Me Malick Sall, ministre de la Justice, avait mis les manifestations sur le dos des lutteurs. D’après lui, il y a eu quelques manifestants contre l’arrestation d’Ousmane Sonko, mais pour l’essentiel, ce sont des lutteurs qui avaient envie de se défouler après une année vécue sans leur gagne-pain. La réplique des acteurs de la lutte a été foudroyante.
Gris Bordeaux sur Zik Fm: «nous sommes en train de parler avec l’avocat de l’association qui m’a conseillé de porter plainte»
«Ce sont des propos indignes d’un homme comme le ministre de la Justice. Un ministre de la République ne doit pas faire porter le chapeau aux lutteurs dans cette situation chaotique où le peuple composé de toutes les catégories (jeunes, hommes, femmes) s’est levé pour manifester. C’est inadmissible. La jeunesse s’est levée pour un désespoir et aigris par tant d’autres manquements. Il ne faut pas donner des excuses et accuser les lutteurs. Nous allons prendre des dispositions, parce qu’il nous a directement accusés. Nous sommes en train de parler avec l’avocat de l’association qui m’a conseillé de porter plainte. Donc on va le faire. Parce qu’il a parlé sur une chaine internationale. Depuis le début du Covid-19, nous n’avons pas reçu l’aide de l’Etat et pourtant nous sommes restés dignes. Face à cette situation, l’Etat n’a qu’à tirer des leçons au lieu d’accuser des lutteurs. C’est du n’importe quoi».
Khadim Gadiaga : «si tous les manifestants étaient des lutteurs, donc l’Etat doit prendre les espaces universitaires pour créer d’autres arènes»
«Il faut décrypter le message de la jeunesse. Peut-être que c’est l’affaire Ousmane Sonko la goutte d’eau qui a débordé de la vase. La jeunesse souffre, beaucoup n’ont pas de quoi subvenir à leurs besoins mais également le couvre-feu a pleinement participé à ces manifestations. Tantôt, on nous taxe de nervis, ou on dit que nous étions sur les lieux des manifestations. Et ils participent au développement du pays. Nous investissons nos ressources. Si tous les manifestants étaient des lutteurs, donc l’Etat doit prendre les espaces universitaires pour créer d’autres arènes. Certaines autorités nous ont appelés pour qu’on lui pardonne. Et je ferai tout pour que l’association le pardonne. Les lutteurs ne sont mêlés ni de près ni de loin à ce qui se passe dans le pays. Nous sommes des citoyens responsables. Nous n’allons plus porter de plainte. Par ma voix, nous lui pardonnons. Les gens ne respectent pas la lutte. Ils font toujours la confusion entre les gros bras et les lutteurs. Tout ça, c'est de fausses accusations. Quand un lutteur demande un visa, il l’obtient. Cela signifie qu'ils sont corrects. Le ministre est juste passé à côté dans son intervention».
Boy Niang 2 : «cela prouve qu’ils n’ont aucune considération et aucun respect pour les lutteurs et notre sport national»
«Ça m’a fait mal d’entendre les propos du ministre de la Justice et c’est vraiment dommage pour notre pays d’avoir un ministre comme lui. On n’a pas le temps d’attaquer pour ça. On ne s’attaque pas à notre jeunesse parce qu’on est devenuce qu’on est grâce à la jeunesse sénégalaise. Nous réclamons beaucoup plus de respect et de considération vis-à-vis des lutteurs du Sénégal. Ils nous ont prouvé qu’ils n’ont aucune considération et aucun respect pour les lutteurs et notre sport national.»
Moussa Ndiaye, président école de lutte Balla Gaye : «il faut qu’on nous respecte, ils ne sont pas plus responsables que nous»
«Je n’ai pas compris ce qui est arrivé à ce ministre pour qu’il ose dire de telles choses. En dehors des lutteurs, tous les jeunes sont dans les salles de musculation pour se muscler. Les lutteurs sont des responsables. Un Balla Gaye ou un Modou Lo sont des responsables et ne s’adonnent pas à certains actes. Ce n’est pas un alibi d’accuser les lutteurs à chaque fois qu’il y a problème. Il faut qu’ils arrêtent d’accuser les gens à tout va. Cette situation est une colère collective. C’est vrai qu’il y a la situation causée par le Covid, mais ça n’a jamais été une cause pour les lutteurs de descendre dans la rue. Ce n’est pas sérieux. Je suis très content de la réaction de Gris Bordeaux. Ce ministre, je suis plus diplômé que lui. On s’est engagé dans la lutte pour venir en aide à la jeunesse sénégalaise. On a fait de sorte qu’ils soient des modèles pour la jeunesse. Il faut qu’on nous respecte, ils ne sont pas plus responsables que nous».
Doudou Diagne Diécko : «il s’est trompé, il faut pardonner. Je ne pense pas que ce soit la peine de l’attaquer»
«On n’a plus jamais vu de lutteur s’engager comme nervi depuis la mort du jeune à la mairie de Barthélemy Dias. Le ministre s’est vraiment trompé mais on doit lui pardonner. Ils n’avaient qu’un seul problème, c’est l’arène nationale ; maintenant qu’on l’a, qu’est-ce qui pourrait motiver un lutteur à faire ce genre de chose ? Ce ne sont pas eux qui étaient dans les rues, ça c’est clair. Malgré que les temps soient durs, les lutteurs ont gardé leur dignité et leur responsabilité. Si c’étaient les lutteurs, les télés et les sites les auraient déjà dévoilés. Le ministre, c’est seulement sur France 24 qu’il a pu dire ça, mais si c’était dans les médias locaux, les gens l’auraient contredit. Le ministre ne devait pas dépasser ce que le président de la République a dit. Il s’est trompé, il faut pardonner. Je ne pense pas que ce soit la peine de l’attaquer».
Bassirou Babou, président des managers de lutte : «j’espère qu’il regrette ce qu’il a dit»
«Je souhaite vraiment que les propos du ministre ne soient pas quelque chose qu’il répète. J’espère qu’il regrette ce qu’il a dit. Parce que vraiment, c’est indigne. Nous ne sommes vraiment pas contents de lui et de ses propos. J’espère qu’il va se rectifier parce que ce ne sont pas des propos qu’il doit émettre. Je n’ai ni vu ni entendu qu’un seul lutteur a participé à ces manifestations».
Cheikh Ndiaye, porte-parole de l’association des entraineurs : «si vraiment les lutteurs étaient sortis, l’affaire serait plus grave que ça»
«Le ministre a fait une grossière erreur. Il n’est pas sans savoir que les lutteurs sont des soutiens de famille, des régulateurs. Ils ont toujours été aux côtés de la nation à chaque fois que le besoin se présente. Le ministre doit suivre l’exemple du Président qui appelle à l’apaisement, mais non courir derrière un poste de ministre. Si vraiment les lutteurs étaient sortis, l’affaire serait plus grave que ça. Rien que dans la région de Cap-Vert, il ya 152 écuries qui regroupent au moins chacune 30 à 50 lutteurs. La lutte est un facteur de développement et pas le contraire. Cette culture dans l’arène attire bonnombre de Français. Maintenant s’il va chez eux pour faire de telles déclarations, c’est qu’il veut nuire à la lutte. La racine du mal est ailleurs, les gens dans ce pays ne mangent pas à leur faim. Ces nervis, ce sont eux qui les ont formés et recrutés.»
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