulièrement difficile, avec la lutte contre la pandémie du Covid-19, qui a besoin de la mobilisation de beaucoup de ressources.
Toutefois, le cadre de concertation des syndicats ne voudrait pas voir cette décision exécutée, du moins pas entièrement. «Nous comptons sur l’Etat pour reconsidérer sa décision de vouloir prendre la totalité des bénéfices réalisés pour cet exercice et accepter tout au plus une partie», note la structure. Pour qui cela permettrait ainsi au Port de «réaliser sur fonds propres» son plan d’investissements, déjà approuvé par délibération du Conseil d’administration. Les syndicalistes sont d’autant plus fondés dans leur demande de voir l’Etat surseoir à sa requête, du moins en partie, que la crise sanitaire n’épargne pas non plus le Port, poumon de l’économie nationale, qui en subira sans doute l’impact sur ses futurs résultats.
«L’accumulation progressive de textes a provoqué une extrême lourdeur et une très grande rigidité de fonctionnement»
Conscient de la situation qui prévaut actuellement dans le secteur maritimo-portuaire, le cadre de concertation des organisations syndicales du Pad, attire l’attention de l’Autorité sur la situation juridique de la société, qui risque de constituer un frein à son plein essor ; surtout dans un environnement de plus en plus concurrentiel. «L’accumulation progressive de textes qui régissent le fonctionnement des établissements publics à caractère industriel et commercial, en général et ceux spécifiques au Port, a provoqué une extrême lourdeur et une très grande rigidité de fonctionnement. De plus, l’évolution considérable en cours dans le secteur des transports maritimes plaçant le port de Dakar dans une situation de concurrence exacerbée, le conduit inexorablement au rang de ports secondaires, s’il n’était en mesure de s’adapter rapidement aux meilleures règles de gouvernance d’un port moderne», expliquent le coordonnateur Seyni Mbow et ses camarades.
En effet, pour les syndicalistes, les conditions d’évolution des établissements publics à caractères industriel et commercial sont aujourd’hui «totalement inadaptées à la gestion de l’outil portuaire de Dakar par lequel s’effectuent 98% des échanges extérieurs du pays et dont l’efficacité est vitale pour l’économie nationale et sous-régionale (pour les pays sans façade maritime)». A en croire le cadre de concertation, de telles conditions «ne permettent plus au Port de bénéficier de sa situation privilégiée» que lui confère sa position géographique en étant au carrefour des grandes routes maritimes, pour devenir un hub logistique de premier rang. Invitant à l’adaptation du cadre actuel, les syndicalistes pensent qu’un nouveau cadre devrait permettre au gestionnaire du Port «d’agir avec rapidité dans la prise des décisions nécessaires que n’autorise pas le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial».
«Le changement de statut est donc indispensable»
En définitive, le cadre de concertation estime que «le changement de statut est donc indispensable» pour permettre aux responsables portuaires d’adapter leur structure, leur organisation et leurs moyens réels, de maitriser les flux financiers et de responsabiliser le personnel dans un souci général d’efficacité et de compétitivité portuaire. Et pour eux, le statut de société nationale parait être le cadre juridique répondant le mieux à de telles exigences, tout en préservant le rôle et les prérogatives essentiels de l’Etat. Sans quoi, le Port de Dakar actuellement 4ème derrière les ports de Lomé, Tema et Abidjan aura du mal à coller au trio de tête, alors que, jure le cadre de concertation des syndicats, «la place de leader de la sous-région reste toujours à notre portée».
Mbaye THIANDOUM