
Le gouvernement du Sénégal avait pris un prétexte bien accueilli par le peuple à l’endroit de la prise en charge des questions des Sénégalais de l’extérieur. Ainsi, 15 députés ont été ajoutés à la liste des parlementaires, pour exclusivement être la voix de ceux qui ont émigré et qui doivent être pris en compte dans la politique de développement du pays. Ces Sénégalais-là ont servi une mauvaise note à leurs représentants, dont ils disent qu’ils leur ont tourné le dos dès le lendemain de leur élection. Ce carton rouge est délivré au moment où des Sénégalais sont assassinés un peu partout dans le monde, sans assistance de la part de leurs autorités consulaires.
Alors qu’au pays, les populations ont toujours eu une mauvaise appréciation de leurs députés, qu’elles accusent de se donner plus en spectacle que de les défendre, les Sénégalais de la diaspora de France ont la même appréciation sur ceux qui leur ont été affectés. La note pour leur travail est sans appel. Pour les Sénégalais interrogés, leurs représentants à l’Hémicycle ne font absolument rien pour eux.
Basée à Paris depuis 2012, Coumba Diop, jeune coiffeuse originaire de la capitale du Rail, indique qu’elle ne connait même pas les députés de la diaspora. «Je dois également avouer que je n’avais pas voté aux dernières législatives, parce que je ne voue aucune confiance aux parlementaires. Mais je ne le regrette pas parce que ces députés ne nous représentent absolument pas. Pire, on a honte de les voir se donner en spectacle à l’Assemblée nationale. Je ne crois pas que nos députés travaillent pour le développement du pays. Ils ont déçu tous nos espoirs», a tonné la jeune coiffeuse.
Coumba Diop : «j’estime même qu’on peut se passer des députés, ils ne sont d’aucune utilité»
Pour Coumba Diop, les députés qui doivent représenter la diaspora, tout comme ceux qui n’en sont pas issus, doivent tous œuvrer à l’allégement du coût de la vie, éradiquer définitivement les coupures d’électricité, régler la question de l’eau, entre autres. Ce manque d’engagement à l’endroit des plus démunis, selon elle, fait que les pauvres restent pauvres et les riches s’enrichissent davantage sans aider les démunis. «Le Sénégal souffre d’une maladie chronique. J’estime même qu’on peut se passer des députés. ‘’amalun nu benn jarign’’» a-t-elle conclu.
Bineta Guèye : «je ne vois pas réellement l’utilité des députés de la diaspora sénégalaise en France»
Sa collègue dakaroise, Bineta Guèye, arrivée il y a seulement quatre ans, a fredonné le même refrain. Pour elle, il semble que ces députés, qui ont été élus pour travailler pour ceux qui les ont mandatés, s’occupent plus de leur intérêt et celui de leur parti que de celui des Sénégalais. «Très honnêtement et très sincèrement, je ne suis pas satisfaite de nos députés. Pour ce qui est des députés de la diaspora, je ne suis au courant d’aucune action qu’ils mènent pour défendre les intérêts des Sénégalais de l’étranger. Ou bien, je ne suis informée d’aucune action enclenchée en notre faveur», a lancé Bineta Guèye sans sourciller.
Invitée à exposer une préoccupation qu’elle souhaiterait que les parlementaires de la diaspora prennent en charge, Bineta Guèye indique ne pas être très intéressée par ce qui se passe dans la diaspora, d’autant plus que la plupart d’entre eux essaient de gagner convenablement leur vie. «Nous avons un travail qui nous permet même de prendre en charge nos parents établis au pays. Moi je crois que les députés doivent se concentrer sur ce qui se passe au pays pour régler les problèmes au plan local. En fait, moi je ne vois pas réellement l’utilité des députés de la diaspora sénégalaise en France», a-t-elle suggéré.
Khadidiatou Barro : En toute honnêteté, je ne ressens pas le travail abattu, pour nous, par les députés de la diaspora»
Accompagnant son enfant venue se faire coiffer, Khadidiatou Barro, originaire des Parcelles Assainies, résidant à Bonne Nouvelle en France depuis 2006, embouche la même trompette que les autres dames. «En toute honnêteté, je ne ressens pas le travail abattu, pour nous, par les députés de la diaspora, plus précisément ceux qui sont issus de la France». Ne voulant pas être nihiliste au point de dire qu’ils ne font rien pour d’autres, elle souhaite que ce soit le cas. «Il y a peut-être des gens qui se voient dans ce que font ces députés. Ce que je sais, c’est que les politiciens en général nous empoisonnent la vie aux veilles d’élections avec des promesses qu’ils ne respectent jamais», a signalé la jeune dame.
Mme Barro revient ainsi sur l’apport des émigrés qui injectent près de 1000 milliards par an dans l’économie nationale, pour démontrer l’importance de leur contribution. «Malgré tout ce que nous faisons, on ne nous implique pas au Sénégal dans les décisions pour faire développer le pays. La vérité, c’est qu’on nous prend pour des moutons de panurge, un bétail électoral dont on ne s’occupe que lors des scrutins», a pétaradé Khadidiatou Barro.
Babacar Boye : «Peut-être qu’il existe des émigrés dont les préoccupations sont prises en compte, mais ce n’est pas mon cas»
Même s’il a préféré ne pas se prononcer sur la question, parce que ne suivant pas trop le travail des parlementaires, Babacar Boye, gérant d’un magasin à Paris, originaire de Sicap Foire et résident en France depuis 2004, est du même avis que Mme Barro. «Je sais qu’à la base, l’objectif, c’était de défendre les intérêts de la diaspora. Peut-être qu’il existe des émigrés dont les préoccupations sont prises en compte, mais ce n’est pas mon cas», a contribué M. Boye.
Invité à donner un exemple de préoccupation qu’il pourrait leur soumettre, Babacar Boye indique qu’il leur suggérerait d’œuvrer pour la facilitation des business comme celui des véhicules, ou même les investissements au pays.
S’organiser pour exposer nos préoccupations à nos élus
Après quelques allers et retours au Sénégal, c’est finalement en 2015 qu’Ibrahima Souaré, vendeur dans un magasin d’habillement, est devenu résident en France. «Je n’avais pas la possibilité de voter, mais je savais que la diaspora allait avoir des députés pour défendre ses intérêts. Maintenant que c’est un acquis, je crois que nous devons nous regrouper et discuter entre nous de nos préoccupations, les hiérarchiser selon les priorités et les soumettre à ces parlementaires, qui devront les défendre obligatoirement devant l’Assemblée nationale. On ne doit avoir des députés pour seulement les avoir. Il faut que nos préoccupations qu’ils devront défendre soient satisfaites», a suggéré Ibrahima Souaré. Avant de plaider la cause des étudiants sénégalais de l’étranger. Pour lui, la première équation à résoudre pour les Sénégalais de la diaspora, c’est celle de l’amélioration des conditions des étudiants, qui ont besoin davantage d’accompagnement, parce que, à en croire Souaré, il arrive qu’ils souffrent beaucoup faute de moyens.
Alioune Badara Guèye : «Les députés de la diaspora, c’est une rumeur, ce n’est pas une réalité»
C‘est l’avis d’Alioune Badara Guèye, coiffeur, originaire de Louga et résident en France depuis 2009. Il adopte la même position que ses compatriotes qui ne ressentent aucun soutien de la part des élus. Amer, il se demande même si les députés de la diaspora existent réellement. «Pour moi, l’existence des députés de la diaspora, c’est juste une rumeur. Ce n’est pas une réalité. S’ils existent, ils ne font pas correctement leur travail, au point qu’on ne puisse le ressentir dans la défense ou la prise en compte de nos intérêts», a déflagré Alioune Badara Guèye. Il signale ainsi que sa préoccupation majeure serait la facilitation à renouveler les documents de voyage, mais également les pièces d’identification nationale. «En plus d’accuser du retard dans la confection de ces documents, les agents du consulat sont irrespectueux à l’endroit des compatriotes. C’est comme s’ils avaient de la haine envers nous», dénonce le jeune Lougatois.
Par notre correspondant à Paris
C A S