Plus de deux ans après la tuerie qui a eu lieu dans la forêt classée de Boffa-Bayotte, les inculpés sont toujours maintenus en prison. L’avocat des présumés meurtriers et du commanditaire présumé a introduit une demande de liberté provisoire devant la Chambre d'accusation. Face à la presse, après son face à face avec les juges de la juridiction du second degré, Me Ciré Clédor Ly tire à boulets rouges sur le juge d'instruction et soulève les manquements dans l'enquête. Il regrette également que le Chef d’état major général de l’armée (Cemga) de l'époque ainsi que le chef de station de Rts/radio Ziguinchor n’aient pas été entendus.
«Toutes les recommandations que nous lui avons suggérées permettant de prouver l’innocence de mes clients, il les a toutes rejetées. Il refuse de les libérer aussi. C’est pourquoi nous avons interpellé la Chambre d’accusation pour avoir des réponses plus claires par rapport à nos interpellations. J’ai dit au juge de la Chambre d’accusation, si la liberté provisoire n’est pas acceptée, nous demandons qu’ils soient libérés tout bonnement», fait d'emblée savoir aux journalistes Me Ciré Clédor Ly, visiblement très en colère contre le juge d'instruction.
«Il est temps que les enquêtes de police et de gendarmerie fassent l’objet de vérification par les juges d’instruction»
Pour justifier cette demande qu’il a déposée à la Chambre d’accusation, il souligne : «nous avons demandé au juge que le Chef d’état-major des armées soit entendu, il a refusé. Nous lui avons demandé d’entendre le chef de la station régionale de Rts/radio Ziguinchor, parce qu’il a des points à éclairer, il a encore refusé. Donc je me demande quelle est l’utilité du juge d’instruction dans cette affaire».
La robe noire renchérit : «nous avons demandé le renvoi de la demande d’expertise et la confrontation de témoins à une autre date pour nous permettre de renforcer notre dossier, parce que notre but, c’est de convaincre la Chambre d’accusation. Les actes d’investigation que nous avons demandés pour la manifestation de la vérité ne peuvent pas être refusés par le juge d’instruction. Voilà pourquoi nous avons saisi la Chambre d’accusation. Malheureusement, elle n’a pas joint toutes les procédures. Il est temps que notre police judiciaire ou les enquêtes de police et de gendarmerie fassent l’objet de vérification par les juges d’instruction. L’article 72 du Code de procédure pénale dit que : ‘’les éléments de l’information doivent être les éléments recueillis par les officiers de la police judiciaire, et ils doivent être vérifiés par les juges d’instruction’’. Mais les juges ne vérifient rien du tout. Ils vous convoquent dans une salle climatisée, vous posent des questions mais ne vérifient aucun élément», peste-t-il.
25 parmi mes clients ne savent même pas c’est quoi le Mfdc, ils ne savent même pas ce qu’est une cartouche
Pour l’avocat de René Capin Bassène, de Omar Ampoye Bodian et compagnie, la procédure est entachée d’irrégularités. «Je dis formellement que sur toutes les personnes que je défends, une trentaine, 25 d’entre elles ne savent même pas ce que c’est le Mfdc et pourtant, on essaie de faire comprendre à l’opinion internationale que c’est le Mfdc qui a envoyé des tueurs. Des gens qui ne savent même pas ce que c’est qu’une cartouche. Quand je leur parle de cartouche, ils me parlent de fusil. Quand je leur parle de fusil, ils me parlent de cartouche», fulmine encore la robe noire.
L’affaire
Pour rappel, le 6 janvier 2018, 14 jeunes à la recherche de bois ont été sauvagement assassinés par des inconnus armés. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. La gendarmerie, qui a hérité du dossier pour les besoins de l’enquête, a entendu toute la population de Toubacouta ainsi que des organisations pour la surveillance de la forêt. C’est ainsi qu’une trentaine de personnes ont été inculpées et mises sous mandat de dépôt quelques jours après. Et parmi ces personnes, il y a Omar Ampoye Bodian, chargé de mission du Mfdc et agent de La Poste sénégalaise et René Capin Bassène, journaliste et commanditaire présumé de la tuerie.
Baye Modou SARR