Les considérations générales sur la loi de finances de la gestion 2021 ont été l’occasion d’échanges parfois indécents entre parlementaires de la majorité et de l’opposition. Des attaques personnelles et des injures et dans ce registre, le président de l’Assemblée nationale n’a pas été épargné. Sur un autre registre, le fast-track a aussi été décrié par Moustapha Guirassy. Cependant, pour le ministre des Finances, le fast-track n’est pas dans la planification, mais dans l’exécution.
Les débats ont été par moments tendus entre certains députés de l’opposition, notamment Abdou Bara Doly Mbacké de Bokk Gis-Gis, de Mame Diarra Fam et le président de l’Assemblée Moustapha Niasse, soutenu par ses collègues de la majorité. Par moments, les propos ont volé bas. Au point que Serigne Mansour Sy Jamil est monté au créneau pour jouer aux sapeurs-pompiers et calmer les ardeurs. «On doit discuter des problèmes de notre pays au lieu de s’engager dans des injures. En venant à l’Assemblée, j’ai perdu mon coefficient d’indignation. Je n’ai jamais entendu de telles insanités de toute ma vie», regrette le marabout qui invite ses collègues à l’essentiel. A l’en croire, il faut accepter les contradictions et s’enrichir de ces contradictions.
Si la Der a décaissé 57 milliards, l’impact sur la jeunesse doit être certain
Cette page des injures tournée, Aïda Mbodj s’est attaquée à la gestion du Délégué général à l’entreprenariat rapide (Der). A l’en croire, le patron de la Der avait annoncé la mise en place de guichet unique dans chaque département pour les dépôts des dossiers, mais aussi d’un comité de sélection et de suivi de ces dossiers, mais n’a rien fait. Poursuivant, elle relève qu’il dit financer 15 milliards dans la région de Dakar et 57 milliards à travers le territoire national. «De mon point de vue, si on décaisse autant d’argent, l’impact sur la jeunesse doit être visible. Or, il n’est pas en mesure de communiquer la liste des bénéficiaires de ces financements», charge Aïda Mbodj. Pire, elle rappelle que le patron de la Der, lors d’une tournée à Mbour, a révélé que ce sont les bénéficiaires de financements de la Der qui ont pris les pirogues. Ce qui est grave aux yeux de la députée qui fait remarquer que les morts ne peuvent témoigner. «Est-ce que ces 57 milliards ont un impact sur la jeunesse ?», s’interroge Aïda Mbodj, qui se désole de constater le désespoir des jeunes qui ont fini par mourir en mer à cause de la gestion partisane de ces financements.
Cheikh Bara Doly Mbacké tire sur Mame Boye Diao, ADD s’érige en bouclier
Le député de Bokk Gis-Gis n’a pas été tendre avec le directeur des Domaines Mame Boye Diao, coupable à ses yeux d’avoir dilapidé le patrimoine foncier du Sénégal. Poussant le bouchon plus loin, il l’accuse de faire profiter cet argent à une classe de filles aux mœurs légères. Des déclarations qu’il corrobore par une notification de mars 2020 qu’il brandit en plénière pour attester de ce bradage foncier. Dans cette logique, il s’est également attaqué à la gestion de Mame Boye Diao qui, à l’en croire, ne travaille pas et déserte son bureau pour se pavaner dans les rues à bord de rutilantes véhicules de plus de 150 millions. C’est ce qui est à l’origine du déficit de 110 milliards enregistré par les Domaines, tout simplement parce que cet argent, dit-il, n’a pas été recouvré. Des accusations qui ont courroucé le ministre des Finances et du Budget Abdoulaye Daouda Diallo, d’autant plus que le concerné, en plus de ne pouvoir répondre, est absent de la plénière. Cependant, il n’a pas manqué de prendre la défense de Mame Boye Diao. «C’est un cadre compétent, loyal et qui nous donne entière satisfaction. Nous le soutenons tous», indique-t-il.
Moustapha Guirassy : le mal est dans le fast-track
De l’avis du député Moustapha Guirassy, le problème du Sénégal réside dans le fast-track. «Nous sommes dans l’urgence, ce qu’on appelle le fast-track. C’est une idéologie qui n’est pas généreuse, qui n’est pas sage, parce qu’elle enferme dans le présent et précipite dans le présent. Il n’y a pas d’horizon. Tout doit être visible, réalisé en un horizon temporel très court pour faire le bonheur de certaines personnes», se désole de constater l’ancien ministre. Ce qui lui fait dire que le mal est dans le fast-track. En effet, même s’il juge important le budget de 4000 milliards, il révèle dans la foulée que des jeunes sont noyés dans nos océans. Ce qui est curieux, dit-il. A l’en croire, il faut repenser notre économie et qu’on accepte d’investir de façon durable. «Quand on exige des immeubles, on est dans du forcing et il n’y a plus de planification. Aujourd’hui, une économie qui ne repose pas sur une planification profonde et durable est dans la catastrophe», fait remarquer le député de Kédougou, persuadé que si l’Etat n’était pas dans le fast-track, l’argent de Dakar Arena pouvait servir à l’acquisition de bateaux de pêche.
Amadou Hott : «on ne peut pas être lent et se développer»
Dans ses réponses le ministre des Finances pointe une méprise de Moustapha Guirassy car, dit-il, le fast-track n’est pas dans la planification, mais dans l’exécution des programmes. Son collègue de l’Économie de renchérir : «quand on dit Pap2a, le premier «a» veut dire accélérer. Quand on accélère on est dans le fast-track pour la mise en œuvre, mais pas dans la planification, parce que le Pse, c’est une vision sur 20 ans, jusqu’en 2035. C’est du long terme», indique le ministre de l’Économie. Poursuivant, il révèle qu’un pays qui veut se développer ne peut pas être dans le slow-track. «On ne peut pas être lent et se développer. Tous les pays émergents ont fait du fast-track», martèle Amadou Hott.
M. CISS