Les notaires sont aux anges. Désormais ils ne seront plus jugés comme le commun des Sénégalais. Ils vont en effet bénéficier d’un privilège de juridiction. C’est Macky Sall qui l’a décidé hier. En effet, venu présider le 31e Congrès des notaires d’Afrique, le chef de l’Etat a instruit le ministre de la Justice d’intégrer dans la prochaine révision du Code de procédure pénale la disposition relative au privilège de juridiction pour les notaires. Ce n’est pas tout. Macky Sall a plaidé pour la déjudiciarisation de certains actes afin d’éviter les lenteurs et autres lourdeurs des procédures devant la justice. Il a, cependant, déploré les risques de conflits qui viennent à plus de 90% du foncier.
Macky Sall, a présidé, hier, au Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio (Cicad), le 31e Congrès des notaires d’Afrique. Une occasion pour le chef de l’Etat de satisfaire une vieille doléance de Me Aïssatou Sow Badiane, présidente de la Chambre des notaires du Sénégal, relative au privilège de juridiction. En effet, le Président Macky Sall juge «normal» que les notaires puissent bénéficier d’un tel privilège. A cet effet, il a instruit le garde des Sceaux à intégrer dans la prochaine révision du Code de procédure pénale (Cpp) cette disposition. Ce qui devra permettre, dit-il, aux notaires du Sénégal de faire des avancées. Une nouvelle qui a suscité une salve d’applaudissements des notaires sénégalais présents dans la salle. Poursuivant, le chef de l’Etat invite les notaires à réfléchir sur l’élargissement de leur champ d’intervention. A l’en croire, il s’attend à ce que les notaires au Sénégal puissent prendre en charge les aspects liés à l’état civil, au mariage et au divorce.
Règlement extra judiciaire des différends
Quant à la déjudiciarisation de certains actes que la Chambre des notaires appelle de tous ses vœux, le chef de l’Etat est également en phase avec les notaires. «La justice telle qu’elle a toujours fonctionné apparait aux yeux des usagers comme plus ou moins lente avec des procédures longues, lourdes et complexes qui échappent à leur contrôle», relève le Président Sall qui rappelle, dans la foulée, que les réformes entreprises depuis 2012 visent à apporter des corrections rapides et adaptées à ces lenteurs. «Dans les principes du décret 2013 10-71 modifiant le Code de procédure civil en ce qu’il renforce les compétences des juges de la mise en état de la réduction des délais d’appel ainsi que la lutte contre les pratiques dilatoires. D’autres réformes ont visé le désengorgement des rôles des tribunaux en permettant le concours d’autres acteurs dans la résolution des litiges ; l’arbitre ou un tiers négateur ou conciliateur chargé d’aider les parties à trouver un accord. C’est tout le sens du décret 2014 16-53 relatif à la médiation et à la conciliation. Il s’agit, aujourd’hui, d’entrevoir le rôle que le notaire peut jouer comme acteur prépondérant du processus de règlements extra judiciaires des différends à travers une déjudiciarisation accrue comme procédé permettant d’éviter le règlement de litiges par le juge. Il convient dès lors de trouver un équilibre entre le bénéfice indéniable de la déjudiciarisation et les coûts indus pour les usagers», fait remarquer le chef de l’Etat.
90% de risques de conflit liés au foncier
Dans son discours, le président de la République n’a pas occulté la spéculation foncière très présente dans les conflits. «Quant au foncier, il demeure au cœur de notre politique de développement économique et social. Cependant, son statut juridique hybride marquée par la coexistence de terre immatriculées et une grande majorité des terres non immatriculées pose problème. Je peux même dire, au Sénégal, l’essentiel des alertes que je reçois au quotidien sur les risques de conflits viennent à plus de 90% du foncier. Il convient dès lors de tenir compte du potentiel économique des terres non immatriculées afin d’envisager un nouveau droit d’usage auquel pourrait être attaché des droits réels sécurisés», plaide le chef de l’Etat, avant de révéler que la réflexion devrait être orientée vers le titrement dans une dynamique d’une mise en valeur de nos ressources foncières. A l’en croire, c’est dans cette perspective que la loi 2017-21 du 15 juillet 2017, autorisant la cession à titre gratuit des terrains domaniaux à usage d’habitation, a été votée. «Je reste persuadé que la délivrance des titres sécurisés ne tenant pas compte du critère de rentabilité économique aboutit naturellement à une spéculation et à une spoliation aux effets socialement préjudiciables», souligne le Président Macky Sall.
Par ailleurs, le chef de l’Etat, persuadé que les notaires sont des acteurs économiques stratégiques, les a invités à contribuer à l’encadrement adéquat, à l’expansion durable et au financement optimal de l’économie. «J’invite les notaires du Sénégal au respect des prescriptions de la loi 2017-32, du 15 juillet 2017 et du décret 2017- 85, deux textes qui vous font obligation de domicilier les fonds obtenus dans le cadre de l’exercice de vos fonctions à la Caisse des dépôts et de consignation (Cdc) qui est un investisseur institutionnel, pilote de l’économie nationale», martèle le président de la République.
Moussa CISS