Les enquêteurs en ligne, ou "websleuths", détective du web en anglais, ont pris de l'ampleur ces dernières temps au Sénégal. Cette communauté en ligne discute des preuves et éléments d'affaires criminelles ou de disparitions pour tenter de les résoudre. L'affaire Aziz Dabala le montre encore : la passion pour le fait divers s'est déplacée sur la toile.
La semaine dernière, un fait divers a envahi les écrans de téléphone : la découverte macabre chez lui du corps de Abdou Aziz Ba dit Aziz Dabala et de son fan Wally. Deux corps découverts dans un appartement, du sang sur les murs et les couloirs, tournevis, couteau, portable et débris de chanvre indien saisis, porte fermée de l’extérieur, une chasse à l’assassin lancée... L'affaire Aziz Dabala a tout du feuilleton à suspense qui passionne les foules. Et les internautes. Maîtrise de l'outil à l'appui, certains dépassent le statut de simples témoins pour celui d'enquêteurs.
L’annonce de la mort a passionné les utilisateurs d'Instagram, TikTok, Facebook et d'autres réseaux. Sur TikTok, plus de 100 lives étaient diffusés quotidiennement. Impossible de faire un tour sur le réseau social sans voir un groupe de personnes qui analysent, argumentent, interprètent et décortiquent comme de véritables professionnels.
Mais ce que révèlent aussi ces enquêtes en ligne, c'est l’énorme potentiel pour des investigations à partir de données en accès libre fournies par les réseaux sociaux. En effet, tout est fouillé et balancé. Après les comptes des défunts, place à ceux des suspects : qu’est-ce qu’ils ont publié récemment ? Ont-ils diffusé du contenu depuis l’annonce du décès ? Qu’est-ce qu’ils ont l’habitude de partager sur les réseaux ? Ont-ils un visage suspect ?
Des accusations graves
Les réseaux sociaux ont mené leur propre enquête, exhumant tous les indices ou incohérences contenus dans l’affaire. «Aziz Dabala a été tué par ses proches», «il devait recevoir une somme d’un de ses amis d’enfance qui vit aux États-Unis et qui lui demande de gérer la distribution de l’argent pour le Magal», «son ami avec la casquette est au courant de tout», «N.L n’est pas si innocente qu’elle en a l’air»…
Depuis la découverte des deux corps, les internautes s'affairent à examiner, zoomer, découper les clichés afin de repérer un éventuel suspect... Et d’ailleurs, l’un des amis du danseur, dont les paroles avaient choqué plus d’un, a été appréhendé dans la nuit du samedi au dimanche.
Entre GIF de cœurs clignotants et montages photos désuets, certains enfilent leur tenue d’enquêteur pour se livrer aux plus étonnants scénarios et hypothèses.
oubliant qu’un suspect est innocent jusqu'à preuve du contraire.
Le silence du procureur n’a-t-il pas augmenté les Fake News
Depuis le double meurtre, plusieurs hypothèses sont données çà et là sur la toile. Aucune information officielle n’est sortie. Et ce silence des autorités habilitées à parler ne fait qu’augmenter la prolifération des Fakes News. Le procureur de la République peut bel et bien communiquer sur une procédure en cours lorsqu’un impératif d’intérêt public comme le cas de l’affaire Aziz Dabala le justifie. En effet, il peut bien parler de l’affaire si les circonstances le rendent nécessaire, pour corriger des informations inexactes. Il lui revient, de manière officielle, d’évoquer publiquement l’affaire du moment que cela apparaît opportun au regard des circonstances.
Khadidjatou D. GAYE