Afin de sortir le Sénégal de la crise dans laquelle il est plongé depuis le report de l’élection présidentielle qui devait se tenir le 25 février dernier, le Président Macky Sall a convié à un Dialogue national hier les «forces vives de la nation» pour déterminer une date de la présidentielle et les conditions dans lesquelles nous irons à l’élection. La cérémonie d'ouverture s’est déroulée hier à Diamniadio sous la présidence du chef de l’Etat a été l’occasion pour ce dernier de revenir, lors de son discours de clôture, sur plusieurs sujets comme la pression des médias occidentaux sur le Sénégal, l’importance pour les acteurs d’aller au plus vite vers un consensus ou encore la question de l’amnistie dont il annonce l’adoption dès demain en Conseil des ministres.
Cloturant les discussions, le président de la République a remercié tous ceux qui ont fait le déplacement pour le Sénégal et tous ceux qui ont pris la parole, de quelque bord qu’ils soient, ont contribué en mettant leurs idées sur la table. «C’est cela toute l’essence de ce Dialogue national», a fait savoir Macky Sall.
Abordant ce qu’on pourrait qualifier de pression des médias occidentaux sur le Sénégal, Macky Sall d’avertir : «le monde nous regarde, craignant que le Sénégal bascule». «Mais je pense que notre pays saura éviter cela. Il y a quelques jours, tous les grands médias à travers le monde ont envoyé des journalistes espérant que le Sénégal allait bruler. J’avais dit à l’époque qu’ils repartiront bredouilles. Ils perdent leur temps car le Sénégal ne basculera pas. Nous autres, autorités du pays, y veillons constamment», a-t-il assuré.
À l’endroit de ses compatriotes, Macky Sall de dire : «le Sénégal d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec le Sénégal d’hier». En effet, dit-il, le temps où l’arachide était la principale ressource de notre pays n’a rien à voir avec le temps d’aujourd’hui, où du pétrole et du gaz ont été découverts dans notre sous-sol. «Et tous les Sénégalais doivent savoir qu’ils ne sont pas les seuls qui s’intéressent à ces ressources même s’il s’agit bien de nos ressources. Ces derniers qui s’intéressent à notre pétrole et notre gaz travaillent à semer la zizanie et diviser le pays et les Sénégalais», dit-il.
En ce qui concerne la date de l’élection présidentielle, le président de la République a noté que le choix d’une date ne doit pas mettre le pays sens dessus-dessous. «C’est pourquoi j’ai décidé de mettre en place les deux seules commissions qui vont continuer le travail demain (aujourd’hui, ndlr) : une qui sera dirigée par le ministre de l’Intérieur avec le soutien du Directeur général des Elections et une autre qui sera dirigée par le ministre Ismaïla Madior Fall représentant la ministre de la Justice. Les participants auront la latitude de participer aux travaux de ces commissions pour entrer dans le fond des propositions qui ont été faites ici. Par exemple, certains ici ont fait part des difficultés d’aller en campagne en plein mois de Ramadan. Mais quoi qu’il en soit, que les acteurs discutent de tout, notamment de ce qui est faisable. Il faut également prendre en compte les fêtes musulmanes et catholiques qui engagent le pays et à partir de là faire une computation. Si on gère ces questions, le gros du travail aura déjà été fait. Et la vraie équation qu’on devra résoudre, c’est de savoir s’il faut maintenir les 19 candidats dont les candidatures ont été retenues par le Conseil constitutionnel et aller aux élections qu’avec ces 19, comme le pensent certains ou devrons-nous permettre à d’autres d’être candidats sans toucher aux acquis des 19 candidats susmentionnés, comme le pensent d’autres», explique le chef de l’Etat.
Mais aussi, invite-t-il, il faut également prendre en compte ce que dit le code électoral. Parce qu’il ne devra pas être question de violer la loi. S’il en est ainsi, c’est que, rappelle-t-il : le code électoral est clair quant aux délais pour faire une élection. «Le code stipule en article LO 137 qu’entre la date de la prise du décret et la date de l’élection, il faut au moins 80 jours. Maintenant, s’il faut réduire ce délai, c’est possible à condition d’avoir un consensus sur la question», fait-il savoir, ajoutant que l’autre commission est celle qui va se pencher sur les questions liées à la Constitution. «Cette commission tient son importance au fait que tout le monde n’a pas la même lecture ou interprétation de la Constitution. Pour cette commission, je pense que si les acteurs ne parviennent pas à se mettre d’accord, le dernier mot devra revenir au Conseil constitutionnel pour ce qui concerne la période post 2 avril 2024», dit-il.
Et d’ajouter pour dire à qui veut l’entendre : «personnellement, j’ai fini de dire à tous ceux qui veulent l’entendre que j’en ai plus qu’assez de tout cela». «Maintenant, je suis disposé à accompagner pour que le pays continue de fonctionner normalement jusqu’à l’élection du nouveau président. Mais il faut que nous mettions tous l’intérêt du Sénégal en avant. Si nous faisons cela, nous devrions continuer notre marche jusqu’à l’élection sans contestation d’un autre président qui devra poursuivre le travail. Mais pour cela, il faut que les gens soient raisonnables. La surenchère est trop dans ce pays et ça ne repose sur rien du tout. Quand vous aurez fini de faire le travail en commission, quand j’aurais les conclusions, je prendrais mes responsabilités pour fixer la date de l’élection présidentielle. Je souhaite que les discussions accouchent d’un consensus. Parce que dans ce cas, il n’y aura pas de problème et ça sera beaucoup plus facile pour le président de la République», estime-t-il encore.
L’amnistie
Sur l’amnistie, le président Sall attire l’attention de certains qui se sont montrés pas ou peu favorables à la question. «Chaque parti politique peut avoir sa position, ses intérêts, mais il faut savoir que moi je ne parle pas au nom de mon parti, je parle en tant que président de la République, gardien de la Constitution, garant de l’unité nationale. Donc, il faut savoir que les responsabilités ne sont pas les mêmes. Chacun peut penser ce qu’il veut, mais moi en tant que président de la République, c’est ma décision. Et c’est cela que je demande aux Sénégalais et à mes députés. Qu’ils aillent un esprit de dépassement et de pardon. C’est cela qui nous mènera à la réconciliation. Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas vu ce qui s’est passé dans notre pays. Mais si nous laissons le pays dans cette situation, nous risquons de nous retrouver dans une situation plus grave que celle qu’on a connue. Nous risquons de continuer à compter nos morts», a-t-il prévenu.
Poursuivant sur la question de l’amnistie, le président de la République indique qu’il arrive dans la vie d’un pays le moment où nous avons besoin d’esprit de dépassement et éviter les rancœurs. «En tout cas, c’est cela ma position et je l’assume devant la nation et j’engagerais les députés de notre majorité, j’engage nos leaders, j’engage même les députés de l’opposition pour qu’on adopte ensemble cette loi d’amnistie pour dépasser ces difficultés. Chacun d’entre nous a ses responsabilités. En ce qui me concerne, c’est cela ma responsabilité et je pense que tout le monde ici sait que je n’ai pas peur d’être isolé dans ma position. Je l’ai dit et répété, c’est que j’ai décidé et c’est sur cela que mon gouvernement va travailler. Donc je le répète dès mercredi (demain, ndlr) le gouvernement va adopter un projet de loi d’amnistie et l’envoyer à l’Assemblée nationale», a-t-il tranché.
Continuité de l’Etat
Pour ce qui est de la continuité de l’Etat, Macky Sall invite à prendre de la hauteur pour sortir le Sénégal des difficultés dans lesquelles il se trouve. «Si les acteurs sont raisonnables, nous allons trouver des voix le plus rapidement possible pour accompagner le processus. Maintenant, si les acteurs ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’essentiel, je saisirais le Conseil constitutionnel pour l’inviter à désigner mon remplaçant dès le 2 avril», dit-il.
Sidy Djimby NDAO