Abdoulaye Diouf Sarr dit tout. Ministre de la Santé, il s’est expliqué sur la question des urgences, la question des internes, celle des élections à l’Ordre des médecins, la stratégie mise en place pour amener les médecins à aller à l’intérieur du pays et à y rester… Abdoulaye Diouf Sarr est surtout revenu avec nous sur les accusations du président de l’Association des insuffisants rénaux, qu’il accuse à son tour de faire du chantage. Révélations sur deux demandes que ce dernier lui a faites et qu’il a refusées.
Les Echos : Ministre de la Santé, vous avez récemment signé une circulaire réorganisant le fonctionnement des urgences dans nos structures publiques de santé. Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?
Abdoulaye Diouf Sarr : Cette circulaire a fait beaucoup de bruit, mais je me réjouis de constater qu’elle a l’assentiment de tous les urgentistes des hôpitaux. J’ai été motivé par deux choses : les instructions fermes du chef de l’Etat de nous retrouver dans une concertation nationale sur les urgences et son rappel d’aller vite dans la mise en œuvre des conclusions de cette concertation sur les urgences. Parce que quand on nous critique, c’est souvent par rapport à des cas émanant des urgences. C’est pourquoi nous avons mis en place cette circulaire qui, en réalité, n’a pas un objectif de coercition. C’est une circulaire pédagogique, qui rappelle les procédures de prise en charge des malades dans les services des urgences. Elle est en train d’être appliquée et nous allons toutes les semaines l’évaluer pour voir si tout se passe bien.
Son application nécessite aussi la disponibilité du personnel, des médicaments, des ambulances, du matériel technique…ce qui n’est pas toujours le cas.
J’aimerais faire à ce niveau une prompte et stricte mise au point. Il ne faut pas suivre une conception primaire qui fait croire qu’il n’y a rien dans nos établissements de santé. Bien au contraire, il y a beaucoup de choses qui ont été faites en 7 ans. Nous avons par exemple acheté plus de 300 ambulances. Elles sont aussi au niveau du Samu national, qui est un instrument puissant de régulation dans la prise en charge des urgences. L’ensemble de nos établissements disposent d’un service d’accueil et d’urgence. Il y a certes des éléments à compléter, mais il y a un plateau qui existe. On a des ressources humaines compétentes, les meilleures dans la sous-région. Il y a aussi un dispositif de gestion des médicaments, qui permet de les avoir à proximité, même si, de temps en temps, nous connaissons des ruptures sur certaines molécules. On ne peut pas accepter qu’on dise qu’il y a un dysfonctionnement crucial à ce niveau. Cependant, j’accepte qu’il faut toujours améliorer le plateau médical, renforcer les ressources humaines, la logistique, la disponibilité des médicaments. Et cette circulaire sera accompagnée d’une vigilance particulière sur l’ensemble des éléments que je viens de citer.
Il y a la question des insuffisants rénaux, dont le président de l’association a déploré la cherté de la dialyse et s’en est même pris à vous, à la Pharmacie nationale d’approvisionnement et à la Cmu, soulignant que 4 milliards disparaissent dans le circuit entre les deux ministres de tutelle. Comment appréciez-vous ses propos ?
Le Sénégal a pris l’option de rendre la dialyse gratuite dans l’ensemble des établissements publics de santé. Et dans les structures privées qui sont subventionnées, il n’y a que la prestation qui est payée, mais le kit est gratuit. Donc la dialyse n’est pas chère au Sénégal.
Ce n’est pas ce que dit le président de l’Association des insuffisants rénaux, qui parle de plus de 65.000 F Cfa pour la séance de dialyse…
Le président de l’association, d’une association d’ailleurs, M. Hamidou Diallo, pose deux problèmes. Le premier problème qu’il pose est regrettable. Lui-même, s’il était de bonne foi, allait se rendre compte qu’il était dans la délation non justifiée. Il parle de 4 milliards sur le kit, qui disparaissent entre le ministre Mansour Faye et le ministre Abdoulaye Diouf Sarr. Ce n’est pas correct de présenter les choses comme ça, parce que lui-même sait que l’appel d’offres qui est organisé par la Pharmacie nationale, qui est un appel d’offres international, dépouillé au niveau de la Pharmacie nationale, date de début 2017, avant l’arrivée de Diouf Sarr au ministère de la Santé, avant l’arrivée de Mansour Faye à ce ministère. Dire les choses comme ça tout en sachant la vérité, me semble extraordinaire.
L’autre chose est que la composition des kits n’est peut-être pas la même au Sénégal qu’au Mali, au Burkina, en Côte d’ivoire. C’est pourquoi nous avons donné des instructions fermes au niveau de la Division de la lutte contre la maladie, pour regarder la composition du kit qui est appliqué au Sénégal. Mais il ne peut pas y avoir de comparaison entre deux choses qui n’ont pas la même contenance.
La troisième chose que j’aimerai noter, c’est que monsieur Diallo ne doit pas faire dans le chantage déguisé.
Comment ? Et chantage à propos de quoi ?
Il a récemment introduit une demande pour installer un centre de dialyse dans sa maison. Nous avons, en toute responsabilité refusé, parce que ça n’offrait pas la qualité et les conditions de sécurité requises. Il a aussi demandé qu’on lui donne une partie des générateurs que l’Arabie Saoudite a offerts au Sénégal. Nous avons dit en toute responsabilité que nous ne pouvons pas le faire, parce que c’est du matériel offert à tous les Sénégalais. Maintenant, vouloir faire un chantage pour cela me parait tout à fait regrettable.
Vous étiez à couteaux tirés avec l’Ordre des médecins qui s’est attaqué à vous, vous accusant de vouloir interférer dans son fonctionnement. Qu’en est-il aujourd’hui ?
L’Ordre des médecins, à ce que je sache, ne s’est jamais attaqué à moi. Il peut y avoir des membres de l’Ordre des médecins qui, de manière isolée, expriment leur point de vue.
Ils parlent au nom de l’Ordre….
Je respecte leurs points de vue, mais l’Ordre en tant que tel ne s’est jamais attaqué à moi. Nous n’avons jamais eu l’intention d’interférer dans l’organisation des élections internes de l’Ordre. Nous n’interférons pas dans quelque chose qui nous a été confiée par la loi. Et quand nous nous sommes retrouvés, on s’est bien compris. On a échangé et tout cela est derrière nous. On a aplani tout cela et on se dirige vers l’organisation des élections. C’était de l’incompréhension. C’est la commission qui a été mise en place sur la base d’un décret qui va organiser ces élections-là. Et bientôt on aura les élections qui se tiendront le 22 février prochain.
Il y a aussi la question des internes qui revient toujours…
La question des internes est importante. Ils représentent un dispositif essentiel dans la prise en charge de nos spécialisations. Le texte qui les régit est un texte obsolète. Nous sommes disposés à revoir les conditions d’exercice de leur métier, qui méritent d’être améliorées, vu leur position dans le dispositif des hôpitaux. Pour leur recrutement, il est évident que quand on forme des spécialistes de ce niveau-là, le pays en a besoin. Mais nous recrutons sur la base de l’expression de besoins. Et si le besoin est exprimé à Kédougou, il faut que les gens acceptent d’aller à Kédougou.
Justement, un des problèmes du système, c’est le refus des médecins d’aller dans les régions éloignées. Qu’est-ce qui est fait pour les convaincre ou contraindre d’y aller ?
Vous touchez là un problème très difficile, très délicat et qui n’est pas d’ailleurs spécifiquement sénégalais. Dans le monde, la question des déserts médicaux se pose et les politiques cherchent à trouver des solutions. Au Sénégal, nous devons allier deux choses : l’incitation et la contractualisation. Je n’aime pas les mots obliger, forcer, contraindre…C’est plus de l’incitation et de la contractualisation. Faire en sorte que les spécialistes que nous formons signent un engagement décennal à servir l’Etat dans leurs points d’affectation. Pour l’incitation, faire en sorte qu’au niveau périphérique, on puisse mettre en place un dispositif incitatif qui encourage les spécialistes à y aller et y rester. Nous travaillons sur ces deux leviers et les engagements décennaux seront signés de manière systématique pour les spécialistes qui sont boursiers et les internes recrutés.
Entretien réalisé par Mbaye THIANDOUM
Les Echos : Ministre de la Santé, vous avez récemment signé une circulaire réorganisant le fonctionnement des urgences dans nos structures publiques de santé. Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?
Abdoulaye Diouf Sarr : Cette circulaire a fait beaucoup de bruit, mais je me réjouis de constater qu’elle a l’assentiment de tous les urgentistes des hôpitaux. J’ai été motivé par deux choses : les instructions fermes du chef de l’Etat de nous retrouver dans une concertation nationale sur les urgences et son rappel d’aller vite dans la mise en œuvre des conclusions de cette concertation sur les urgences. Parce que quand on nous critique, c’est souvent par rapport à des cas émanant des urgences. C’est pourquoi nous avons mis en place cette circulaire qui, en réalité, n’a pas un objectif de coercition. C’est une circulaire pédagogique, qui rappelle les procédures de prise en charge des malades dans les services des urgences. Elle est en train d’être appliquée et nous allons toutes les semaines l’évaluer pour voir si tout se passe bien.
Son application nécessite aussi la disponibilité du personnel, des médicaments, des ambulances, du matériel technique…ce qui n’est pas toujours le cas.
J’aimerais faire à ce niveau une prompte et stricte mise au point. Il ne faut pas suivre une conception primaire qui fait croire qu’il n’y a rien dans nos établissements de santé. Bien au contraire, il y a beaucoup de choses qui ont été faites en 7 ans. Nous avons par exemple acheté plus de 300 ambulances. Elles sont aussi au niveau du Samu national, qui est un instrument puissant de régulation dans la prise en charge des urgences. L’ensemble de nos établissements disposent d’un service d’accueil et d’urgence. Il y a certes des éléments à compléter, mais il y a un plateau qui existe. On a des ressources humaines compétentes, les meilleures dans la sous-région. Il y a aussi un dispositif de gestion des médicaments, qui permet de les avoir à proximité, même si, de temps en temps, nous connaissons des ruptures sur certaines molécules. On ne peut pas accepter qu’on dise qu’il y a un dysfonctionnement crucial à ce niveau. Cependant, j’accepte qu’il faut toujours améliorer le plateau médical, renforcer les ressources humaines, la logistique, la disponibilité des médicaments. Et cette circulaire sera accompagnée d’une vigilance particulière sur l’ensemble des éléments que je viens de citer.
Il y a la question des insuffisants rénaux, dont le président de l’association a déploré la cherté de la dialyse et s’en est même pris à vous, à la Pharmacie nationale d’approvisionnement et à la Cmu, soulignant que 4 milliards disparaissent dans le circuit entre les deux ministres de tutelle. Comment appréciez-vous ses propos ?
Le Sénégal a pris l’option de rendre la dialyse gratuite dans l’ensemble des établissements publics de santé. Et dans les structures privées qui sont subventionnées, il n’y a que la prestation qui est payée, mais le kit est gratuit. Donc la dialyse n’est pas chère au Sénégal.
Ce n’est pas ce que dit le président de l’Association des insuffisants rénaux, qui parle de plus de 65.000 F Cfa pour la séance de dialyse…
Le président de l’association, d’une association d’ailleurs, M. Hamidou Diallo, pose deux problèmes. Le premier problème qu’il pose est regrettable. Lui-même, s’il était de bonne foi, allait se rendre compte qu’il était dans la délation non justifiée. Il parle de 4 milliards sur le kit, qui disparaissent entre le ministre Mansour Faye et le ministre Abdoulaye Diouf Sarr. Ce n’est pas correct de présenter les choses comme ça, parce que lui-même sait que l’appel d’offres qui est organisé par la Pharmacie nationale, qui est un appel d’offres international, dépouillé au niveau de la Pharmacie nationale, date de début 2017, avant l’arrivée de Diouf Sarr au ministère de la Santé, avant l’arrivée de Mansour Faye à ce ministère. Dire les choses comme ça tout en sachant la vérité, me semble extraordinaire.
L’autre chose est que la composition des kits n’est peut-être pas la même au Sénégal qu’au Mali, au Burkina, en Côte d’ivoire. C’est pourquoi nous avons donné des instructions fermes au niveau de la Division de la lutte contre la maladie, pour regarder la composition du kit qui est appliqué au Sénégal. Mais il ne peut pas y avoir de comparaison entre deux choses qui n’ont pas la même contenance.
La troisième chose que j’aimerai noter, c’est que monsieur Diallo ne doit pas faire dans le chantage déguisé.
Comment ? Et chantage à propos de quoi ?
Il a récemment introduit une demande pour installer un centre de dialyse dans sa maison. Nous avons, en toute responsabilité refusé, parce que ça n’offrait pas la qualité et les conditions de sécurité requises. Il a aussi demandé qu’on lui donne une partie des générateurs que l’Arabie Saoudite a offerts au Sénégal. Nous avons dit en toute responsabilité que nous ne pouvons pas le faire, parce que c’est du matériel offert à tous les Sénégalais. Maintenant, vouloir faire un chantage pour cela me parait tout à fait regrettable.
Vous étiez à couteaux tirés avec l’Ordre des médecins qui s’est attaqué à vous, vous accusant de vouloir interférer dans son fonctionnement. Qu’en est-il aujourd’hui ?
L’Ordre des médecins, à ce que je sache, ne s’est jamais attaqué à moi. Il peut y avoir des membres de l’Ordre des médecins qui, de manière isolée, expriment leur point de vue.
Ils parlent au nom de l’Ordre….
Je respecte leurs points de vue, mais l’Ordre en tant que tel ne s’est jamais attaqué à moi. Nous n’avons jamais eu l’intention d’interférer dans l’organisation des élections internes de l’Ordre. Nous n’interférons pas dans quelque chose qui nous a été confiée par la loi. Et quand nous nous sommes retrouvés, on s’est bien compris. On a échangé et tout cela est derrière nous. On a aplani tout cela et on se dirige vers l’organisation des élections. C’était de l’incompréhension. C’est la commission qui a été mise en place sur la base d’un décret qui va organiser ces élections-là. Et bientôt on aura les élections qui se tiendront le 22 février prochain.
Il y a aussi la question des internes qui revient toujours…
La question des internes est importante. Ils représentent un dispositif essentiel dans la prise en charge de nos spécialisations. Le texte qui les régit est un texte obsolète. Nous sommes disposés à revoir les conditions d’exercice de leur métier, qui méritent d’être améliorées, vu leur position dans le dispositif des hôpitaux. Pour leur recrutement, il est évident que quand on forme des spécialistes de ce niveau-là, le pays en a besoin. Mais nous recrutons sur la base de l’expression de besoins. Et si le besoin est exprimé à Kédougou, il faut que les gens acceptent d’aller à Kédougou.
Justement, un des problèmes du système, c’est le refus des médecins d’aller dans les régions éloignées. Qu’est-ce qui est fait pour les convaincre ou contraindre d’y aller ?
Vous touchez là un problème très difficile, très délicat et qui n’est pas d’ailleurs spécifiquement sénégalais. Dans le monde, la question des déserts médicaux se pose et les politiques cherchent à trouver des solutions. Au Sénégal, nous devons allier deux choses : l’incitation et la contractualisation. Je n’aime pas les mots obliger, forcer, contraindre…C’est plus de l’incitation et de la contractualisation. Faire en sorte que les spécialistes que nous formons signent un engagement décennal à servir l’Etat dans leurs points d’affectation. Pour l’incitation, faire en sorte qu’au niveau périphérique, on puisse mettre en place un dispositif incitatif qui encourage les spécialistes à y aller et y rester. Nous travaillons sur ces deux leviers et les engagements décennaux seront signés de manière systématique pour les spécialistes qui sont boursiers et les internes recrutés.
Entretien réalisé par Mbaye THIANDOUM