Le développement théorisé par le Président Macky Sall lors de son discours à la Nation, ce 31 décembre 2019, n’emballe pas le leader de Pastef-les Patriotes, Ousmane Sonko, invité de Sen Tv. En effet, entre la hausse du prix de l’électricité et une croissance extravertie qui ne profite pas à la population sénégalaise, en plus de l’endettement et des gouvernants qui ont une conception de prébende et de jouissance de l’Etat, le changement n’interviendra pas de sitôt.
Au terme de l’adresse à la Nation du président de la République, à l’occasion du 31 décembre, Ousmane Sonko était l’invité de la Sen Tv pour commenter le discours du chef de l’Etat. Dans cet exercice, les notes du patron de Pastef-les Patriotes ont été discordantes. Ainsi, revenant sur la hausse du prix de l’électricité, le leader de Pastef révèle que les hommes politiques sont jugés sur leurs engagements. Or, en 2014, rappelle-t-il, le chef de l’Etat s’était engagé à baisser le prix de l’électricité entre 60 et 90 francs le KW. Contrairement à cette annonce, il se désole de constater, dans la dernière grille tarifaire, que le prix de l’électricité domestique est désormais entre 91 et 123 francs le KW, soit, dit-il, le double de ce que le Président Sall avait promis au peuple. Ce qui lui fait dire qu’entre les effets de promesses et la réalité sur le terrain, le décalage est énorme. Un décalage qui, affirme-t-il, découle de «l’incompétence» du gouvernement. Pourtant, ajoute Ousmane Sonko, le président de la République, en faisant cette promesse de baisse du coût de l’électricité de 10% en moyenne, savait que la Senelec faisait face à des difficultés et qu’elle ne pouvait plus supporter les charges. Il en veut pour preuve les 100 milliards injectés à la Senelec par l’Etat du Sénégal, à cette même période.
Transition du pétrole au gaz
Pire, il révèle que la Senelec n’a pas encore atteint la capacité de production nécessaire pour alimenter notre pays. Car, si tel était le cas, il n’allait pas louer ce bateau d’un coût de plus de 100 milliards par an pour une durée de cinq ans pour éviter le retour des délestages. En ce qui concerne la promesse du chef de l’Etat de transformer le gaz en énergie en 2022, Ousmane Sonko révèle que le gouvernement devait engager ce processus depuis longtemps avec l’exploitation du gaz de Gadiaga où le pays ne reçoit que 28 m3 par jour. «Le Sénégal pouvait, depuis lors, commencer la transition du pétrole vers le gaz ; en plus des énergies renouvelables car notre pays a un taux d’ensoleillement qui dépasse celui de l’Allemagne, pourtant premier pays producteur de panneaux solaires en Europe», estime-t-il.
Il ne faut pas se glorifier d’une croissance extravertie
Alors que le chef de l’Etat se félicitait d’avoir une croissance de plus de 6%, d’une inflation maitrisée et d’un endettement jugé productif, Ousmane Sonko rappelle qu’il n’est pas difficile de produire de la croissance. Seulement, faudrait-il que cette croissance profite aux Sénégalais. Ce qui, à l’en croire, est loin d’être le cas. «Il ne faut pas se glorifier d’une croissance extravertie qui profite à d’autres personnes. Si nous avons un taux de croissance de 7%, les 6,6% sortent du Sénégal», relève le patron des patriotes. «Pendant cinq ans, l’Etat se glorifie d’avoir une croissance de plus de 6% alors que la pauvreté perdure. Une croissance qui ne crée pas de l’emploi, cette croissance n’existe pas. Nous faisons de la croissance pour autrui. Nous devons avoir une autonomie de choix sur nos priorités», martèle l’ancien inspecteur des impôts.
A chaque fois que ces instruments (Fmi, Bm) félicitent le Sénégal, je tremble
Poursuivant, il révèle que le développement du Sénégal ne passera pas par le Fmi, la Banque mondiale ou la France. «A chaque fois que ces instruments félicitent le Sénégal, je tremble ; parce que cela veut dire que nous ne sommes pas sur le bon chemin. Ces instruments ne sont pas au service de l’Afrique», fait remarquer Ousmane Sonko. De plus, il considère que le chef de l’Etat se fourvoie lorsqu’il pense que l’endettement, c’est la confiance renouvelée de nos partenaires. «Si nous avons des ressources naturelles (le pétrole, le gaz et le zircon, entre autres), ils sont prêts à nous prêter tout ce qu’on veut, parce qu’ils savent qu’ils seront remboursés avec des intérêts. Notre financement ne doit pas être porté par l’endettement. Le premier poste du budget, c’est l’endettement. Nous sommes à 364 milliards de remboursement par an», se désole le patron des patriotes.
Ils ont une conception de prébende et de jouissance de l’Etat
Revenant sur le budget, Ousmane Sonko rappelle qu’il existe des charges non réparties d’un montant de 177 milliards francs Cfa. Même si ce procédé existe partout, dit-il, le volume de cet argent, dans notre pays, est important. Et, cet argent, ajoute-t-il, est parfois déposé dans des comptes de dépôt dans des banques privées du Sénégal, administrés par le directeur du Budget qui effectue les ordres de virement. En effet, ce processus, fait-il remarquer, permet de contourner les procédures du Trésor qui sont parfois très longues. C’est cette méthode, regrette-t-il, qui a été utilisée dans le cadre des 94 milliards pour enrichir indument des personnes. Une pratique qui, à l’en croire, remet en cause la sincérité du budget. «C’est pourquoi lorsque le chef de l’Etat parle de gestion sobre et vertueuse, je crois qu’il veut se rassurer, mais il sait que sa gestion n’est ni sobre, ni vertueuse. Je ne crois pas au changement prôné par Macky Sall», sérine-t-il, avant de rappeler le cas de certaines personnalités épinglées par des rapports et qui ont été promus. Ce qui lui fait dire que nos gouvernants ont une conception de prébende et de jouissance de l’Etat. Sur la rationalisation des dépenses de l’Etat, il considère, en plus des véhicules de l’administration, que notre administration est surchargée du recasement de la clientèle politique, ainsi que des institutions budgétivores comme le Cese et le Hcct qui n’ont aucune utilité à ses yeux.
Moussa CISS