Pastef est sous la menace d’une dissolution, s’il est avéré qu’il s’est fait financer, à travers sa campagne de collecte de fonds très médiatisée et très réussie, par des non Sénégalais. La mise en garde est du ministre de l’Intérieur, qui s’est fendu à l’occasion d’un communiqué.
Le parti Pastef d’Ousmane Sonko a lancé une campagne de collecte de fonds au niveau national et international, dénommé «Nemmeekou Tour». Une campagne qui a connu un franc succès. En effet, alors qu’il ne cherchait que 50 millions, le parti de l’ancien inspecteur des impôts a récolté pas moins de 125 millions (125 899 000 F Cfa) à la date du samedi dernier. Une opération réussie, qui n’a pas échappé aux radars du premier policier du pays. En effet, c’est dans la nuit même du samedi que le ministre de l‘Intérieur a réagi à travers un communiqué, aux allures d’une menace ouverte contre Sonko et les siens. «Un message récemment diffusé sur les réseaux sociaux informe d’une campagne de levée de fonds internationale au profit du parti politique dénommé Pastef, pour le financement de ses activités», a souligné d’emblée Antoine Felix Diome. Et d’ajouter que «le ministre de l’Intérieur rappelle qu’en vertu de l’article 3 de la loi du 6 mai 1981, relative aux partis politiques, les partis politiques ne peuvent bénéficier d’autres fonds que ceux provenant des cotisations, dons et legs de leurs membres et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations». Par conséquent, menace-t-il : «tout parti politique qui reçoit des subsides de l’étranger, ou d’étrangers établis au Sénégal, s’expose à la dissolution, conformément à l’article 4 de la loi de 1981 susmentionnée». Une déclaration en pleine nuit d’un jour férié, qui a suscité beaucoup de protestations et de commentaires. Pendant que le pouvoir et ses soutiens se rangent derrière le ministre de l’Intérieur, Pastef, les opposants et une bonne partie de la société civile ruent dans les brancards.
Mbaye THIANDOUM
Thierno Bocoum : «le ministre de l’Intérieur a raison sur tout ce qui a été écrit, mais…»
A moins de ranger sa note, pour espérer maintenir le calme de l’année passée sur le plan politique, le ministre de l’Intérieur a ouvert un grand front avec sa note d’interdiction de levée de fonds pour Pastef. En effet, Thierno Bocoum, le président du Mouvement Agir, dans un communiqué, raille Antoine Diome, en se demandant s’il ne «faudrait pas remplacer l’adage ‘’nul n’est censé ignorer la loi’’ par le concept ‘’le ministre de l’Intérieur vous lira la loi’’». Pour lui, le ministre de l’Intérieur a raison sur tout ce qui a été écrit, mais il se demande juste quel est le lien de causalité avec la campagne de levée de fonds organisée par le parti Pastef et financé par ses membres et sympathisants ? Selon lui, aucun!
A moins que le ministre de l’Intérieur ne se donne comme vocation de faire la lecture des textes à tout parti politique qui s’active, dit-il, il lui faudra alors se préparer à délaisser certaines de ses prérogatives pour suppléer les conseillers juridiques des partis dans leur mission de conformer les activités de leur parti aux dispositions de la loi. Pour lui, Pastef a respecté la loi puisqu’il a fait appel à ses adhérents et sympathisants.
Guy Marius Sagna : «Monsieur le Président, si le Président Wade vous avait…»
Guy Marius Sagna abonde dans le même sens. Il pense que c’est simplement la panique qui pousse le palais à mettre en action le premier des flics. D’où d’ailleurs sa question à Macky Sall de savoir s’il n’avait pas lui aussi demandé l'aide du président Bongo du Gabon. «Monsieur le Président, si le Président Wade vous avait envoyé les Ige comme vous voulez le faire avec la présidente Aminata Touré, vous ne seriez jamais chef de quartier au Sénégal. Monsieur le Président Macky Sall, si le Président Wade avait appliqué le parrainage, vous ne seriez jamais candidat à l'élection présidentielle. Monsieur le Président, si le Mint de l'époque avait agi comme votre dévoué Jomless, je veux dire Antoine Diome, aujourd'hui, vous n'auriez jamais battu campagne. Monsieur le Président de la République si votre prédécesseur avait fouillé votre gestion de Fatick, vous auriez passé trois ans en prison avant le président Khalifa Ababacar Sall», a écrit à son tour Guy Marius Sagna.
Me Assane Dioma Ndiaye : «l’interdiction vise les subsides provenant de l’étranger»
Pour Me Assane Dioma Ndiaye, le texte du ministre ne fait pas de distinction entre les Sénégalais, qui résident au Sénégal et les Sénégalais qui sont à l’étranger. «Le texte ne fait pas de distinction de nationaux résidant au Sénégal ou à l’étranger. Tant qu’il s’agit de cela, il n'y a aucun souci», a-t-il dit. Mais, «l’interdiction vise les subsides provenant de l’étranger. Or, les subsides sont définis comme des aides et secours ou subventions. Je ne pense pas que l’on soit dans cette hypothèse en l’espèce», a-t-il mis fin à la polémique.
Cheikh Bamba Dièye : «Rewmi neex na torop. Fan lañu jëm ak ñii»
Cheikh Bamba Dièye, pour sa part, rappelle au ministre que son parti et sa coalition utilisent indûment des fonds publics sans être inquiétés. «L'Apr et Benno Bokk Yakaar usent des ressources publiques à des fins politiciennes et jamais ils n'ont été inquiétés», a-t-il écrit sur son compte Facebook. Il ajoute également que «des Sénégalais soutiennent librement un parti de l'opposition, Pastef pour ne pas le nommer, on le menace de dissolution. Rewmi neex na torop. Fan lañu jëm ak ñii», se demande-t-il.
Adama Gaye : «Nous disons halte et non à cette forfaiture»
Le journaliste Adama Gaye qui ne loupe jamais le régime s’est aussi invité dans le débat. Et c’est dans un post sur sa page, pour dire non aux tenants du pouvoir. «Non à l’interdiction de Pastef. Vouloir le supprimer n’est que le dernier signe de la panique d’un régime failli qui sait que les carottes sont cuites. Nous disons halte et non à cette forfaiture. Nous ferons face aux tueurs de démocratie», a-t-il commencé par écrire. Avant d’inviter les Sénégalais à combattre le régime. «Nous devons abattre ce régime criminel, odieux, qui tue nos libertés, vole nos ressources, détruit notre société, y insère des antivaleurs», a martelé Adama Gaye.
Madou MBODJ