Depuis jeudi dernier, des dizaines de détenus dits «détenus politiques» sortent de prison. Le vent de l’apaisement ayant commencé à souffler dans le pays, le régime a décidé de desserrer l’étau autour de ces personnes interpellées lors des manifestations. L’on s’interroge sur le procédé utilisé. S’agit-il d’une liberté d’office ou de liberté provisoire ? «C’est le Parquet qui libère», nous souffle-t-on. Par quel procédé et sur quel fondement juridique ? «Les Echos» a cherché à en savoir un peu plus.
Bienheureux sont ceux qui, aujourd’hui, ont recouvré la liberté, même s’ils ne sont pas demandeurs. Le temps de la décrispation a joué en leur faveur. Ils sont libres et c’est l’essentiel. Toutefois, l’on peut s’interroger sur le fondement juridique qui a permis leur mise en liberté. «Il s’agit d’une liberté provisoire», selon un des avocats de la défense. Le fait est que personne n’a déposé de requête. «Tout a été joué, entre le Procureur et les juges d’instruction», assure une source fiable. A noter que tous les juges d’instruction ne sont pas saisis, pour le moment, si l’on en croit notre source. Pour le modus operandi, nous souffle-t-on, c’est le magistrat instructeur qui transmet au Parquet un dossier avec une liste de détenus, interpellés lors des manifestations, le Procureur donne un avis favorable et le tour est joué. «C’est le Parquet qui libère», nous a soufflé une source. L’on comprend que le Procureur ne s’oppose plus aux demandes de mise en liberté provisoire ; mieux, c’est lui-même qui demande que des dossiers lui soient transférés. Mais, toutes les listes ne sont pas validées, puisqu’il y a des cas où il s’oppose, selon toujours notre interlocuteur, pour qui le nombre de détenus libérés doit dépasser 300 ; «seul le Procureur peut dire exactement le nombre parce qu’il reçoit des dossiers de différents cabinets d’instruction», assure-t-il. L’administration pénitentiaire devrait également être à même de donner un nombre exact.
Certains magistrats pas contents du procédé
En fait, le vent de la décrispation est passé par là, et l’Etat est dans une dynamique de calmer la tension. L’on peut s’interroger, cependant, sur le procédé. Certes, il est heureux que tous ces responsables et chefs de famille recouvrent la liberté et donc leurs familles, mais le procédé ne décrédibilise-t-il pas la justice ou les juges ? Certains magistrats ne sont pas contents du procédé, nous souffle-t-on, mais c’est peut-être à juste raison. Poursuivre des personnes pour des faits graves ou en tout cas qui méritent le mandat de dépôt, pour ensuite les mettre en liberté sans qu’elles en fassent la demande, on n’est plus sur le terrain de la justice. «C’est leur faute, ils auraient dû transmettre ces dossiers aux juges des flagrants délits et ils n’en seraient pas là aujourd’hui», crache un magistrat.
Quand la politique parle, la justice se tait, a-t-on l’impression. Mais, peu importe, le pays a besoin d’un climat d’apaisement. Pour expliquer ces libérations par vagues, le garde des Sceaux ministre de la Justice fait face à la presse aujourd’hui.
Alassane DRAME











