Apprendre à vivre avec le virus, qui n’est pas près de quitter de sitôt le pays ! C’est la conclusion à laquelle a abouti le chef de l’Etat, qui a annoncé hier une réadaptation de la stratégie de riposte du Sénégal. Une réadaptation marquée par l’assouplissement des mesures jusque-là imposées aux populations. Qui pourront désormais, entre autres, reprendre le chemin des lieux de culte, de l’école pour les élèves en classe d’examen. De même, les horaires du couvre-feu ont été revus à la baisse, tout comme les marchés et autres commerces ne fermeront plus qu’un seul jour et les corps de nos compatriotes décédés à l’étranger pourront de nouveau être rapatriés.
C’est décidé ! Après deux mois de lutte contre le Covid-19, le Sénégal a décidé de changer de fusil d’épaule. «Aujourd’hui, après deux mois de mise à l’épreuve, nous devons sereinement adapter notre stratégie, en tenant compte de notre vécu quotidien», a fait savoir d’emblée Macky Sall. Qui précise avoir auparavant «consulté une équipe multidisciplinaire d’éminents experts nationaux», qui lui ont signifié que malgré les mesures prises, «dans le meilleur des cas, le Covid-19 continuera de circuler dans le pays jusqu’au mois d’août, voire septembre». Ainsi, pour lui, ces projections montrent que «l’heure ne doit pas être au relâchement, mais à l’adaptation». Et dans cette «nouvelle phase», qui va prendre au moins 3 à 4 mois, le chef de l’Etat soutient que «nous devons désormais apprendre à vivre en présence du virus, en adaptant nos comportements individuels et collectifs à l’évolution de la pandémie». Convaincu qu’aujourd’hui, «il nous faut adapter notre stratégie, de façon à mener nos activités essentielles et faire vivre notre économie, en veillant à la préservation de notre santé», Macky Sall a décidé de l’assouplissement des conditions de l’état d’urgence.
Les horaires du couvre-feu réduits d’une heure
La première nouvelle mesure consiste à réduire la durée du couvre-feu. «A compter de ce mardi 12 mai, les nouveaux horaires seront de 21h à 5h, au lieu de 20h à 6h», révèle le chef de l’Etat. De la même manière, les horaires de bureau ont été réaménagés. Désormais, ils vont aller de 9h à 16h, au lieu de 9h à 15h. Une mesure qui fera sans doute du bien à beaucoup de jeûneurs qui se plaignaient des horaires de démarrage et de fin du couvre-feu.
Feu vert pour la réouverture des mosquées et églises
Les doléances des croyants qui n’ont cessé de réclamer ces derniers jours la réouverture des mosquées, certains, comme le Khalife de Léona Niassène, allant jusqu’à menacer d’ouvrir les mosquées de sa localité de force, ont été satisfaites par le chef de l’Etat. «Il sera également procédé à la réouverture des lieux de culte», a dit Macky Sall. Non sans préciser qu’il a instruit le ministre de l’Intérieur, en rapport avec le ministre de la Santé et de l’Action sociale, «d’engager les consultations nécessaires à cet effet, avec les guides religieux ainsi que les associations religieuses, pour définir les conditions et modalités» de la réouverture des lieux de culte.
Les marchés seront fonctionnels 6 jours sur 7
Les commerçants vont devoir aussi souffler un peu. En effet, soumis à des conditions draconiennes, notamment à Dakar avec seulement trois jours de travail (pour les marchés), ils auront désormais presque toute la semaine. «Les marchés et autres commerces qui étaient astreints à des jours particuliers d’ouverture seront ouverts 6 jours (sur 7)». Le 7ème jour sera consacré au nettoiement. Et il reviendra aux autorités compétentes de décider du jour de fermeture pour chaque localité. De la même manière, les marchés hebdomadaires ou «louma», seront rouverts, mais «dans les limites de chaque département». En outre, avec l’hivernage qui s’annonce, le chef de l’Etat a demandé au gouvernement de prévoir les assouplissements nécessaires au transport public, notamment en ce qui concerne l’interdiction des déplacements de voyageurs d’une région à une autre. Cela, afin de permettre aux travailleurs agricoles, bloqués à Dakar ou dans d’autres régions qui ne sont pas leurs régions d’origine, de rejoindre leurs localités.
Ouverture des écoles le 2 juin, mais pour les classes d’examen seulement
Comme annoncé bien avant son discours, le président de la République a confirmé la date du 2 juin pour la reprise des cours. Toutefois, il a précisé que cette reprise ne va concerner que les élèves en classe d’examen. C’est-à-dire les élèves de Cm2, de 3ème et de Terminale. Soit 551.000 potaches, sur un total de 3,5 millions. Les autres élèves devront se contenter jusqu’à nouvel ordre de cours à distance. Aussi, le calendrier scolaire et celui des examens et concours seront remaniés. Pour l’enseignement supérieur, le ministre en charge poursuivra les concertations avec les différentes académies pour aménager les enseignements à distance.
Assouplissement des mesures, mais pas question de céder sur le respect des gestes barrières
Autant l’Etat a tenu à revoir sa copie en allégeant les mesures pour permettre à l’économie et aux autres activités de vivre, autant il entend être intransigeant sur le respect des mesures de protection édictées. «Le gouvernement veillera particulièrement à ce que la fréquentation des lieux de culte, des établissements scolaires et autres espaces publics, des marchés et autres commerces, y compris les restaurants, obéisse strictement aux mesures de distanciation physique et aux gestes barrières ; notamment le port obligatoire du masque et le lavage des mains», a martelé le chef de l’Etat. Ajoutant que «partout le respect de ces conditions est essentiel pour éviter des risques de contamination», il avertit que «le gouvernement y veillera de près et prendra, le cas échéant, toutes les mesures appropriées afin de prévenir la propagation du virus». Déjà, il note que 10 millions de masques ont été produits localement et seront distribués dans les écoles, les lieux de culte, les marchés et les transports publics. Renvoyant chaque Sénégalais à sa «responsabilité», Macky Sall reste persuadé que, «chacun jouant pleinement son rôle, nous réussirons le pari de redynamisation progressive de la vie nationale», tout en préservant notre santé. Aussi, invite-t-il à «éviter la stigmatisation des malades». Une stigmatisation d’autant plus inacceptable pour lui, que «le Covid-19 n’est pas de ces maladies dites honteuses et nul n’est à l’abri d’un virus aussi contagieux».
Les dépouilles des compatriotes morts à l’étranger peuvent désormais être rapatriés
Ces derniers jours, des associations des personnalités et associations de Sénégalais de l’extérieur étaient sur le front pour exiger le retrait de la mesure d’interdiction du rapatriement des corps. Elles ont même attaqué la décision à la Cour suprême, qui malheureusement les a déboutées. Mais aujourd’hui, elles peuvent crier victoire, le chef de l’Etat ayant levé la mesure. «Tenant compte de la forte demande de rapatriement de corps de nos compatriotes décédés du Covid-19 à l’étranger et sur la base d’avis motivés que nous avons recueillis auprès des autorités sanitaires, il sera désormais possible de procéder au rapatriement», a déclaré Macky Sall. Qui souligne avoir demandé au ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, en rapport avec le ministre de la Santé, de «faciliter les rapatriements pour les familles qui le souhaitent dans le respect des conditions sanitaires requises».
Mbaye THIANDOUM
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