Macky Sall ne pourra pas compter sur Ousmane Sonko et Abdoul Mbaye, pour sa concertation nationale sur les ressources pétrolières et gazières. Pour le leader de Pastef, qui se demande pourquoi attendre d’avoir posé quasiment tous les actes dans la gestion de ces ressources, pour appeler à la concertation, cet appel est juste une mascarade et un bon prétexte pour le régime, pour camoufler ses actes de mal gouvernance commis volontairement dans le secteur. Abdoul Mbaye, qui abonde dans le même sens, refuse lui aussi de tomber dans le piège. Et il demande à Macky Sall de parler d’abord du passé de ces ressources, qu’il a construit sans concertation, avant de nous entretenir de leur avenir.
«Je vais convoquer au courant de ce mois de mai une grande concertation nationale. Et j'espère que tout le monde répondra à cet appel. Parce qu'il s'agira de parler de l'avenir de nos ressources pétrolières et gazières et nous allons voter une loi avant même le début de l'exploitation, une loi qui définira les modes de répartition des ressources tirées du pétrole et du gaz», a annoncé le chef de l’Etat. Une annonce à laquelle ont aussitôt répondu certains opposants.
Ousmane Sonko : «Vos concertations viennent trop tard et ne serviront à rien»
«Le Président Sall méprise son peuple et prend son opposition et la société civile pour des ignares, bons pour lui servir de faire valoir. Non Monsieur le Président, vos concertations viennent trop tard et ne serviront à rien», cogne-t-il d’emblée. En effet, le leader de Pastef souligne, à l’intention de Macky Sall, qu’il fallait convoquer ces concertations avant de poser les actes les plus significatifs et importants concernant les ressources énergétiques du Sénégal. «Il aurait fallu les (concertations) tenir :
avant la signature précipitée, sur les quatre dernières années, de contrats léonins en défaveur du Sénégal, sur la quasi totalité des 18 blocs; avant la concession de clauses de stabilisation sur de longues périodes pouvant aller jusqu'à 45 ans, ce qui rend presque inutile toute modification présente du code pétrolier;
avant l'octroi des 5 blocs les plus prometteurs aux aventuriers Ovidiu Tender, Edy Wang et Frank Timis, avec l’implication de votre frère Aliou Sall et la complicité de Aly Ngouille Ndiaye; avant la signature (l'offrande même) des deux blocs au profit de la française Total; avant l'autorisation des transactions spéculatives sur nos ressources pétrolières et gazières; avant l'accord de partage (50/50) avec le voisin mauritanien», crache de rage le député.
«Exercice de blanchiment des actes graves de mal gouvernance… »
Dès lors, il coule de source, pour lui, que répondre à l’invite du chef de l’Etat est la dernière des choses qu’il ferait. Car, il reste convaincu que cette convocation de Macky Sall est juste une manière de les utiliser pour se couvrir. «Personnellement, je ne répondrai pas à votre appel et m'interdis de participer à cette mascarade qui, en réalité, n'est qu'un exercice de blanchiment des actes graves de mal gouvernance commis, volontairement et sciemment, par votre régime qui, ainsi, a gravement compromis les intérêts supérieurs de la Nation sénégalaise», martèle-t-il. Une position d’autant plus normale, pour lui, que le mal est déjà fait. «On ne peut pas parler de l'avenir de nos ressources pétrolières et gazières, car vous l’avez déjà scellé. Malheureusement. En dehors du principe de renégociation de ces contrats pour une part équitable, tout le reste n'est que verbiage accessoire», conclut l’opposant.
Abdoul Mbaye freine des deux pieds : «de qui se moque-t-il ?»
Emettant sur la même longueur d’onde que Sonko, Abdoul Mbaye se demande. «De qui donc se moque-t-il ?». Le patron de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) se demande pourquoi cette volonté subite de Macky Sall de vouloir associer les opposants et la société civile au débat sur les ressources énergétiques du pays. «Pourquoi attendre mai 2018 pour annoncer une recherche nécessaire de transparence dans la gestion des ressources pétrolières et gazières du Sénégal, soit donc 6 ans après les signatures des décrets d’attribution de permis corrompus par de fausses informations sur les bénéficiaires desdits permis ?», s’interroge-t-il. La réponse, il la donne lui-même. «Le recours à la technique de la concertation large permettra ainsi de détourner l’attention et de faire oublier les comportements scélérats, également de faire endosser par toutes les forces vives les décisions de répartition de ce qui restera au peuple du Sénégal après le vol organisé d’une part essentielle de ses ressources pétrolières et gazières».
«Outrecuidance» et cynisme»
Mieux, il pense que Macky Sall, qui veut «parler de l’avenir de nos ressources pétrolières et gazières», devrait commencer «par nous parler du passé qu’il a construit sans concertation aucune», comme le lui commandent la «reddition de comptes» et la «gestion transparente, sobre et vertueuse» qu’il professe. Poursuivant, Abdoul Mbaye trouve que de la part du chef de l’Etat, c’est de «l’outrecuidance» et du «cynisme» de vouloir faire croire que «les contrats signés pour des durées de 25 à 40 ans seraient en outre devenus renégociables» et d’attendre 2018 pour prôner une gestion «dans l’intérêt exclusif des populations». Ne croyant pas un traître mot de l’invite du Président, il avertit : «De grâce, cessez donc de prendre les Sénégalais pour ce qu’ils ne sont pas : des nigauds», clame-t-il.
Mbaye THIANDOUM