
C'est dans une atmosphère maussade que le procès pour viol et menaces de mort qui oppose Ousmane Sonko à Adji Sarr a été ouvert hier, lundi 16 mai, devant la chambre criminelle de Dakar. Le principal concerné, le maire de Ziguinchor, absent à l'audience, son accusatrice, la patronne de cette dernière Ndèye Khady Ndiaye et autres témoins ont répondu à l'appel du juge. Mais l'audience a été renvoyée au mardi prochain 23 mai, parce que les débats ne peuvent pas être ouverts moins de trois jours après l’interrogatoire d’identité de Ndèye Khady Ndiaye. Ce que la loi interdit, selon le juge.
«Je ne répondrai plus à la justice», c'est ce que le leader de Pastef-Les Patriotes, Ousmane Sonko avait déclaré au cours d'une de ses sorties face à une justice qu’il estime être aux ordres du pouvoir exécutif. Cette campagne de désobéissance civile, il l'a appliquée à la lettre hier, lundi, lors de son procès pour viol et menaces de mort qui est ouvert devant la chambre criminelle de Dakar. Le maire de Ziguinchor était hier aux abonnés absents à l'ouverture de son procès ce 16 mai 2023, contrairement à la patronne du salon de massage Sweet Beauté, Ndèye Khady Ndiaye, qui s'est présentée à la salle 4 du tribunal de Dakar à 8h50mn en compagnie de son époux, cité comme témoin. L’ancienne patronne de Adji Sarr, vêtue d'un boubou traditionnel de couleur bleue assorti d'un foulard jaune, est poursuivie dans cette affaire pour incitation à la débauche, diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs et complicité de viol.
Son ex-employée Adji Sarr a fait son entrée à 9h05mn. Emmitouflée dans une tenue traditionnelle couleur vert menthe, elle affiche une mine sereine. Elle est assise derrière les bancs réservés aux avocats. À sa suite, son avocat Me El Hadji Diouf est arrivé derrière lui à 9h-10mn. Le tonitruant avocat ne s'est pas empêché de lancer quelques piques à l'endroit de Ousmane Sonko, absent au procès. «Nous, on n’a pas fui. On a répondu à l’appel de la belle dame justice», a-t-il lancé en guise de pique en indiquant que le moral de Adji Sarr est au beau fixe.
Vers les coups de 9h20mn, on pouvait apercevoir dans la foule l’ex-capitaine Seydina Oumar Touré, appelé en qualité de témoin dans ce dossier. Dans la salle d'audience, il y avait également la présence de plusieurs autres avocats venus défendre l’accusatrice de Ousmane Sonko. Du côté de la défense, à l'instar de Mes Ciré Clédor Ly, Moussa Sarr, Étienne Dione, d'autres conseils du leader de Pastef ont fait leur apparition aux environs de 09h30mn. Et finalement à 10h04mn, la composition de la chambre criminelle a fait son entrée dans la salle presque déserte.
Le juge applique la loi dans toute sa rigueur
Les délibérés des audiences précédentes vidés, le juge a procédé à la mise en état à propos des affaires inscrites sur le rôle du jour. Le dossier «brûlant» du jour appelé, le juge a procédé au renvoi à huitaine suite à quelques formalités dont il a fait état. En d'autres termes, l'affaire sera plaidée en audience spéciale le mardi prochain, 23 mai 2023. «Les débats ne peuvent pas être ouverts à moins de trois jours de l’interrogatoire d’identité de Ndèye Khady Ndiaye. La loi nous l’interdit. Sur ce, je propose un renvoi à huitaine, c’est-à-dire le mardi prochain», a lancé le magistrat.
Me Moussa Sarr demande 30 ou 45 jours à cause du volume du dossier
Trouvant ce temps trop limité, l'un des avocats de Ndèye Khady Ndiaye, Me Moussa Sarr, a pris la parole pour demander le renvoi à une date plus éloignée. «Nous avons un dossier de 471 pages avec des audios, des images, des vidéos etc. On ne peut pas prendre connaissance du dossier à huitaine. Notre cliente est poursuivie pour des faits extrêmement graves. Je vous demande le renvoi pour nous mettre dans la possibilité d’organiser notre défense. Il faut renvoyer à un mois voire 45 jours», a demandé Me Sarr.
Me Elhadj Diouf : «on n’a pas besoin de 20 jours pour se préparer»
Le conseil de Adji Sarr, Me El Hadji Diouf, s'est farouchement opposé. «Je m'oppose énergiquement à cette demande qui ressemble à un dilatoire. L'audience criminelle est soumise à des normes. On ne peut pas venir ici demander un renvoi plus long. Il y a eu une instruction. On ne peut pas évoquer 471 pages. Ça ne nous intéresse pas. Même s’il y a de nouvelles constitutions, ce n’est pas notre "ceebu jën". Il a été assisté depuis la première comparution. Les gens ont eu suffisamment de temps pour plaider le dossier. Dans ce procès, des gens ont fui. Ils ont peur pour faire face à Adji. On est prêt depuis deux ans. Il y a partout des morts. Il faut qu'on finisse avec ce dossier. On n’a pas besoin de 20 jours ou un mois pour se préparer», a tonné Me Diouf.
Le président reste ferme
Le juge revient à la charge et maintient la date du renvoi. «Nous ne pouvons pas entamer les débats au fond. Je l'ai dit au début. Nous sommes habitués à ces genres d'audience. Elle a fait, hier, l'objet d'interrogatoire et d'identification. On ne peut pas le faire en moins de 48 heures. Nous avons les textes. On n'a pas à polémiquer sur le renvoi. Je renvoie d'office», a tranché le président de la chambre Hippolite Ndèye.
Fatou D. DIONE