Après sa visite à l’île de Gorée, le Premier ministre canadien a été reçu vers 12h au palais de la République par le Président Macky Sall. Les deux hommes ont fait face à la presse après s’être entretenus d’abord en privé avant d’élargir les discussions à leurs délégations. Les sujets de discussion ont tourné autour des questions telles que la coopération entre le Sénégal et le Canada, l’implication des femmes dans la gestion des questions sécuritaires, mais aussi la dépénalisation de l’homosexualité. Sur ce point, si le Président sénégalais est resté très ferme dans son discours en wolof. En Français par contre, il a été moins explicite.
Comme l’avait prédit «Les Echos», le Premier ministre canadien, en visite officielle au Sénégal, a parlé de l’homosexualité. Lors d’une conférence de presse conjointe hier à la salle des banquets du palais de la République, Justin Trudeau et Macky Sall ont salué l’excellence de la coopération entre les deux pays. Selon le Président Sall, les deux pays partagent les valeurs de paix, de liberté, de démocratie et de respect des droits de l’homme. Interpellé sur leurs échanges par rapport à l’homosexualité, Justin Trudeau, connu pour ses combats pour le respect des droits humains, dira : «comme vous le savez, je suis un défenseur des droits humains et j’amène ces questions partout où je vais. Le Président Macky Sall connaît très bien mes perspectives là-dessus et on en a parlé brièvement», a fait savoir le Premier ministre canadien.
Macky Sall : «nos valeurs et coutumes ne nous permettent pas de légaliser l’homosexualité… Mais les sociétés évoluent et ça prendra le temps que ça prendra»
Le Président Macky Sall, à son tour, a mis en exergue les valeurs et coutumes qui ne permettent pas à l’État de légaliser l’homosexualité. «Je respecte son choix d’être défenseur des droits humains, je n’en suis pas moins un. Seulement, les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont le condensé de nos valeurs, cultures et civilisations. Ces lois sont le reflet de notre manière de vivre et d’être. Cela n'a rien à voir avec l’homophobie», indique Macky Sall, avant de poursuivre : «le Sénégal est un pays de droit qui respecte les droits de l’homme, mais c’est un pays qui interdit l’exhibition, les relations contre-nature, mais ceux qui ont une orientation sexuelle de leur choix ne font pas l’objet d’exclusion. On ne peut pas non plus demander au Sénégal de dire que l’on légalise demain l’homosexualité, ou d’organiser la gay-Pride, la société ne l’accepte pas», précise-t-il.
Macky Sall ferme en Wolof mais plus ouvert en Français
Alors qu’on s’y attendait le moins, le Président Sall change de discours en laissant entrouvrir des portes : «la société va évoluer et ça prendra le temps qu’il faudra. Même dans les pays du Nord, ce débat n’est pas totalement épuisé. On ne peut pas avoir une vision globale du monde ou tous les pays pensent et font la même chose. Mais il est bon que l’on échange, sensibilise et les sociétés évolueront à leur rythme». Le Président Sall de rappeler que chaque pays a son propre métabolisme.
Mais en version wolof, le Président Sall s’est voulu beaucoup plus ferme, en précisant que le Sénégal est très à l’aise dans sa position contre l’homosexualité et qu’il ne mènera aucune action allant dans le sens contraire. La journaliste canadienne qui voulait savoir ce que le Président Sall entendait par homophobie restera sur sa fin, car le chef d’État a simplement esquivé la question.
Justin Trudeau : «à Gorée, jetais bouleversé et ému…je me souviendrai de cette visite toute ma vie»
Revenant sur les autres aspects de son voyage, le Premier ministre canadien a d’abord retracé sa visite effectuée à l’île de Gorée. «Tôt ce matin, jetais à l’île de Gorée et jetais bouleversé et ému de retracer le passage douloureux et déchirant emprunté par tant d’hommes et de femmes contraints à l’esclavage. Je me souviendrai de cette visite toute ma vie», lance-t-il.
Trudeau : «au Sahel, les défis au niveau de la radicalisation des jeunes sont dus au manque d’opportunités économiques, d’emplois ou d’avenir…»
D’après le Premier ministre canadien, ils ont aussi discuté de la contribution du Canada aux efforts de maintien de la paix dans la région. Le Canada participe avec le Sénégal à la Minusma. Plaidant pour la candidature de son pays au Conseil de sécurité des Nations-Unies, Trudeau pense que cela permettrait au Canada d’être une voix de plus pour tous ceux qui partagent leur désir de créer la paix et la sécurité. «Par exemple, quand on parle de sécurité dans la région, l’implication de la communauté internationale doit avoir plusieurs volets. Mise à part sa contribution par les forces de sécurité, il faut reconnaître qu’au Sahel particulièrement, les défis au niveau de la radicalisation des jeunes sont dus au manque d’opportunités économiques, d’emplois ou d’avenir. C’est cela qu’il faut essayer de contrer avec des investissements, création de partenariat économique», souligne le Premier ministre canadien. Le Président Macky Sall a fait savoir que le Sénégal soutient la candidature du Canada au Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Ndèye Khady D. FALL