Hier, au 2ème jour des négociations entre la délégation de la Cedeao et celle des putschistes, il n’y avait pas encore d’entente sur les questions essentielles. En effet, alors que la Cedeao est plus préoccupée par la libération d’IBK, qui ne voudrait plus d’un retour au pouvoir, et le retour immédiat à «l’ordre constitutionnel», les mutins, eux, sont plus intéressés par la levée de l’embargo contre le pays. Une levée des sanctions que l’organisation sous-régionale n’envisage pas sans la libération de l’ex-président que les Émirats arabes unis seraient déjà prêts à accueillir. Le 26 aoît, la Cedeao doit se réunir à nouveau, pour, en fonction des résultats de la mission de Goodluck Jonathan, décider de la levée ou non des sanctions contre le Mali.
La Cedeao a envoyé depuis samedi une délégation au Mali. Une délégation dirigée par l’ancien Président nigérian Goodluck Jonathan, avec comme mission de tout faire pour un «retour immédiat de l’ordre constitutionnel». A la fin de la première rencontre avec la junte, l’envoyé de la Cedeao s’est dit optimiste. «Les entretiens se passent bien», a déclaré le chef de délégation. Jean-Claude Kassi Brou, le président de la Commission de la Cedeao, ajoutera que «les discussions se sont déroulées dans un climat très ouvert» et qu’ils ont «senti une volonté de vraiment aller de l’avant». Alors que les discussions se sont poursuivies hier, le président de la commission souligne que «la Cedeao a essentiellement pour rôle d’accompagner le Mali», et que «la solution» qui doit être trouvée doit être d’abord «une solution qui satisfasse les Maliens et qui soit aussi bénéfique pour tous les pays de la sous-région».
IBK lui-même ne voudrait plus du pouvoir
Dans ses premières sorties, la Cedeao exigeait la rétablissement du président IBK dans ses fonctions. Une exigence qui ne serait plus dans les plans de l’organisation sous-régionale, même si personne n’en parle ouvertement. D’ailleurs, la mission envoyée samedi à Bamako a pour objectif de convaincre les militaires au pouvoir à un «retour immédiat de l’ordre constitutionnel». Un glissement sémantique qui laisse croire que le retour d’IBK n’est plus une exigence, car le retour à l’ordre constitutionnel pouvant être l’organisation d’élections et le retour des civils au pouvoir. Et IBK lui-même ne voudrait plus du pouvoir. A 75 ans, malade et fatigué, il a sans doute tiré les leçons de son impopularité. Et lors de sa rencontre avec la délégation de la Cedeao, qui l’a trouvé «détenu» dans une villa, à Kati et «en bonne santé» lui et son Premier ministre, «avec son médecin et ses médicaments», il aurait clairement fait savoir qu’il ne pense plus au retour aux affaires. Lui-même ayant démissionné de ses fonctions.
La libération d’IBK contre la levée ou l’assouplissement des sanctions ?
Ce qui serait en négociation entre la junte et la Cedeao, c’est surtout les conditions de son exfiltration du pays. En effet, les pourparlers pour son exil aux Émirats arabes unis seraient sur une bonne voie. «Depuis plus de trois heures, la junte et la délégation de la Cedeao discutent sur le sort du président IBK et sur le retour à un ordre constitutionnel normal», a déclaré à l’Afp un membre de la mission ouest-africaine, qui a requis l’anonymat. Mais autant le sort d’IBK est au cœur des préoccupations de la Cedeao, autant l’embargo qu’il a décrété contre la Mali préoccupe «essentiellement» les putschistes, selon le colonel Wagué. Si les militaires ne sont pas pour le moment dans les dispositions de libérer IBK, c’est en grande partie parce qu’ils ont le soutien du peuple malien, qui lui, demande sa traduction en justice. Mais du côté de la Cedeao, on n’envisage pas une levée des sanctions sans la libération du président déchu. Quoi qu’il en soit, les deux parties doivent trouver très vite un accord. Car, selon le président de la Commission, «il faut des résultats parce que le 26 août, les chefs d’États de la Cedeao se réunissent pour dire s’ils renforcent les sanctions contre la junte ou si on desserre l’étau».
Mbaye THIANDOUM