Le Parquet ne lâche pas Thione Seck. Après avoir fait appel de la décision rendue en première instance, le représentant du ministère public a d’abord dit niet à la demande de sursis à statuer faite par les avocats de l’artiste chanteur avant de faire un réquisitoire salé à l’encontre du prévenu. «Toutes les dénégations faites à la barre ne peuvent prospérer» dit le Parquet général qui demande que Thione Seck ainsi que Alaye Djité soient déclarés atteints et convaincus du chef de fabrication et détention de signes monétaires, avant de solliciter 5 ans de prison ferme et une amende de 10 millions de nos francs. Pourtant, pour sa défense, l’artiste a soutenu qu’il ne savait pas qu’il s’agissait de faux billets, avant de laisser entendre qu’il a été «atteint mystiquement». Verdict lundi prochain, 22 juin.
5 ans de prison ferme et une amende de 10 millions de francs, c’est la peine requise hier par le Parquet général à l’encontre de Thione Seck et Alaye Djité. Le représentant du ministère public a cependant demandé la disqualification des faits en fabrication et détention de signes monétaires. Si le Parquet général a demandé une telle sanction, c’est qu’il est convaincu de la culpabilité de l’artiste chanteur, malgré les explications et les dénégations de ce dernier. «Toutes les dénégations faites à la barre ne peuvent prospérer», a martelé le Procureur général devant les arguments fournis par Thione Seck.
Le Parquet général : «l’économie de notre pays pouvait en souffrir pendant des années. Les dénégations ne peuvent pas prospérer»
«Les enquêteurs l’on vu descendre de son véhicule 4x4 de couleur noire et se diriger vers un autre véhicule de couleur blanche. Il avait un sac qu’il a remis à Alaye Djité qui s’est rendu vers Front de terre. Ce dernier a été interpellé près de la gendarmerie Ouest Foire. Il a été retrouvé par-devers lui des faux billets. A l’enquête, Thione Seck a contesté les faits. Il a parlé d’une tournée européenne de 6 mois et 12 jours pour un contrat de 100 millions d’euros. Il a soutenu avoir été victime de sorcellerie. Après les enquêtes judiciaires, le dossier a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel. Alaye Djité a quitté le pays. Thione Seck, lui, déclare ignorer l’existence de faux billets. Mais, ce sont des dénégations que le ministère public ne partage pas», a martelé le représentant du Parquet général, qui poursuit sous le même ton : «l’économie de notre pays pouvait en souffrir pendant des années. Les dénégations ne peuvent prospérer».
«Alaye Djité était chargé de la confection et Thione Seck de la distribution. L’association de malfaiteurs est établie»
Auparavant, Me Mbaye Sall et Moussa Sarr, qui assuraient les intérêts de la Bceao, avaient déjà balayé d’un revers de main les arguments de Thione Seck. «Nous avons des relevés téléphoniques. Entre les 25, 26 et 27 mai 2015, il y a eu 41 appels entre Thione Seck et Alaye Djité ; c’est cela l’association de malfaiteurs. Ce dernier était chargé de la confection des billets et Thione Seck devait les acheminer. La contrefaçon de signes monétaires ne se discute pas. Il a reconnu avoir détenu deux billets. Ces soi-disant mouchoirs ne le sont pas. Il s’agit des billets de 100 euros qui ne sont pas encore lavés. Il n’y a jamais eu d’appel venant de la Suède. Il a trébuché», a développé Me Sall dans sa plaidoirie. Son associé Me Moussa Sarr de renchérir : «il prétend qu’il connait Alaye Djité par hasard et que Djité cherchait un appartement. Cela n’a pas été dit ici à la barre. Ils se connaissent et ont échangé sur leur forfaiture. L’association de malfaiteurs est établie. Le Joachim Cissé dont il parle n’existe que dans son imagination. Ce ne sont pas des kleenex, ce sont des papiers. Un papier qui a pour vocation d’être transformé en faux billet. 43 paquets contenant un million d’euros. Les infractions sont réunies, il y a lieu de les déclarer coupables. La banque réclame le franc symbolique».
Thione Seck : «j’ai toujours prôné la vertu dans mes chansons. Je sais que j’ai été atteint mystiquement»
« Je ne me rappelle pas où le sac a été ouvert. J’ignorais que les 50 millions d’euros étaient faux. Je l’ai gardé le temps de consulter mes avocats pour la finalisation avec le promoteur», avait pourtant soutenu Thione Seck lors de l’interrogatoire à la barre. L’artiste chanteur, qui se devait de convaincre le juge d’appel, surtout après les assauts menés par le représentant du Parquet général et la partie civile qui l’ont acculé, poursuit sa self-défense : «je ne vais pas attendre jusqu’au crépuscule de ma vie pour faire certaines choses. J’ai toujours prôné la vertu dans mes chansons. Je sais que j’ai été atteint mystiquement, c’est pour cela que j’ai remis mes 85 millions de francs à une personne que je ne connais pas bien». Pour Me Alioune Badara Sall, c’est clair, son client a été «victime d’arnaque». «Il a besoin que justice lui soit rendue», a martelé l’avocat. Me Moussa Thiam, pour sa part, a demandé la relaxe au bénéfice du doute à défaut de le relaxer purement et simplement. «Ce dossier est choquant. Malgré tout le bruit, ce n’était que du papier. Comment condamner Thione Seck pour du papier ? Renvoyez-le des fins des poursuites !», plaide Me Bamba Cissé. Il est suivi dans cette logique par son confrère Me Abdou Dialy Kane. «Quelle juridiction peut condamner Thione Seck alors qu’elle ne dispose pas de billets faux ? Le faux monnayage ne se conçoit pas dans le corps du délit. Thione Seck ne peut pas être complice de Alaye Djité. Si vous le condamnez, vous devez ordonner la confiscation des billets. Alors vous verserez au trésor ces papiers», martèle Me Kane. L’affaire est mise en délibéré au 22 juin prochain.
Alassane DRAME