Il se présente en ex-opposant de Jammeh et proche du pouvoir actuel, même s’il souhaite prendre de la distance et procéder à une observation de la scène, pour rebondir là où tout le monde l’attend. Cheikh Sidya Bayo, puisque c‘est lui dont il s’agit, précise : «pour l’instant, je m’occupe de ma famille et j’observe». En présentant ses condoléances à son ex-farouche ennemi, Bayo est d’avis que les funérailles de la défunte mère de l’ancien dictateur gambien doivent se tenir en terre gambienne et qu’il se dresserait contre quiconque tenterait de les interdire. Mais, pour le retour de Jammeh en Gambie, il se dit prêt à se dresser en rempart pour l’en empêcher, quitte à faire face à Barrow s’il en était l’instigateur. Bayo a été invité à la rencontre initiée à Paris par le maire de Marsassoum, Seyni Mandiang, pour échanger avec la diaspora sur les réalisations de Macky Sall dans sa localité, en vue de lui faciliter une réélection au premier tour dans la diaspora.
Les Echos : Malgré qu’il ait tout fait pour que vous ne soyez pas présent à l’inhumation de votre père à Touba, êtes-vous prêt à demander une faveur à Adama Barrow pour que la défunte mère de Yaya Jammeh soit enterrée en Gambie ?
Cheikh Sidya Bayo : D’abord, je présente mes sincères condoléances à la famille Jammeh. En dehors de cet évènement tragique, quand on combat un dictateur, on lui reproche une violation des droits de l’homme. C’est ce qu’on a toujours reproché à Yaya Jammeh. J’ai été le premier à demander à la classe politique - et pas aux victimes, je le précise bien – de pardonner à Jammeh. Je l’ai fait au moment de l’impasse politique. Si l'ancien Président perd sa mère qui, bien sûr, est une Gambienne, nous ne sommes personne pour empêcher que le corps de Mme Assombi Bodiang atterrisse en Gambie et y soit enterrée. Et puis nous sommes musulmans et le Prophète nous apprend à pardonner. Yaya Jammeh sait très bien qu’en dehors de ce qu’il a fait subir aux Gambiens, il a en face de lui de vrais démocrates. En fait, la question ne se pose même pas. Si les funérailles sont organisées pour se passer en Gambie, cela ne doit même pas faire l’objet d’un débat. En fait, Mme Assombi doit être enterrée en Gambie, c’est tout. En tous les cas, si certains veulent entamer ce débat, les responsables politiques Gambiens doivent être assez matures pour ne pas les suivre.
Comment appréciez vous la dernière déclaration de Yaya Jammeh annonçant son retour que ni des djinns, encore moins des hommes ne peuvent empêcher ?
Yaya Jammeh, c’était un Président charlatan et ubuesque. Je l’ai répété à maintes reprises. Quand il était au pouvoir, il disait que ces mêmes djinns là allaient voter pour lui et qu’il ne perdrait jamais les élections par les urnes. Le résultat est connu de tous. Il a perdu par les urnes et il est en exil. Et malheureusement pour lui, il restera en exil. Je vais prévenir d’emblée le Président Barrow que s’il donne le feu vert à Yaya Jammeh pour qu’il rentre en Gambie, je serai le premier à m’ériger en rempart pour empêcher cela. Je crois que nous devons oublier la page Jammeh, nous concentrer sur la transition politique et préparer la jeunesse gambienne. Cela fait quasiment deux ans que le Président Barrow est en place et les Gambiens se plaignent. On a toujours des jeunes qui rejoignent la mer méditerranée alors que nous n’avons plus de dictature qui faisait fuir les gens. Il est temps pour la classe politique gambienne de prendre ses responsabilités. Récemment, l’Union européenne a promis d’aider la Gambie dans le cadre de son Plan national de développement 2018-2021. Dans cette optique, il faut que l’arène politique dans son ensemble fasse preuve de maturité et de sincérité. Et comme avait dit Abdoulaye Wade à Senghor, créer une opposition de contribution. C’est un devoir moral que d’aider le Président Adama Barrow, même si on est un opposant.
N’est-ce pas dans cette logique que le Président Adama Barrow a ouvert son gouvernement aux partisans de Yaya Jammeh ?
Après 22 ans de suppression de liberté individuelle ou collective, suppression de démocratie, entre autres, quand vous arrivez à la tête, avec un homme comme Yaya Jammeh, vous êtes obligés de composer avec des hommes qui l’ont accompagné dans sa bêtise humaine, pour comprendre ce qui s’est réellement passé là. Maintenant, la gestion de l’Etat se fait en trois phases, car après cela, suivra la transition et demain, ce sera la phase de renouvellement de la classe politique.
Par notre correspondant à Paris
C A S