La commission politique du Dialogue national s’est réunie hier autour de plusieurs questions. Mais celles qui ont surtout fait débat sont celles concernant les cas Karim Wade, Khalifa Sall, l’arrêté Ousmane Ngom, les lois jugées entravant aux libertés et la demande d’intégration de Birahim Seck… Des questions sur lesquelles oppositions et pouvoir ont brillé par leurs désaccords, au point de pousser le général Niang à les inviter à «se départir des considérations partisanes».
Hier, c’est à un véritable dialogue de sourds qu’on a eu droit, entre l’opposition et le pouvoir. En effet, Oumar Sarr et Cie ont souhaité qu’il soit trouvé «un accord afin d’apaiser l’espace démocratique». A cet effet, ils ont plaidé pour le règlement des cas Karim Wade et Khalifa Sall, pour que «le Président se détache de son statut de chef de parti», pour que «l’arrêté Ousmane Ngom qui enfreint les libertés» soit supprimé, tout comme de ce fait «les articles 34, 254 et autres articles du code pénal». Les opposants ont également «remis en cause la Crei», dénonçant son «caractère politique». Toujours dans le souci de garantir les libertés, le pôle de l’opposition a demandé que les autorités administratives «soient beaucoup plus regardantes par rapport à l’article 10 de la Constitution».
A leur tour, les non-alignés se sont retrouvés dans quasiment toutes les préoccupations des opposants. «Pratiquement les problèmes soulevés dans les propositions des non-alignés sont identifiés dans celles du pôle de l’opposition et sont liés à certaines libertés mises en cause par l’article 80 du Code de procédure pénale et de l’arrêté Ousmane Ngom», soutient notre source.
La majorité refuse de discuter des «cas Khalifa Sall et Karim Wade déjà vidés par la justice»
Tout le contraire du pôle de la majorité, foncièrement opposé aux propositions des opposants. A propos de Khalifa Sall et Karim Wade, Benoit Sambou et Cie ne veulent même pas en entendre parler. ««Le pôle de la majorité a indiqué clairement qu’il ne discutera pas des cas Khalifa Sall et Karim Wade déjà vidés par la justice», rapporte notre interlocuteur. Qui note que les représentants du pouvoir sont restés également fermes sur d’autres aspects. En effet, fait remarquer la source, le pôle de la majorité trouve que l’exposé des opposants présente «des insuffisances», en ce sens qu’ils parlent de dispositions de la loi qui entravent les libertés, en omettant d’indiquer que «toutes ces dispositions incriminées sont l’œuvre des régimes précédents». N’acceptant aucun compromis sur l’article 80 du Code pénal, la majorité affirme qu’on ne saurait y toucher, car c’est «une disposition qui garantit la sécurité de l’Etat». A la limite, pour la mouvance présidentielle, si la question doit être discutée, son examen recommanderait «d’élargir le débat à des experts dans le domaine de la sécurité». De même, sur les interdictions de marche et autres, la majorité trouve les propositions de l’opposition infondées car, dit-elle, «l’autorité administrative ne fait qu’appliquer la loi 78-02 relative aux réunions et manifestations». Leur proposition sur ce point est de «mettre en place une charte de moralisation de la vie politique». En définitive, pour les représentants du pouvoir, en aucun cas, «la Commission politique ne saurait se substituer en Comité ad-hoc pour réécrire les lois», comme le suggérerait l’opposition.
Les non-alignés pour «l’encadrement» des lois qui entravent les libertés, la «dissociation» des statuts de chef de parti et de chef de l’Etat
Mais pour les non-alignés, qui ont voulu faire des propositions qui font avancer les débats, «à défaut de ne pouvoir supprimer les lois jugées comme une entrave aux libertés», ils proposent «leur encadrement». Aussi, plaidant la dissociation du statut du chef de l’Etat et celui de chef de parti, les non-alignés notent qu’à cet effet, seul «le président de la République en tant qu’Institution» sera protégé par la loi. Sur ce point, le pôle propose que «le Président élu démissionne de son parti avant la prestation de serment».
Général Niang : «se départir des considérations partisanes pour faire une étude objective»
Pris entre les feux des deux camps foncièrement opposés, le général Niang ne pouvait rien faire que de les inciter à «se départir des considérations partisanes pour faire une étude objective» des questions posées. Aussi, faisant comprendre que «la Commission politique est limitée dans ses prérogatives», le président Niang a appelé à «œuvrer pour la cohésion nationale, la sécurité des populations et l’intégrité territoriale». Pour sa part, la société civile pense que les débats doivent tourner autour de trois axes notamment : assainissement des partis politiques, transparence des élections et libertés d’opinion. Mais, elle ne se fait pas trop d’illusion, convaincue que «les solutions (à ces questions) ne peuvent pas provenir de la Commission politique».
Les portes de la Commission politique fermées à Birahim Seck
D’ailleurs, la société civile a été très présente dans la rencontre d’hier. Et pour cause, alors qu’il s’était fait représenter, Birahim Seck a demandé à intégrer la commission politique. Une demande qui lui a été refusée, aussi bien par Famara Ibrahima Sagna que par la commission politique. Selon notre source, à l’entame des travaux, le président de séance a informé avoir reçu «une correspondance de M. Birahim Seck du Forum civil, qui exprime son souhait d’intégrer la Commission politique après que sa demande n’a pas été satisfaite auprès du président Famara Ibrahima Sagna». Sa demande ne sera pas non plus satisfaite à la Commission politique, y compris par son propre camp, la société civile. «La société civile a renseigné que Birahim Seck a effectivement agité la question au sein du Pacte duquel il est membre. Malgré tout, elle reste ferme sur les principes et par conséquent ne peut pas l’admettre d’autant plus que M. Seck a préféré se faire représenter par Malick Bousso», informe une source. La majorité a été plus catégorique. «Le pôle de la majorité, qui a confirmé que Birahim Seck a effectivement posé le problème au sein du Comité de pilotage du Dialogue national, rejette la requête au motif que la Commission politique est fermée à tout nouvel adhérant et que ce principe s’applique sans exception». L’opposition, elle, a rappelé «les principes qui gouvernent le fonctionnement de la Commission politique», qui a pour chaque entité «un nombre de participants qui ne doit pas évoluer». Mais les opposants, comme les non-inscrits et le président Niang lui-même laissent la patate chaude entre les mains de la société civile, qui doit décider en dernier ressort. Mais sans grand espoir de voir Birahim Seck intégrer la commission, car dans ce cas, il va falloir retirer son représentant actuel, le nombre ne pouvant pas évoluer.
Mbaye THIANDOUM
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