23 juin 2011 ! Une date inscrite dans les annales des luttes démocratiques et citoyennes de notre pays. Une journée historique dont le souvenir et la symbolique seront célébrés aujourd’hui, à l’occasion du 9ème anniversaire de ce soulèvement populaire qui a sonné le glas du régime Wade. Que reste-il de ce mouvement dont les acteurs sont presque tous aujourd’hui au pouvoir, reniant le mouvement, comme toute autre forme de contestation et de revendication, alors que beaucoup de ces revendications politiques et sociales qui étaient à la base du 23 juin sont de plus en plus d’actualité ? Une attitude que dénonce Fadel Barro, ancien coordonnateur de Y’en a marre et Seydi Gassama de la société civile.
Il y a 9 ans, les forces vives du pays, partis politiques, société civile, syndicats, associations diverses…étaient descendues dans la rue, notamment devant l’Assemblée nationale, pour protester vigoureusement et exiger le retrait du projet de loi de réforme constitutionnelle, qui devait instituer le ticket présidentiel (président et vice-président), avec des conditions d’élections (quart bloquant) très favorables au régime de Wade. Wade fera preuve de sagesse en renonçant à sa réforme pour calmer la rue. Et il perdra le pouvoir quelques mois après.
Aujourd’hui, ces slogans forts comme «Libérez le peuple», «Touche pas à ma Constitution», chantés presque en chœur, ne résonnent plus. Et pour cause, les forces vives qui avaient porté ce combat à l’unisson se sont séparées, avec des orientations, des engagements et des objectifs différents.
L’essentiel des acteurs sont au pouvoir, Mamadou Mbodj a essayé de tenir avant de jeter l’éponge
Après l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, soutenu par les acteurs du 23 juin, ce bel esprit de lutte citoyenne s’est paradoxalement étiolé petit à petit au point de disparaitre presque. En effet, beaucoup d’acteurs se sont vu propulser au sommet du pouvoir. Un pouvoir qui n’a jamais voulu s’encombrer d’un mouvement connu pour être contestataire. D’autres forces ont rejoint l’opposition, alors que la société civile a préféré se concentrer sur ses missions propres, faute d’une dynamique unitaire de combat. La naissance de l’association portant le nom de M23 avait donné l’espoir d’une perpétuation du mouvement, mais la descente aux enfers sera très rapide. Le coordonnateur Mamadou Mbodji, pourtant avec de belles idées, à force de recevoir des bâtons dans les roues, a démissionné. Une nouvelle équipe dirigée par l’ancien ministre Doudou Sarr, avec Ousmane Ndiaye (secrétaire général), Ibrahima Diagne «IBS», (chargé de l’organisation et de la communication), Aida Niang (responsable des jeunes), n’aura pas plus de succès.
En réalité, l’âme du 23 juin n’y est plus et les acteurs, comme le Sénégalais lambda, ne se reconnaissent pas à travers cette association qui a pris le relai. Surtout du fait de la proximité de certains de ses animateurs avec le régime. Ce qui tue de facto toute orientation vers la revendication et la contestation, qui sont pourtant les moteurs et l’esprit du 23 juin. Et aujourd’hui, cette journée sera célébrée encore, au moment où les revendications essentielles qui étaient à sa base (mal gouvernance, tripatouillages constitutionnels, crimes économiques, injustice…) sont plus qu’actuelles, malgré l’alternance et la présence de la grande majorité de ses acteurs au pouvoir.
Fadel Barro : «Les autorités politiques, ont rangé aux oubliettes le 23 juin, parce qu’ils veulent garder un système que le mouvement du 23 juin combattait»
Pour l’ancien coordonnateur du mouvement Y’en a marre, il faut distinguer le M23 en tant que journée de mobilisation et de lutte et le M23 en tant qu’association née après cette journée. «Ce sont deux choses différentes», précise-t-il. Tout en notant que «pour la symbolique», il préfère parler de la journée du 23 juin. Et surtout ce que les politiques d’une part et la jeunesse d’autre part en ont fait. Et c’est pour fustiger l’attitude des politiques, notamment ceux qui sont au pouvoir et qui étaient, quasiment tous, acteurs de cette journée. «Pour les autorités politiques, ils ont rangé aux oubliettes le 23 juin. Ils ont tout fait pour qu’il n’ait aucun impact. Ils ne l’ont jamais commémoré ; ils n’ont jamais célébré sa symbolique ; ils ne l’ont jamais enseigné aux jeunes. Ils l’ont dénié ; ils l’ont dévoyé», assène-t-il. Non sans souligner que si Macky Sall et Cie ont eu cette attitude de rejet envers le 23 juin, c’est «parce qu’ils veulent garder un système que le mouvement du 23 juin combattait».
«Les jeunes, à la différence de ces politiques l’ont pris comme une boussole»
A l’opposé, Fadel Barro pense que les jeunes ont bien capitalisé cette mobilisation citoyenne exceptionnelle, en s’en inspirant dans leurs combats. «Les jeunes, à la différence de ces politiques l’ont pris comme une boussole. Combien de mouvements et associations de jeunes sont nés après, aujourd’hui, pour se battre pour l’intérêt du peuple, pour faire évoluer les choses ?» Poursuivant, il souligne que pendant que beaucoup de politiques qui étaient à la pointe de la revendication le 23 juin se sont ramollis, «les jeunes, qui ont intégré l’esprit du 23 juin, ont pris leur destin en main et veulent être les propres acteurs de l’histoire de leur pays». Et il trouve que «c’est ça qui est magnifique» aujourd’hui, en ces moments de célébration de ces moments de luttes citoyennes. Et c’est pourquoi, il «continue de se battre aux côtés de ces jeunes». Surtout qu’il reste convaincu que «le 23 juin continuera d’être une pierre angulaire de la lutte citoyenne et une lumière qui va continuer d’éclairer tous ceux qui sont épris de justice, de démocratie, de libertés…»
Seydi Gassama : «Cette mobilisation a porté Macky Sall au pouvoir, avec d’énormes espoirs, mais 8 ans après, il n’a pas apporté beaucoup d’avancées»
Un des acteurs de cette journée, en tant que membre de la société civile, Seydi Gassama garde les souvenirs intacts. «C’était une mobilisation historique, qui avait rassemblé toutes les forces vives de la nation (politiques, syndicats, société civile), pour s’opposer vivement au projet de réforme constitutionnelle qui allait sonner le glas de la démocratie, de l’ordre constitutionnel sénégalais et de l’Etat de droit», rappelle-t-il. Et de noter que «fort heureusement, le Président Wade a reculé à temps ; ce qui a permis d’éviter au pays de basculer dans le chaos».
Mais sa joie de ressasser ce souvenir est vite remplacée par les regrets. «Cette mobilisation a porté Macky Sall au pouvoir, avec d’énormes espoirs qu’on allait avoir de grandes avancées en matière de démocratie, d’Etat de droit, de libertés…Mais 8 ans après, il n’a pas apporté beaucoup d’avancées», se désole-t-il. Il en veut pour preuve «l’arrêté Ousmane Ngom qui perdure, l’interdiction et la répression des manifestations». Sans compter «le dialogue politique qui n’a pas non plus connu d’avancées». Plein de désillusions, il affirme que «beaucoup d’espoirs qui étaient derrière cette formidable révolution ont été déçus».
«Après la conquête du pouvoir, les gens se sont partagés les gâteaux. Ils se sont éloignés du 23 juin»
Se voulant plus explicite, il affirme : «après la conquête du pouvoir, les gens se sont partagés les gâteaux. Ils se sont éloignés du 23 juin. Évidemment ça n’arrange pas le pouvoir, parce que c’est un mouvement de revendication». Ce qui est d’autant plus vrai, dit-il, qu’après l’alternance, Mamadou Mbodji a voulu perpétuer l’esprit du mouvement en organisant des panels sur plusieurs thématiques, mais ça a commencé à gêner le pouvoir et des manouvres ont eu lieu, jusqu’à ce qu’il jette l’éponge. Et de noter que depuis lors, «le M23 et mort». Même si Abdourahmane Sow a continué de se battre au niveau de la Cos M23.
Mbaye THIANDOUM
Il y a 9 ans, les forces vives du pays, partis politiques, société civile, syndicats, associations diverses…étaient descendues dans la rue, notamment devant l’Assemblée nationale, pour protester vigoureusement et exiger le retrait du projet de loi de réforme constitutionnelle, qui devait instituer le ticket présidentiel (président et vice-président), avec des conditions d’élections (quart bloquant) très favorables au régime de Wade. Wade fera preuve de sagesse en renonçant à sa réforme pour calmer la rue. Et il perdra le pouvoir quelques mois après.
Aujourd’hui, ces slogans forts comme «Libérez le peuple», «Touche pas à ma Constitution», chantés presque en chœur, ne résonnent plus. Et pour cause, les forces vives qui avaient porté ce combat à l’unisson se sont séparées, avec des orientations, des engagements et des objectifs différents.
L’essentiel des acteurs sont au pouvoir, Mamadou Mbodj a essayé de tenir avant de jeter l’éponge
Après l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, soutenu par les acteurs du 23 juin, ce bel esprit de lutte citoyenne s’est paradoxalement étiolé petit à petit au point de disparaitre presque. En effet, beaucoup d’acteurs se sont vu propulser au sommet du pouvoir. Un pouvoir qui n’a jamais voulu s’encombrer d’un mouvement connu pour être contestataire. D’autres forces ont rejoint l’opposition, alors que la société civile a préféré se concentrer sur ses missions propres, faute d’une dynamique unitaire de combat. La naissance de l’association portant le nom de M23 avait donné l’espoir d’une perpétuation du mouvement, mais la descente aux enfers sera très rapide. Le coordonnateur Mamadou Mbodji, pourtant avec de belles idées, à force de recevoir des bâtons dans les roues, a démissionné. Une nouvelle équipe dirigée par l’ancien ministre Doudou Sarr, avec Ousmane Ndiaye (secrétaire général), Ibrahima Diagne «IBS», (chargé de l’organisation et de la communication), Aida Niang (responsable des jeunes), n’aura pas plus de succès.
En réalité, l’âme du 23 juin n’y est plus et les acteurs, comme le Sénégalais lambda, ne se reconnaissent pas à travers cette association qui a pris le relai. Surtout du fait de la proximité de certains de ses animateurs avec le régime. Ce qui tue de facto toute orientation vers la revendication et la contestation, qui sont pourtant les moteurs et l’esprit du 23 juin. Et aujourd’hui, cette journée sera célébrée encore, au moment où les revendications essentielles qui étaient à sa base (mal gouvernance, tripatouillages constitutionnels, crimes économiques, injustice…) sont plus qu’actuelles, malgré l’alternance et la présence de la grande majorité de ses acteurs au pouvoir.
Fadel Barro : «Les autorités politiques, ont rangé aux oubliettes le 23 juin, parce qu’ils veulent garder un système que le mouvement du 23 juin combattait»
Pour l’ancien coordonnateur du mouvement Y’en a marre, il faut distinguer le M23 en tant que journée de mobilisation et de lutte et le M23 en tant qu’association née après cette journée. «Ce sont deux choses différentes», précise-t-il. Tout en notant que «pour la symbolique», il préfère parler de la journée du 23 juin. Et surtout ce que les politiques d’une part et la jeunesse d’autre part en ont fait. Et c’est pour fustiger l’attitude des politiques, notamment ceux qui sont au pouvoir et qui étaient, quasiment tous, acteurs de cette journée. «Pour les autorités politiques, ils ont rangé aux oubliettes le 23 juin. Ils ont tout fait pour qu’il n’ait aucun impact. Ils ne l’ont jamais commémoré ; ils n’ont jamais célébré sa symbolique ; ils ne l’ont jamais enseigné aux jeunes. Ils l’ont dénié ; ils l’ont dévoyé», assène-t-il. Non sans souligner que si Macky Sall et Cie ont eu cette attitude de rejet envers le 23 juin, c’est «parce qu’ils veulent garder un système que le mouvement du 23 juin combattait».
«Les jeunes, à la différence de ces politiques l’ont pris comme une boussole»
A l’opposé, Fadel Barro pense que les jeunes ont bien capitalisé cette mobilisation citoyenne exceptionnelle, en s’en inspirant dans leurs combats. «Les jeunes, à la différence de ces politiques l’ont pris comme une boussole. Combien de mouvements et associations de jeunes sont nés après, aujourd’hui, pour se battre pour l’intérêt du peuple, pour faire évoluer les choses ?» Poursuivant, il souligne que pendant que beaucoup de politiques qui étaient à la pointe de la revendication le 23 juin se sont ramollis, «les jeunes, qui ont intégré l’esprit du 23 juin, ont pris leur destin en main et veulent être les propres acteurs de l’histoire de leur pays». Et il trouve que «c’est ça qui est magnifique» aujourd’hui, en ces moments de célébration de ces moments de luttes citoyennes. Et c’est pourquoi, il «continue de se battre aux côtés de ces jeunes». Surtout qu’il reste convaincu que «le 23 juin continuera d’être une pierre angulaire de la lutte citoyenne et une lumière qui va continuer d’éclairer tous ceux qui sont épris de justice, de démocratie, de libertés…»
Seydi Gassama : «Cette mobilisation a porté Macky Sall au pouvoir, avec d’énormes espoirs, mais 8 ans après, il n’a pas apporté beaucoup d’avancées»
Un des acteurs de cette journée, en tant que membre de la société civile, Seydi Gassama garde les souvenirs intacts. «C’était une mobilisation historique, qui avait rassemblé toutes les forces vives de la nation (politiques, syndicats, société civile), pour s’opposer vivement au projet de réforme constitutionnelle qui allait sonner le glas de la démocratie, de l’ordre constitutionnel sénégalais et de l’Etat de droit», rappelle-t-il. Et de noter que «fort heureusement, le Président Wade a reculé à temps ; ce qui a permis d’éviter au pays de basculer dans le chaos».
Mais sa joie de ressasser ce souvenir est vite remplacée par les regrets. «Cette mobilisation a porté Macky Sall au pouvoir, avec d’énormes espoirs qu’on allait avoir de grandes avancées en matière de démocratie, d’Etat de droit, de libertés…Mais 8 ans après, il n’a pas apporté beaucoup d’avancées», se désole-t-il. Il en veut pour preuve «l’arrêté Ousmane Ngom qui perdure, l’interdiction et la répression des manifestations». Sans compter «le dialogue politique qui n’a pas non plus connu d’avancées». Plein de désillusions, il affirme que «beaucoup d’espoirs qui étaient derrière cette formidable révolution ont été déçus».
«Après la conquête du pouvoir, les gens se sont partagés les gâteaux. Ils se sont éloignés du 23 juin»
Se voulant plus explicite, il affirme : «après la conquête du pouvoir, les gens se sont partagés les gâteaux. Ils se sont éloignés du 23 juin. Évidemment ça n’arrange pas le pouvoir, parce que c’est un mouvement de revendication». Ce qui est d’autant plus vrai, dit-il, qu’après l’alternance, Mamadou Mbodji a voulu perpétuer l’esprit du mouvement en organisant des panels sur plusieurs thématiques, mais ça a commencé à gêner le pouvoir et des manouvres ont eu lieu, jusqu’à ce qu’il jette l’éponge. Et de noter que depuis lors, «le M23 et mort». Même si Abdourahmane Sow a continué de se battre au niveau de la Cos M23.
Mbaye THIANDOUM