Ils ont été parmi les premiers à décliner l’invitation du Président Macky Sall à son dialogue. Mais certains militants et responsables semblent avoir mis de l’eau dans leur bissap. Si certains continuent de prôner la radicalité, d’autres comme Imam El Hadji Malick Dramé ou Ousseynou Ly analysent les choses sous un autre angle. Si le premier nommé appelle ouvertement à une participation de Pastef au dialogue, Ousseynou Ly, lui, s’intéresse exclusivement à la sortie de son leader. Pour ce dernier, accepter de sortir de prison n’est pas une compromission, mais plutôt jouir d’un droit qu’il n’aurait jamais dû perdre. Des positions qui ont provoqué des réactions violentes de la part de certains militants. Ils se sont fait attaquer violemment sur les réseaux sociaux et le Mouvement des Doomu Daara auquel appartient Imam Dramé s’est même désolidarisé de ses propos.
L’Ex Pastef fait-il face à sa première crise interne ? Le parti de Ousmane Sonko, qui a semblé jusque-là parler d’une seule voix pour toute action à entreprendre, est en train de connaître les réalités des divergences de position qui secouent tous les partis politiques. Les derniers développements de l’actualité politique avec la libération des détenus dits politiques, l’appel au dialogue, mais aussi l’amnistie promise par le Président Sall à Ousmane Sonko et Cie, font réagir les militants et certains responsables dudit parti. Néanmoins, tout le monde n’a pas la même lecture de la situation.
Imam Dramé : «Pastef doit aller à ce dialogue sinon…»
Pour Imam El Hadji Malick Dramé, Pastef doit changer de fusil d’épaule à présent. Si l’on en croit le porte-parole du Mouvement des Doomu Daara De Pastef (Moddap), c’est illusoire de continuer de penser qu’ils ont toujours les moyens pour se battre, au moment où certains membres de l’opposition font tout pour que Sonko demeure en prison. «Nous nous sommes donnés corps et âmes pour faire face à ce régime, Sonko dirigeant les opérations. Il a sacrifié beaucoup de choses pour défendre le Sénégal. Mais à ce stade, il faut marquer un stop et analyser lucidement la situation», a-t-il fait savoir sur un plateau. Imam Dramé voudrait que ses camarades militants sachent que certains membres de l’opposition avec qui ils solidarisent pour rejeter toutes les propositions du Président Macky Sall, œuvrent de toutes leurs forces pour que Ousmane Sonko soit écarté encore plus longtemps du jeu politique. «Ce sont ceux qui sont auprès de leurs familles et qui n’ont aucun intérêt à voir Sonko dehors qui militent pour une non participation au dialogue. Le Pastef doit se ressaisir, nous devons aller à ces concertations et donner notre avis. Sinon le Président Macky Sall va encore nous imposer des décisions auxquelles nous ne pouvons rien faire et c’est Pastef, avec son leader en prison, qui sera le plus grand perdant», dit-il avant de faire savoir qu’il est prêt à aller à ce dialogue, s’il est invité, quitte à ce que Pastef le renvoie.
Le Moddap se désolidarise d’Imam Dramé
Le Mouvement des Doomu Daara Patriotes (Moddap) n’a pas perdu de temps pour recadrer son porte-parole. Il s’est fendu d’un communiqué pour se désolidariser de ce dernier. «À travers une vidéo devenue virale dans les réseaux sociaux, Monsieur El Hadji Malick Dramé, dit Imam Dramé, membre du Mouvement des Doomu Daara Patriotes, a tenu des propos qui sont en déphasage total avec la position adoptée par la coalition Diomaye Président et le FC25, concernant le soi-disant dialogue appelé par le président de la République sortant, Macky Sall», fait-il noter avant de préciser que «le Moddap se désolidarise de ses propos et l'appelle à faire preuve de retenue et de respect du principe de la discipline de parti».
Ousseynou Ly : «certains membres de l’opposition ou de la société civile préféreraient avoir encore Macky Sall au pouvoir que de voir Ousmane Sonko ou Bassirou Diomaye Faye lui succéder»
Membre du cabinet de Ousmane Sonko, mais aussi de la cellule de Communication de Pastef, Ousseynou Ly s’est lui aussi prononcé sur la question. Même s’il ne va pas jusqu’à prôner la participation de Pastef au dialogue, il demande à ses camarades de parti de ne pas se tromper de combat. Rappelant que l’objectif de tout parti politique, c’est de conquérir naturellement le pouvoir par les voies démocratiques, le coordonateur de Pastef Médina souligne : «participer à l’élection présidentielle de 2024. N’est-ce pas là déjà une victoire ? », s’interroge-t-il avant d’attribuer tout le mérite de cette victoire à Ousmane Sonko, qui s’est tant sacrifié. «(…) il nous faut faire preuve d’une grande délicatesse pour déjouer les autres schémas politiques officieux en cours, venant d’une partie du régime, mais appuyée par une certaine opposition et une certaine société civile qui préféreraient avoir encore Macky Sall au pouvoir que de voir Ousmane Sonko ou Bassirou Diomaye Faye lui succéder», déclare Ousseynou Ly, qui estime que si le Président Macky Sall est en train de dérouler son agenda actuel, c’est parce qu’il a bien des soutiens de principe officieux venant de certains acteurs. «Alors pourquoi Pastef devrait encore une nouvelle fois être l’agneau du sacrifice ?», fulmine-t-il.
M. Ly de certains des 19 candidats «ont même leur accord pour une place dans un futur gouvernement de transition de courte durée». C’est pourquoi il demande aux patriotes de refuser «de servir de dindon de la farce politique qui se joue loin des caméras des conférences de presse et autre déclarations symboliques».
«Président Sonko, acceptez de sortir svp»
Pour lui, c’est faux de leur faire croire que si Sonko sort de prison, c’est qu’il aura compromis son combat. «Aujourd’hui plus qu’hier, nous avons besoin du président Sonko dehors pour mener les troupes et battre campagne aux côtés de notre candidat. En plus de sa libération, celle de tous les détenus politiques également fera beaucoup de bien à leurs familles et proches qui souffrent de leur absence. Si Macky Sall décide de libérer Ousmane Sonko, son candidat et ses militants, ce sera non pas une compromission ou un reniement des principes du combat, mais une réparation d’une situation qui ne devait pas avoir lieu », déclare-t-il avant de poursuivre : «président Sonko, acceptez de sortir svp. Venez parler aux militants et aux Sénégalais, vous avez toute la légitimité pour le faire».
A l’en croire, que le Président Sall décide d’organiser les élections avant le 2 avril ou bien au-delà, les patriotes doivent refuser d’être les perdants pour une énième fois (..). «Patriotes pour une fois, ne suivons pas notre haine envers le régime (…) Ne tombons pas dans les panneaux des « principes présents » qu’on dresse devant nous pour nous mettre aux arrêts politiques (…) », affirme-t-il tout en précisant que ses propos ne sont nullement imputables au Pastef ou à la coalition Diomaye Président.
Ces positions ont créé une vive polémique au sein du parti. Certains militants n’y sont pas allés du dos de la cuillère, ils se sont violemment attaqués à leurs camarades de parti. Pour la plupart, la liberté de Sonko et les autres détenus ne doivent pas être une monnaie d’échange avec le Président Macky Sall.
Ndèye Khady D. FALL










