L’Assemblée nationale a voté hier d’un seul coup les cinq projets de résolutions de mise en accusation des anciens ministres du président Macky Sall. L’opposition a tant bien que mal essayé de s’imposer en manifestant à chaque prise de parole sa réticence face à cette procédure, mais la majorité l’a fait passer comme lettre à la poste.
Cette fois-ci, l’opposition parlementaire n’a pas boycotté. Beaucoup d’entre eux ont pris part à la plénière pour la mise en accusation de Mansour Faye, Moustapha Diop, Ndèye Saly Diop Dieng, Sophie Gladima et Ismaïla Madior Fall, mais cela n’a pas empêché Pastef de peser de tout son poids piur livrer les mis en cause à la Haute Cour de justice.
Mbaye Dione : «la Cour des comptes s’est basée sur un arrêté signé en 2013 pour parler de surfacturation»
Pour Mbaye Dione, les cinq ministres mis en cause doivent normalement être les premiers à souhaiter répondre à la justice, pour prouver leur innocence. «C’est l’inexistence d’une Haute Cour de justice qui serait une hérésie. Quand on prône une égalité de tous les citoyens, tous les moyens doivent être mis en place pour que tout le monde soit justiciable», déclare le nouveau secrétaire général de l’Afp, qui reconnaît qu’il peut y avoir une divergence sur le mode de fonctionnement de cette institution, mais l’opportunité de sa mise en place fait l’unanimité.
En tant que maire de la commune de Ngoudiane, M. Dione met le curseur sur les 2 milliards 700 identifiés par la Cour des comptes comme une surfacturation du riz. «En tant que maire, je peux assurer que la répartition de ce riz n’était pas équitable. Il y en a qui ont reçu des kits complets, certains n’ont eu que la moitié et d’autres n’ont rien reçu», assure Mbaye Dione, qui ne comprend pas comment est-ce que la Cour des comptes a pu se référer d’un arrêté signé en 2013 fixant le prix de la tonne de riz, pour juger l’achat effectué en 2022. Pour lui, il faut relativiser. «Nous savons tous que le prix du riz a bien évolué entre 2013 et 2022. La preuve, la tonne de riz est actuellement autour de 300.000. La Cour de comptes s’est basée sur un arrêté signé en 2013, mais en plus qui doit être caduc au-delà de quatre mois, donc parler de surfacturation pour ces faits n’est pas totalement objectif», déclare Mbaye Dione, qui lave a grande eau l’homme d’affaires Moustapha Ndiaye : «je le connais, je l’ai pratiqué, il n’est pas du genre à surfacturer. On doit épargner les hommes d’affaires dans les dossiers politiques».
Pour Tafsir Thioye, le dossier de Ndèye Saly Diop est compliqué, parce qu’il y a beaucoup de zones d’ombre. Enchaînant avec le dossier de l’ancien ministre de la Justice, il déclare : «l’affaire Ismaïla Madior Fall est trop chargée. L’enquête n’a révélé que la corruption et la concussion. Donc, d’où vient le blanchiment de capitaux ? Il faut dépassionner les poursuites, sinon elles risquent de rassembler à des règlements de comptes».
Pour Racky Diallo, au rythme où vont les choses à l’Assemblée nationale, c’est à croire que la XVème législature n’est bonne qu’à radier, lever des immunités parlementaires et porter des mises en accusation d’anciens ministres. A l’en croire, l’objectif final, c’est de camoufler les limites du nouveau régime et de salir le bilan du président Macky Sall.
Aïssata Tall Sall: «ces mises en accusation ne peuvent pas être votées parce qu’elles sont illégales»
Aïssata Tall Sall, revenant sur les caractéristiques de la Haute Cour de justice, rappelle qu’il n’y a aucune voie de recours qui est ouverte à son encontre, c’est pourquoi elle estime que les députés doivent bien réfléchir avant d’envoyer quelqu’un devant la Haute Cour de justice. «Nous tous ici sommes justiciables ou pouvons être justiciables de la Haute Cour de justice. L’autre particularité de la Haute Cour de justice, c’est que ce sont les députés qui prononcent l’acte d’accusation. J’entends des collègues dire : nous ne sommes pas la justice ; laissez-moi vous dire que si, nous sommes aujourd’hui la justice. On a pris la place du procureur. Aujourd’hui, à cet instant, il n’y a pas de séparation de pouvoirs», fait-elle noter, avant d’enchaîner : «puisque nous faisons office de procureur de la République, mettons-nous dans la tête la présomption d’innocence. Dans tous les dossiers, ceux sont les Dage qui accusent des ministres».
Me Abdoulaye Tall : «vous ne pouvez pas avoir les honneurs, l’argent et l’impunité»
A la suite de Aïssata Tall Sall, un autre avocat de formation a pris place sur le pupitre : Abdoulaye Tall, président de la Commission des lois. Ce dernier dit être d’accord sur un principe : «la loi ne doit pas piéger, elle doit protéger, mais nous sommes tous égaux devant la loi et on ne doit pas faire de distinguo notre les Dage et les autres Sénégalais, fussent-ils ministres. La meilleure protection pour quelqu’un, c’est la droiture», affirme M. Tall, qui redéfinit la Haute Cour de justice. «C’est une juridiction personnelle parce qu’elle juge le président de la République et les ministres. Elle n’est pas permanente parce qu’elle est installée à chaque début de législature», dit-il.
Abdoulaye Tall de tirer à boulets rouges sur les dignitaires de l’ancien régime. «Vous ne pouvez pas avoir les honneurs, l’argent et l’impunité. Quand on est gestionnaire de deniers publics, dépositaire de pouvoir public, en fin de mission, il faut faire les comptes», fulmine-t-il.
Ce dernier partage cette position naturellement avec l’ensemble des députés de la majorité qui ont pris la parole. Ils ont tous plaidé pour l’éclatement de la «vérité» sur ces accusations qui pèsent sur les cinq ministres.
Nd. Kh. D. F