Le Sénégal déroule tranquillement sa vaccination avec l’AstraZeneca et les autorités sanitaires n’entendent pas mettre la pédale douce, malgré les doutes qui se sont emparés de plusieurs pays dans le monde au point de suspendre temporairement le vaccin. La France a été hier le 9ème pays européen à prendre une telle décision, déjà actée en Afrique par la RDC. Mais l’AstraZenica, même moins efficace que les autres, est une véritable aubaine pour les pays pauvres comme le Sénégal, car beaucoup moins cher et ne nécessitant pas des conditions de conservation contraignantes.
En plein dans sa campagne de vaccination contre le Covid-19, le Sénégal va faire recours pour une grande quantité au vaccin AstraZeneca, dont il a déjà reçu 230.000 doses de l’initiative Covax. Des doses qui sont en train d’être administrées. Mais sans aucun problème, selon les autorités sanitaires. En effet, à la suite du ministre de la Santé qui a assuré que jusque-là aucun cas d’effets secondaires graves n’a été enregistré, le directeur de la Prévention, le Dr Mamadou Ndiaye, est allé plus loin. «Le vaccin AstraZeneca est un vaccin homologué par l’Oms dont les qualités de sûreté et de sécurité ont été prouvées. Les pays qui ont eu à suspendre ont dit qu’il s’agit d’un lot, mais il faut savoir qu’un vaccin peut avoir plusieurs lots. Sur 5 millions de personnes, c’est peut-être une trentaine qui ont présenté ces problèmes (de circulation sanguine). Le Sénégal ne suspendra pas l’utilisation du vaccin», martèle-t-il. Non sans se référer à l’Agence européenne du médicament qui, note-t-il, «a recommandé de poursuivre cette vaccination».
Toutefois, à la lumière de ce qui se passe depuis quelques jours un peu partout dans le monde, le Sénégal devrait faire preuve de plus de prudence. En l’espace de 72h, il y a une cascade de suspensions de de la vaccination avec l’AstraZeneca.
30 cas de thrombose, le vaccin déjà suspendu par mesure de «prudence» dans plus de 10 pays dont la France, la RDC…
La France a été hier le 9ème pays européen à le faire. «L'autorité européenne, l'EMA, rendra demain après-midi un avis sur le recours à ce vaccin et donc, sur la recommandation du ministre des Solidarités et de la Santé, en lien avec les autorités sanitaires françaises, la décision qui a été prise, en conformité avec les politiques européennes est de suspendre, par précaution, la vaccination avec AstraZeneca, en espérant la reprendre vite si l'avis de l'EMA le permet», a déclaré hier le président français Emmanuel Macron. Quelques heures avant la France, son voisin allemand avait suspendu le vaccin. Lundi, la Norvège en avait fait de même, en annonçant l’hospitalisation de 3 personnes souffrant de thrombopénie, de saignements et de caillots sanguins dont l’une, une aide-soignante de 50 ans, est morte par hémorragie cérébrale. Avant elle, il y eu un autre mort dans les mêmes circonstances. C’est l’Autriche qui avait lancé le mouvement le 8 mars en suspendant un lot de vaccins après la mort d’une infirmière qui venait de recevoir une dose d’AstraZeneca. Cette femme de 49 ans est morte à cause d’une mauvaise coagulation sanguine. L’Italie a également annoncé suspendre la vaccination avec AstraZeneca. Et la liste risque de s’allonger très vite. En Afrique, la RDC a suspendu sa campagne de vaccination basée sur ce vaccin «par mesures de précaution». L’Afrique du Sud avait déjà très tôt renoncé à son utilisation, parce qu’il ne serait pas efficace contre le variant du virus très répandu dans le pays.
Le laboratoire AstraZeneca rassure sur la qualité de son produit
Toutefois, en l’état actuel des recherches, il n’est pas établi un lien formel entre la prise du vaccin et l’apparition de ces maux et morts, qui concernent 30 cas répertoriés un peu partout en Europe. Dimanche, le laboratoire AstraZeneca rassurait dans un communiqué : «un examen attentif de toutes les données de sécurité disponibles de plus de 17 millions de personnes vaccinées dans l'Union européenne et au Royaume-Uni avec le vaccin Covid-19 AstraZeneca n'a montré aucune preuve d'un risque accru d'embolie pulmonaire, de thrombose veineuse profonde ou de thrombocytopénie, quel que soit l'âge défini, groupe, sexe, lot ou dans un pays en particulier».
L’EMA en réunion extraordinaire jeudi pour prendre une décision
Mais cela n’a pas empêché les pays d’être prudents et l’Agence européenne du médicament de s’emparer de la question. Son comité de sécurité examinera plus avant les informations ce mardi et a convoqué une réunion extraordinaire le jeudi 18 mars pour conclure sur les informations recueillies et sur toute autre mesure qui pourrait être nécessaire. Mais pour le moment, elle affirme : «alors que son enquête est en cours, l'EMA reste actuellement d'avis que les avantages du vaccin AstraZeneca dans la prévention du Covid-19, avec son risque associé d'hospitalisation et de décès, l'emportent sur les risques d'effets secondaires».
AstraZeneca : beaucoup moins cher, plus facile à conserver, mais moins efficace
C’est le 15 février dernier que l’Oms avait annoncé l’homologation du vaccin d'AstraZeneca. Un vaccin plus accessible aux pays peu développés comme le Sénégal. En effet, en plus d’être moins cher que les autres vaccins avec (5 euros les deux doses, contre par exemple 19 euros les deux doses pour Pfizer et 29 euros pour Moderna), il est plus facile à stocker puisqu'il peut être conservé dans des réfrigérateurs ordinaires et ne nécessite pas de très basses températures. Toutefois, en matière d’efficacité, il fait un peu moins. En effet d’après les essais cliniques, son efficacité est d’environ 60% contre par exemple 66% pour Sinopharm, et 94% à 95% pour les vaccins de Pfizer et Moderna. En outre, prévu pour les plus de 18 ans, le vaccin a fait l’objet de beaucoup de polémique. Alors qu’il n’était recommandé que pour les moins de 65 ans, car n’étant pas efficace au-delà de cet âge, d’autres informations soutiennent qu’il peut bien être administré pour les plus de 65 et serait très efficace pour les patients âgés avec des comorbidités et ou hospitalisés.
Mbaye THIANDOUM