Le groupe de réflexion à but non lucratif américain basé à Washington, DC «Center for Global Development» (Cgd) s’est intéressé à la gestion de l’épidémie de coronavirus au Sénégal. Notamment, le niveau de confiance des Sénégalais vis-à-vis des déclarations de leurs autorités sur la maladie. Selon une enquête réalisée par les experts, 86% des Sénégalais sondés font confiance à l'État, alors que 87% pensent sa communication véridique. Un chiffre important, loin de la paranoïa jugée irrationnelle de certaines sociétés occidentales.
La gestion de l’épidémie de coronavirus au Sénégal continue de susciter de l’intérêt à travers le monde. Longtemps décrit comme un bon élève au niveau mondial, le pays de la Teranga a vu les choses se compliquer ces derniers jours, avec en prime une augmentation exponentielle des cas de contamination. Ce qui n’a pas empêché le groupe de réflexion à but non lucratif américain basé à Washington DC «Center for Global Development» (Cgd) de s’intéresser au «cas Sénégal». En effet, à travers une enquête sur la gestion de l’épidémie de coronavirus au Sénégal, notamment le niveau de confiance des Sénégalais vis -à-vis des déclarations de leurs autorités sur la maladie, le Think-Tank américain a pu déterminer que les Sénégalais font très largement confiance aux autorités du pays quant à la gestion de l’épidémie.
Ladite enquête publiée sur «Harvard Dataverse», un référentiel de données de recherche de la prestigieuse université d’Harvard, montre que 86% des Sénégalais sondés font confiance à l'État alors que 87% pensent sa communication véridique. Pour arriver à ce résultat, Cgd renseigne qu’il a piloté l’enquête sur les téléphones portables auprès de plus de 1000 personnes au Sénégal, en partenariat avec le Centre de recherche pour le développement économique et social (Crdes).
Le tourisme à terre et les envois de fonds : 2 gros problèmes
Pour commencer, Cgd, dont l’enquête a été menée entre le 7 et le 13 avril, explique pourquoi le choix du Sénégal. Selon le document parcouru par «Les Échos», le Sénégal est susceptible d'être fortement impacté par la crise du Covid-19. «Il a été l'un des premiers pays africains à détecter un cas (le 2 mars) et compte aujourd'hui des centaines de cas», note le rapport. Et d’ajouter : «7% de l'économie du Sénégal dépendent du tourisme international, qui a complètement cessé lors de la fermeture des frontières le 19 mars. Les envois de fonds des migrants représentent 9,3% du Pib, et les migrants sénégalais en Espagne, en France ou en Italie pourraient ne pas être en mesure d'envoyer de l'argent chez eux les prochains mois», explique le rapport d’enquête, qui comprend également des questions sur les impacts économiques de la crise, les mesures d'atténuation, la perception de l'action gouvernementale, l'éducation et la migration. «Nous utilisons des post-stratifications et des poids d'échantillonnage pour rendre notre échantillon représentatif de la population sénégalaise», note le document.
1/3 des sondés mangent moins depuis le début de la pandémie
Le rapport fait savoir que les Sénégalais souffrent économiquement. En effet, soutiennent les enquêteurs, 86,8% des répondants ont déjà signalé une perte de revenus. «Il y a une certaine variabilité dans ce chiffre avec les personnes pauvres, les personnes vivant en dehors de Dakar et les personnes ayant un faible niveau d'éducation plus susceptibles de déclarer une perte de revenu», reconnaît le rapport. Autre donnée collectée par le rapport : la sécurité alimentaire. À ce propos, le rapport indique que plus d'un tiers des Sénégalais sondés mangent moins depuis le début de la pandémie. «Nos données montrent que le nombre de personnes déclarant limiter la taille de leurs repas quatre à sept jours par semaine est relativement élevé, d'autant plus que la saison de soudure (juin-juillet) n'a pas encore commencé. Les personnes qui ont répondu avoir subi une perte de revenu sont 17% de plus, susceptibles de déclarer qu'elles limitent la taille de leurs repas», détaille le rapport qui a également collecté des données sur les prix des denrées alimentaires afin de suivre l'inflation dans les enquêtes de suivi. «Au départ, 45% des personnes interrogées se plaignent d'une augmentation du prix du riz (seulement 1% signale une baisse) et le nombre est plus élevé dans les zones rurales», ajoute le rapport.
72,5% de la population favorables à un isolement de deux semaines
Le rapport assure que presque tous les sondés ont entendu parler du coronavirus et les gens signalent une conformité élevée aux mesures prises par les autorités. «Près de 90% des personnes rapportent qu'elles ont cessé d'aller à la mosquée. Il s'agit de l'une des mesures les plus controversées prises par le gouvernement, qui a provoqué des manifestations à Dakar», note le rapport qui ajoute que 39% des répondants ont déclaré qu'ils portaient un masque, même si cela n'était pas recommandé lors de la collecte des données (le Sénégal a rendu obligatoire le port du masque à l'extérieur le 20 avril, après l'enquête sur le terrain). Ce que le rapport désigne comme un bon signe pour le Sénégal : «une forte adhésion aux mesures d'atténuation pourrait aider à ralentir la propagation de la maladie et éviter un blocage», estime-t-il. Les enquêteurs ont également demandé aux répondants s'ils seraient favorables à un isolement de deux semaines pour contenir la propagation de Covid-19. À ce propos, 72,5% de la population sont favorables à cette mesure, selon le rapport qui fait remarquer que le pourcentage de réponses favorables baisse de 19% pour les répondants qui déclarent une perte de revenu. «Ce qui suggère que l'expérience réelle d'une perte de revenu fait que les gens s'inquiètent des conséquences économiques du confinement, plutôt que de leur niveau de revenu».
L'accès à l'enseignement à distance est faible et également inégal au Sénégal
Si tel est le cas, une aggravation de la crise économique pourrait rapidement opposer l'opinion publique à un confinement, assure les enquêteurs. «La majorité de la population soutient également le gouvernement, 86% d'entre eux faisant confiance au gouvernement pour prendre soin de ses citoyens et 87% jugeant la communication gouvernementale véridique. Ces chiffres sont beaucoup plus élevés que les chiffres comparables recueillis dans une enquête en ligne auprès de 58 pays pour la plupart à revenu élevé (les chiffres étaient respectivement de 43 et 57% dans l'enquête)», note le rapport, indiquant que la fermeture des écoles réduit l'apprentissage et exacerbe les inégalités. «30% des enfants ne participent à aucune activité d'apprentissage. Et, bien que la plupart des enfants reçoivent le soutien de leurs parents pour continuer à apprendre, le soutien parental varie selon les niveaux d'éducation des répondants. L'accès à l'enseignement à distance est faible et également inégal au Sénégal», ajoute le document.
De nombreuses personnes ont quitté Dakar le mois vers les zones rurales
Sur les déplacements, le rapport note que des milliers de personnes ont déménagé temporairement dans les zones rurales. «Depuis le début de l'épidémie, les pays européens et les États-Unis ont vu des mouvements de population des grandes villes vers les zones rurales, ce qui a accru la propagation du virus et les systèmes de santé ruraux sursaturés. De même, de nombreuses personnes ont quitté la capitale Dakar le mois dernier et ont migré vers les zones rurales du Sénégal. Ces importants mouvements de population pourraient avoir contribué à la propagation de la maladie et risquer de saturer les systèmes de santé ruraux», dit le rapport qui finit par révéler avoir partagé le rapport avec le gouvernement sénégalais. «Nous espérons qu'il pourra contribuer à la réponse politique contre Covid-19», souhaite le rapport.
Sidy Djimby NDAO
La gestion de l’épidémie de coronavirus au Sénégal continue de susciter de l’intérêt à travers le monde. Longtemps décrit comme un bon élève au niveau mondial, le pays de la Teranga a vu les choses se compliquer ces derniers jours, avec en prime une augmentation exponentielle des cas de contamination. Ce qui n’a pas empêché le groupe de réflexion à but non lucratif américain basé à Washington DC «Center for Global Development» (Cgd) de s’intéresser au «cas Sénégal». En effet, à travers une enquête sur la gestion de l’épidémie de coronavirus au Sénégal, notamment le niveau de confiance des Sénégalais vis -à-vis des déclarations de leurs autorités sur la maladie, le Think-Tank américain a pu déterminer que les Sénégalais font très largement confiance aux autorités du pays quant à la gestion de l’épidémie.
Ladite enquête publiée sur «Harvard Dataverse», un référentiel de données de recherche de la prestigieuse université d’Harvard, montre que 86% des Sénégalais sondés font confiance à l'État alors que 87% pensent sa communication véridique. Pour arriver à ce résultat, Cgd renseigne qu’il a piloté l’enquête sur les téléphones portables auprès de plus de 1000 personnes au Sénégal, en partenariat avec le Centre de recherche pour le développement économique et social (Crdes).
Le tourisme à terre et les envois de fonds : 2 gros problèmes
Pour commencer, Cgd, dont l’enquête a été menée entre le 7 et le 13 avril, explique pourquoi le choix du Sénégal. Selon le document parcouru par «Les Échos», le Sénégal est susceptible d'être fortement impacté par la crise du Covid-19. «Il a été l'un des premiers pays africains à détecter un cas (le 2 mars) et compte aujourd'hui des centaines de cas», note le rapport. Et d’ajouter : «7% de l'économie du Sénégal dépendent du tourisme international, qui a complètement cessé lors de la fermeture des frontières le 19 mars. Les envois de fonds des migrants représentent 9,3% du Pib, et les migrants sénégalais en Espagne, en France ou en Italie pourraient ne pas être en mesure d'envoyer de l'argent chez eux les prochains mois», explique le rapport d’enquête, qui comprend également des questions sur les impacts économiques de la crise, les mesures d'atténuation, la perception de l'action gouvernementale, l'éducation et la migration. «Nous utilisons des post-stratifications et des poids d'échantillonnage pour rendre notre échantillon représentatif de la population sénégalaise», note le document.
1/3 des sondés mangent moins depuis le début de la pandémie
Le rapport fait savoir que les Sénégalais souffrent économiquement. En effet, soutiennent les enquêteurs, 86,8% des répondants ont déjà signalé une perte de revenus. «Il y a une certaine variabilité dans ce chiffre avec les personnes pauvres, les personnes vivant en dehors de Dakar et les personnes ayant un faible niveau d'éducation plus susceptibles de déclarer une perte de revenu», reconnaît le rapport. Autre donnée collectée par le rapport : la sécurité alimentaire. À ce propos, le rapport indique que plus d'un tiers des Sénégalais sondés mangent moins depuis le début de la pandémie. «Nos données montrent que le nombre de personnes déclarant limiter la taille de leurs repas quatre à sept jours par semaine est relativement élevé, d'autant plus que la saison de soudure (juin-juillet) n'a pas encore commencé. Les personnes qui ont répondu avoir subi une perte de revenu sont 17% de plus, susceptibles de déclarer qu'elles limitent la taille de leurs repas», détaille le rapport qui a également collecté des données sur les prix des denrées alimentaires afin de suivre l'inflation dans les enquêtes de suivi. «Au départ, 45% des personnes interrogées se plaignent d'une augmentation du prix du riz (seulement 1% signale une baisse) et le nombre est plus élevé dans les zones rurales», ajoute le rapport.
72,5% de la population favorables à un isolement de deux semaines
Le rapport assure que presque tous les sondés ont entendu parler du coronavirus et les gens signalent une conformité élevée aux mesures prises par les autorités. «Près de 90% des personnes rapportent qu'elles ont cessé d'aller à la mosquée. Il s'agit de l'une des mesures les plus controversées prises par le gouvernement, qui a provoqué des manifestations à Dakar», note le rapport qui ajoute que 39% des répondants ont déclaré qu'ils portaient un masque, même si cela n'était pas recommandé lors de la collecte des données (le Sénégal a rendu obligatoire le port du masque à l'extérieur le 20 avril, après l'enquête sur le terrain). Ce que le rapport désigne comme un bon signe pour le Sénégal : «une forte adhésion aux mesures d'atténuation pourrait aider à ralentir la propagation de la maladie et éviter un blocage», estime-t-il. Les enquêteurs ont également demandé aux répondants s'ils seraient favorables à un isolement de deux semaines pour contenir la propagation de Covid-19. À ce propos, 72,5% de la population sont favorables à cette mesure, selon le rapport qui fait remarquer que le pourcentage de réponses favorables baisse de 19% pour les répondants qui déclarent une perte de revenu. «Ce qui suggère que l'expérience réelle d'une perte de revenu fait que les gens s'inquiètent des conséquences économiques du confinement, plutôt que de leur niveau de revenu».
L'accès à l'enseignement à distance est faible et également inégal au Sénégal
Si tel est le cas, une aggravation de la crise économique pourrait rapidement opposer l'opinion publique à un confinement, assure les enquêteurs. «La majorité de la population soutient également le gouvernement, 86% d'entre eux faisant confiance au gouvernement pour prendre soin de ses citoyens et 87% jugeant la communication gouvernementale véridique. Ces chiffres sont beaucoup plus élevés que les chiffres comparables recueillis dans une enquête en ligne auprès de 58 pays pour la plupart à revenu élevé (les chiffres étaient respectivement de 43 et 57% dans l'enquête)», note le rapport, indiquant que la fermeture des écoles réduit l'apprentissage et exacerbe les inégalités. «30% des enfants ne participent à aucune activité d'apprentissage. Et, bien que la plupart des enfants reçoivent le soutien de leurs parents pour continuer à apprendre, le soutien parental varie selon les niveaux d'éducation des répondants. L'accès à l'enseignement à distance est faible et également inégal au Sénégal», ajoute le document.
De nombreuses personnes ont quitté Dakar le mois vers les zones rurales
Sur les déplacements, le rapport note que des milliers de personnes ont déménagé temporairement dans les zones rurales. «Depuis le début de l'épidémie, les pays européens et les États-Unis ont vu des mouvements de population des grandes villes vers les zones rurales, ce qui a accru la propagation du virus et les systèmes de santé ruraux sursaturés. De même, de nombreuses personnes ont quitté la capitale Dakar le mois dernier et ont migré vers les zones rurales du Sénégal. Ces importants mouvements de population pourraient avoir contribué à la propagation de la maladie et risquer de saturer les systèmes de santé ruraux», dit le rapport qui finit par révéler avoir partagé le rapport avec le gouvernement sénégalais. «Nous espérons qu'il pourra contribuer à la réponse politique contre Covid-19», souhaite le rapport.
Sidy Djimby NDAO