Entre 2022 et 2024, le nombre de migrants sénégalais arrivés sur les côtes européennes a considérablement augmenté passant de 1251 à 6466 migrants, soit une hausse de 127% en moyenne. En 2024, 90,4% des émigrants sénégalais ont eu pour destination l’Espagne et 99,4% des migrants arrivent en Espagne par la voie maritime. Selon toujours les statistiques de l’Oim dans une étude de l’Ansd, 645 migrants sénégalais sont morts en voulant rejoindre l’Europe sur la période 2015-2024. Les migrants proviennent majoritairement de Kolda, Sédhiou et Tamba qui se distinguent par des taux de pauvreté élevés. Pour lutter contre ce phénomène, l’étude a mis en exergue le nombre d’emplois qui peut être créé dans tous les secteurs par chaque milliard investi.
Une étude réalisée en 2018 intitulé « Contribution de l’emploi à la lutte contre l’émigration irrégulière au Sénégal » par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), en partenariat avec l’Organisation Internationale pour les migrations (Oim), s’est penchée sur le profilage des migrants. Le dernier recensement de la population Rgph-5 révèle que 78,57% des individus qui ont émigré de manière irrégulière l’ont fait pour des motivations d’ordre économique, suivies des raisons familiales (11,19%). S’appuyant sur les données fournies par le ministère de l’Intérieur italien, l’étude de l’Ansd a révélé, sur la période 2015-2016, une évolution significative du flux migratoire. En 2015, 5981 personnes ont été enregistrées comme ayant émigré de manière irrégulière, un chiffre qui a atteint 10.327 en 2016. Selon les données disponibles de l’Oim, les migrants arrivés en Europe par voie terrestre et maritime entre 2018 et 2024, sont estimés à 29.332 individus.
Au Sénégal, 645 migrants sont morts en voulant rejoindre l’Europe entre 2015-2024
Cependant, ce flux migratoire a connu une baisse pendant la période 2020-2021 marquée par la Covid-19. Entre 2018 et 2020, le nombre de migrants irréguliers en provenance du Sénégal ayant atteint les côtes italiennes, espagnoles, grecques et maltes est passé de 9136 à 703, soit une baisse de 72% en moyen. L’Oim (2020) note que les flux migratoires régionaux ont diminué de 48% entre janvier et avril 2020. Cependant, le relâchement des mesures sanitaires d’après Covid-19 a favorisé la reprise de l’émigration irrégulière. Entre 2022 et 2024, le nombre de migrants sénégalais arrivés sur les côtes européennes a considérablement augmenté passant de 1251 à 6466 migrants, soit une hausse de 127% en moyenne. Au Sénégal, selon les statistiques de l’Oim, 645 migrants sont morts en voulant rejoindre l’Europe sur la période 2015-2024.
90,4% des émigrants sénégalais ont eu pour destination l’Espagne et 99,4% arrivent par l’Atlantique
En 2024, 90,4% des émigrants sénégalais ont eu pour destination l’Espagne, suivie de l’Italie avec 9,5%. Ce flux migratoire est plus marqué en janvier, février et septembre de l’année 2024. 99,4% des migrants arrivent en Espagne par la voie de l’Atlantique ouest-africaine. De plus, 0,05% des migrants arrivent en Espagne par Route de la Méditerranée occidentale. En Italie, c’est la voie centrale de la Méditerranée qui est empruntée par les migrants en 2024. Cet axe considéré comme l’un des plus dangereux, en raison des risques liés aux naufrages et aux conditions précaires, lie principalement la Lybie et la Tunisie à l’Italie et à Malte.
Plus de 50.000 morts au cours de ce périple migratoire au niveau mondial entre 2014-2022
Globalement en 2023, selon l'agence européenne de garde-frontières et garde-côtes, Frontex, le nombre de franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union Européenne (UE) a atteint un total d’environ 380.000. Il s’agit du niveau le plus élevé atteint depuis 2016 et constitue une augmentation de 17% par rapport aux chiffres de 2022. D’après l’Oim, 2022, plus de 50.000 personnes ont perdu la vie au cours de leur périple migratoire au niveau mondial entre 2014 et 2022. Parmi eux, plus de 9000 sont d’origine africaine et près de la moitié des victimes avait pour destination l’Europe Profil des migrants.
Kolda, Sédhiou et Tamba concentrent 41,45% des migrants et se distinguent par des taux de pauvreté élevés respectivement 62,5%, 64,4% et 62,8%
Les données issues du Recensement général de la population et de l'habitat (Rgph-5) de 2023 mettent en lumière une réalité marquante du phénomène migratoire sur les cinq dernières années. Elles révèlent que 12% des émigrés ont quitté le Sénégal de manière irrégulière, soulignant l’importance du phénomène. Cette émigration irrégulière est caractérisée par une forte disparité avec une prédominance des hommes qui représentent plus de 95,59% des individus concernés, contre seulement 4,13% pour les femmes. Au niveau régional, les données révèlent que les migrants proviennent majoritairement des régions de Kolda, Sédhiou et Tambacounda. Ces régions concentrent à elles seules 41,45% des effectifs totaux des migrants.
Ces trois régions se distinguent également par des taux de pauvreté très élevés : 62,5% à Kolda, 64,4% à Sédhiou et 62,8% à Tambacounda, ce qui en fait des zones particulièrement vulnérables. Cette précarité économique semble jouer un rôle déterminant en matière d’émigration, notamment irrégulière, puisque de nombreux individus cherchent à fuir les conditions de vie difficiles dans l’espoir d’accéder à de meilleures opportunités à l’étranger. En comparaison, les régions comme Dakar et Thiès, avec des taux d’émigration irrégulière respectifs de 7,21% et 8,12%, sont moins touchées par la pauvreté et présentent davantage d’opportunités locales. 40,01% des migrants irréguliers ont embarqué à bord de pirogues pour entreprendre leur voyage. Les véhicules terrestres représentent le second moyen le plus utilisé, avec un taux d’utilisation de 26,27%.
37,7% des émigrés irréguliers n’ont pas de profession particulière
La précarité économique semble être la principale raison qui motive les candidats à l’émigration irrégulière. D’ailleurs, 37,7% des émigrés irréguliers n’ont pas de profession particulière. Ceux qui disposent d’emplois sont principalement des agriculteurs et éleveurs (14,4%), les acteurs (9,2%), les commerçants (9%) et les pêcheurs (6,5%). Les individus ayant d’autres professions représentent environ 17,9% des émigrés irréguliers. Les jeunes de la tranche d’âge 15-34 ans sont plus exposés à l’émigration irrégulière. Plus précisément, les individus âgés de 15 à 24 ans représentent 35,05 % et ceux de la catégorie 25-34 ans, 41,20 %. En effet, ces catégories d’âge sont les plus touchées par le chômage avec des taux particulièrement élevés estimés à 35,6% pour les 15-24 ans et à 31,5% pour les 25-34 ans.
Les pêcheurs ont six fois plus de chance d’opter pour une migration particulière
Les individus qui migrent pour des raisons liées à l’emploi ont 30% plus de chances d’opter pour une voie irrégulière. Les pêcheurs, ont près de six fois plus de chances d’opter pour une migration irrégulière. Ce phénomène est étroitement lié à la crise du secteur halieutique, marquée par la raréfaction des ressources maritimes et la concurrence accrue des flottes étrangères. Les agriculteurs et éleveurs, quant à eux, présentent des chances d’émigrer irrégulièrement presque deux fois supérieures à celles des autres catégories professionnelles. Les faibles niveaux de rémunération du secteur ainsi que la dégradation des sols, la baisse des rendements agricoles et les effets du changement climatique contribuent directement à cette tendance. Avoir un membre de la famille à l'étranger réduit en réalité la probabilité de partir clandestinement de 25 %. Les hommes ont plus de trois fois plus de chances de partir clandestinement que les femmes, ce qui peut s’expliquer par les conditions du voyage et les dangers spécifiques aux parcours migratoires, souvent perçus comme plus risqués pour les femmes. L’âge est également un autre facteur clé : les personnes qui sont dans la tranche d’âge comprise entre 15 ans et 35 ans ont 50 % plus de chances d’émigrer irrégulièrement, tandis que celles qui ont entre 35 et 65 ans voient leurs chances de partir clandestinement diminuer d’environ un tiers.
Le taux d’activités estimé à 52,2%
L’analyse du marché du travail, basée sur les indicateurs clés, met en évidence certaines dynamiques préoccupantes. Le taux d’activité est estimé à 52,2% en 2023 (Rgph-5, 2023). En d’autres termes, plus d’une personne sur deux en âge de travailler est active. De même, le taux d’emploi a reculé de 54,8% à 51,6% entre 2019 et 2022 marquant une diminution de 3,2 points de pourcentage (Ehcvm, 2021/2022). Le taux d’activité des jeunes âgés de 15 à 34 ans est légèrement supérieur à la moyenne nationale, avec 53,2 % ; une proportion plus élevée est notée en milieu rural (56,5%) tandis qu’en milieu urbain, il s’établit à 50,8%. Par ailleurs, les femmes de cette tranche d’âge sont plus actives (54,4%) que les hommes (52,2 %) (RGPH-5, 2023). L’agriculture affiche le multiplicateur d’emploi le plus élevé, avec 951 emplois qui pourraient être créés pour un milliard francs Cfa injecté dans le secteur. Cette dynamique est fortement portée par l’effet direct, qui représente 79% des emplois générés, illustrant la forte intensité en main-d’œuvre de ce secteur.
951 emplois créés par milliard dans l’agriculture, 768 dans l’élevage et 519 dans la pêche
En parallèle, l’élevage et la chasse se démarquent également avec 768 emplois supplémentaires pour un milliard injecté, dont 51% sont des emplois directs. Ce secteur repose sur une forte interdépendance avec les services vétérinaires, la production d’aliments pour bétail et la logistique agricole, ce qui explique un impact indirect non négligeable. La pêche et les activités halieutiques, quant à elles, généreraient 519 emplois additionnels par milliard injecté. Toutefois, l’effet indirect représente 64% des emplois créés, soit une configuration inversée par rapport à l’agriculture. Le secteur de la sylviculture, bien que souvent marginalisé dans les analyses macroéconomiques, révèle un potentiel notable en matière de création d’emplois, principalement indirects. En effet, un investissement d’un milliard dans cette branche permettrait de générer 457 emplois, dont seulement 28% seraient directs et 72% indirects.
537 emplois qui pourraient être créés pour un milliard investi dans l’industrie agroalimentaire
Alors que les activités du secteur primaire se caractérisent par une forte intensité en main d’œuvre, le secteur secondaire affiche des dynamiques plus contrastées. L’industrie agroalimentaire joue un rôle central avec 537 emplois qui pourraient être créés pour un milliard injecté, avec un effet indirect également plus important atteignant 68% du total des emplois. Dans une dynamique similaire, le secteur de l’eau et de l’assainissement génèrerait 405 emplois, dont seulement 19% sont directs et 81% indirects. Un autre pan clé du secteur secondaire concerne la construction qui pourrait créer 404 nouveaux emplois pour un investissement d’un milliard, avec également une proportion plus significative en emplois indirects (76%). Un autre secteur affecté par une prédominance des emplois indirects est celui des extractifs (mines, pétrole, gaz). Ainsi, sur les 271 emplois pouvant être créés pour un milliard injecté, les 82% d’emplois sont issus d’autres secteurs.
M. CISS












