Le ministre des Forces armées a fait de fortes annonces à Ziguinchor à l'occasion de la commémoration du naufrage du bateau «Le Joola» 19 ans après. Me Sidiki Kaba a révélé la détermination de l'Etat du Sénégal à satisfaire les demandes pressantes des familles, en ce qui concerne le renflouement le bateau, leur exigence de justice. Mais aussi et surtout l’inauguration du mémorial.
La 19ème édition de la commémoration du naufrage du bateau «Le Joola», le 26 septembre 2002 à 23 heures au large des côtes gambiennes, a été célébrée dimanche. Mais cette année, avec des engagements fermes de l’Etat du Sénégal. En ouvrant le ballet des discours des autorités et du porte-parole de l’Association des familles de victimes, Abdoulaye Baldé a rappelé le souhait des familles de victimes de pouvoir enfin faire leur deuil. «Monsieur le Ministre, au début de la tragédie, trois revendications majeures étaient agitées par l’Association des familles des victimes : l’indemnisation des familles, la construction du mémorial et le renflouement du bateau. Si les deux premières doléances ont été satisfaites, il convient maintenant d’accorder une attention particulière au renflouement du bateau, pour permettre à ces milliers de familles de faire le deuil de leurs parents disparus,mais aussi de faire de l’espace un lieu de recueillement et de souvenir. J’encourage donc le gouvernement à étudier sa faisabilité au plan technique tout en s’évertuant à mobiliser les moyens pour sa matérialisation», souligne le maire.
Interrogé, Ely Bernard Diatta de conforter les propos du maire. «Le renflouement va nous libérer, il va nous permettre de faire le deuil, va nous permettre de nous comporter comme tous les Sénégalais. Il va permettre aux victimes qui sont dans l’eau et qui ne cessent de se manifester aux familles pour nous supplier de les tirer de l’eau, de se reposer définitivement en terre. Ça va libérer les esprits, ça va libérer toutes les familles des victimes», dira-t-il.
Le 26 septembre Journée de souvenir des naufragés du Joola ?
En réponse aux différents discours, le ministre des Forces armées, Me Sidiki Kaba,a annoncé les engagements fermes de Macky Sall pour 2022. Ceci avant le 20ème anniversaire. «Legouvernement a bien pris en compte les autres préoccupations pour lesquelles les réponses seront apportées. Il s’agit notamment : du renflouement de l’épave du Joola, de la détermination des responsabilités juridiques et administratives du naufrage, du vote d’une loi instituant le 26 septembre Journée de souvenir des naufragés du Joola». Le ministre de donner ainsi rendez-vous à l’occasion du 20ème anniversaire pour l’inauguration du mémorial musée du «LeJoola».
Baldé alerte sur le pont Emile Badiane
Abdoulaye Baldé a profité de cette occasion pour évoquer le danger permanant que constitue le pont Emile Badiane de Ziguinchor vieux de plus de 40 ans. En 2019 comme en 2021, trois camions ont percuté les garde-fous pour terminer leurs courses dans le fleuve Casamance, faisant trois morts. Et depuis plusieurs années, la circulation sur le pont est bien contrôlée car deux gros porteurs n’emprunteront plus jamais ensemble ce pont qui est vieux. De ce fait, «la question de la construction d’un nouveau pont pour remplacer le pont Émile Badiane se pose également avec acuité, au regard de la situation actuelle. En effet, Monsieur le Ministre, nous avons déjà enregistré deux dérapages de camions qui sont tombés du pont en occasionnant à chaque fois des victimes. Nous savons que le chef de l’Etat a intégré cette question parmi ses priorités, mais il faudra agir vite et bien pour éviter la survenance d’un quelconque drame», a prévenu le maire.
Le comportement déplorable des Sénégalais dans la circulation est encore revenu dans les discours. Le ministre des Forces armées de dire : «la disparition du bateau le Joola est une tragédie vivace qui a secoué toute la nation sénégalaise et bouleversé le quotidien de centaines de familles. C’est pourquoi, le thème choisi cette année pour sa célébration ‘’Naufrage du Joola et gestion de la pandémie : l’irresponsabilité se poursuit’’ est pertinent, car nous invite à adopter, individuellement et collectivement, des comportements citoyens afin de prévenir tout risque sanitaire et sécuritaire préjudiciable à notre survie et de préserver l’Etat de droit et les valeurs républicaines qui nous garantissent la paix, la prospérité et la sureté dans notre société. Soyons les acteurs de notre propre sécurité. Les autorités ou personnes investies du pouvoir de contrôle dans nos maisons, sur nos routes, en mer et dans les campagnes devront agir sans négligence ni complaisance pour tout ce qui relève de la sécurité. Le laxisme et l’appât du gain peuvent avoir des conséquences désastreuses. Je vous exhorte à cultiver le sens de la responsabilité».
Dans son allocution, le maire de Ziguinchor a tenu à faire un faire un vibrant et émouvant témoignage sur l’ex président de l’Association des familles de victimes du naufrage du bateau «Le Joola», Moussa Cissokho et du maire de Dalifort, Idrissa Diallo qui a perdu ses deux garçons. «Je ne saurais terminer sans saisir cette occasion pour rendre un hommage bien mérité à deux de nos amis et frères, il s'agit de Moussa Cissokho qui a porté dès les premières heures, le combat des familles des victimes et qui a été arraché à notre affection, il y a de cela deux ans. Nous continuons de pleurer ce grand tribun qui du haut de cette tribune, de sa voix stridente, a, des années durant, porté avec courage et responsabilité la voix de ces sans-voix meurtris par la perte d’êtres chers. Je voudrais aussi rendre un vibrant hommage à notre frère et ami le maire Idrissa Diallo, de la commune de Dalifort qui, faut-il le rappeler, était parmi nous l’année dernière ici dans cette tribune pour le 18eme anniversaire de cette tragédie. Il fut un membre actif et éminent de l’Association nationale des familles de victimes du naufrage du Joola. En ces moments de prières et de recueillement, nous prions pour le repos éternel de leurs âmes et renouvelons notre compassion à leurs familles, à leurs amis et à tous leurs proches», rappelle Baldé, qui a soulevéaussi la lancinante question qui fait des ravages dans les familles de victimes, le traumatisme causé par le drame.«Monsieur le Ministre des Forces armées, nous ne cesserons de plaider auprès des hautes autorités du pays pour qu'une attention toute particulière soit portée à l’endroit de tous ces enfants traumatisés par cette terrible tragédie». Et pour étayer cette hypothèse, nous avons donné la parole à Ely Bernard Diatta qui prend en charge désormais les enfants de son frère qui fait partie des victimes. Il nous confie qu’il est malade. «Moi Ely qui vous parle, je suis malade comme tous les membres de l’association. Il y a une situation de traumatisme qui est en train de décimer les familles. Ce traumatisme se manifeste en des formes variables. Ça dépend de la personne. Il y a deux ans que j’ai commencé à ressentir l’effet du Joola. Certains, c’est en 2002 qu’ils l’ont senti et ça continue ; par contre pour d’autres, pas encore. Ça varie»,tonne le chargé des affaires juridiques de l’Association des parents de victimes du naufrage du bateau «Le Joola».
Après la cérémonie de commémoration, la délégation s’est rendue au cimetière de Kantène pour se recueillir sur les tombes des victimes qui y sont enterrées.
Baye Modou SARR