Transparency International s’est engagé dans le combat de la transparence autour des contrats pétroliers du Sénégal. A cet effet, les autorités des pays qui ont compétence sur cette affaire ont été saisies de plaintes pour demande d’enquête sur la corruption d’agents étrangers dans les contrats pétroliers lucratifs du Sénégal. Il s’agit de l’Australie, de la Roumanie, de la Malaisie, de Singapour, du Royaume-Uni et des États-Unis.
Le débat sur la transaction des contrats pétroliers au Sénégal est loin de s’estomper. Après un temps de répit, c’est Transparency International qui ressuscite le combat de la transparence autour de ces transactions considérées comme une nébuleuse. Mieux, cette organisation non gouvernementale a, cette fois-ci, décidé de poser des actes pour faire la lumière sur ces contrats pétroliers. «Compte tenu de la réticence apparente des autorités sénégalaises à mener une enquête approfondie et à demander des comptes aux responsables, il est essentiel que les informations disponibles soient rapidement examinées par les autorités des pays qui ont compétence sur cette affaire : l’Australie, la Roumanie, la Malaisie, Singapour, le Royaume-Uni et les États-Unis», a annoncé hier Transparency International, qui révèle que des plaintes ont été déposées dans ces différents pays. En effet, Transparency International s’attend à ce que les autorités d’au moins six pays (Australie, Roumanie, Malaisie, Singapour, Royaume-Uni et États-Unis) puissent ouvrir une enquête sur des transactions suspectes concernant deux importants blocs pétroliers au large des côtes du Sénégal. D’autant plus que l’organisation de lutte contre la corruption des gouvernements a déjà fourni aux autorités de ces pays toutes les informations disponibles. Par exemple, aux États-Unis, Transparency International révèle avoir demandé au ministère de la Justice et à la Securities and Exchange Commission (Sec) de déterminer si Kosmos Energy et BP ont violé la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger (Fcpa), qui interdit aux sociétés cotées en bourse aux États-Unis de verser des pots-de-vin à des fonctionnaires étrangers. Cette affaire devrait également, de l’avis de Transparency International, inciter le Congrès américain à sévir contre la «demande» de corruption d’agents étrangers en adoptant la loi sur la prévention de l’extorsion à l’étranger (Fepa). La Fepa, souligne cette organisation, érigerait en crime le fait pour un fonctionnaire étranger d’exiger ou d’accepter tout pot-de-vin ayant un impact substantiel sur le commerce américain.
Macky, Aliou Sall, Karim Wade … au banc des accusés
Dans cette dynamique de transparence, Transparency International a rappelé les enquêtes indépendantes menées par Organized Crime and Corruption Reporting Project (Occrp) et Bbc Africa Eye en 2019 et qui avaient révélé des détails jusqu’alors inconnus entourant la vente en 2012 des droits de concession des blocs offshore Deep St-Louis et Deep Cayar, situés au large des côtes du Sénégal. Des révélations qui mettent en cause Macky Sall, son frère Aliou Sall et Karim Wade. En effet, ces rapports, relève Transparency international, accusent l’homme d’affaires roumano-australien controversé Frank Timis d’avoir soudoyé des fonctionnaires sénégalais afin d’obtenir l’accès à des réserves lucratives de pétrole et de gaz à des conditions extrêmement favorables. Selon ces mêmes rapports, son partenaire commercial Eddie Wong, qui détient des passeports de Malaisie et de Singapour, aurait facilité certaines de ces connexions et serait venu représenter les sociétés de Timis au moment de la vente. Timis, de son côté, a nié tout acte répréhensible. La publication de ces enquêtes a entraîné des manifestations au Sénégal. En réponse à la pression publique, le frère du Président, Aliou Sall, a démissionné de ses fonctions publiques mais a rejeté les allégations selon lesquelles il aurait reçu des paiements secrets. Celui-ci avait bénéficié d’un non-lieu en décembre 2020.
Birahim Seck : «les Sénégalais méritent la transparence»
Seulement, cette décision de justice qui a «blanchi» le frère du Président n’a pas mis fin aux allégations de corruption. Pour Transparency International, il est essentiel que les autorités des autres pays concernés par cette affaire agissent. «Les Sénégalais méritent la transparence et l’intégrité dans la gestion de leurs ressources naturelles. Ces réserves de pétrole et de gaz ont le potentiel de transformer le Sénégal et de sortir des millions de personnes de la pauvreté. Et pourtant, elles ont été vendues à un délinquant condamné qui aurait menti à plusieurs reprises aux communautés et aux investisseurs, tout en s’engageant dans des transactions commerciales douteuses avec des fonctionnaires», a soutenu le Coordonnateur du Forum civil, Birahim Seck. «Le public sénégalais est privé de milliards de redevances potentielles provenant des ressources naturelles qui lui appartiennent», a ajouté Ádám Földes, conseiller juridique à Transparency International qui fait remarquer que seule l’ouverture d’enquêtes dans les autres juridictions leur permettra d’obtenir la justice qu’ils méritent.
M. CISS