Après l’arrestation, en l’espace de 12h, de deux journalistes sénégalais ayant donné la parole à Madiambal Diagne, Reporters sans frontières (Rsf) condamne des “mesures disproportionnées et inquiétantes”. L’organisation appelle les autorités à leur libération immédiate et dénonce une atteinte grave à la liberté d’informer.
À Dakar, le climat médiatique s’assombrit dangereusement. En moins de 24h, deux journalistes de renom — Maïmouna Ndour Faye et Babacar Fall — ont été interpellés après avoir diffusé ou réalisé des interviews de Madiambal Diagne. Ces arrestations, survenues les 28 et 29 octobre, ont provoqué une onde de choc dans le paysage médiatique national et international. L’organisation Reporters sans frontières (Rsf), par la voix de son directeur du bureau Afrique subsaharienne, Sadibou Marong, a fermement condamné ces interpellations. “L’arrestation au sein même des rédactions de deux journalistes et la coupure temporaire des signaux de leurs médias, sans intervention du régulateur de l’audiovisuel, pour avoir donné la parole à une personne sur qui pèse un mandat d’arrêt international, sont des mesures manifestement disproportionnées et inquiétantes”, déclare Rsf, qui appelle à la libération immédiate des deux professionnels.
Une série d’interpellations spectaculaires
Dans la soirée du 28 octobre, des gendarmes se sont présentés dans les locaux de 7Tv pour interpeller Maïmouna Ndour Faye, alors qu’une interview de Madiambal Diagne était en cours de diffusion. Placée en garde à vue à la gendarmerie de Ouakam, la journaliste est poursuivie pour “atteinte à la sûreté de l’État” et “atteinte à l’autorité de la justice”. Le signal de la chaîne a été brutalement interrompu sur les bouquets TNT et Canal+ pendant plusieurs heures — une coupure décidée sans communication officielle du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra), seul habilité à ordonner une telle suspension.
Le lendemain matin, le 29 octobre, c’est au tour de Babacar Fall d’être arrêté à son poste de travail après un entretien accordé à Madiambal Diagne. Les journalistes Cheikh Tidiane Diagne et Abdou Thiam, technicien de la même station, ont également été interpellés avant d’être relâchés quelques heures plus tard. Le signal de Télé Futurs Médias (Tfm), appartenant au même groupe, a lui aussi été brièvement interrompu.
Une dérive qui inquiète les défenseurs de la presse
Pour Rsf, ces interpellations constituent un grave précédent. L’organisation dénonce l’usage abusif des forces de sécurité et le contournement des mécanismes de régulation prévus par la loi. “Le Cnra n’a pas été saisi, ni consulté, alors qu’il s’agit de l’organe compétent en matière de sanctions contre les médias audiovisuels. Nous assistons à une ingérence directe du pouvoir exécutif dans le travail journalistique”, estime un proche du dossier cité par Rsf.
Le communiqué rappelle également que ces arrestations surviennent au lendemain de l’ouverture du Salon international des médias d’Afrique, un événement organisé par le gouvernement sénégalais pour célébrer la liberté de la presse et l’innovation médiatique sur le continent. Une ironie qui n’échappe à personne. “Ces méthodes de coercition contrastent violemment avec les discours officiels vantant le pluralisme et la liberté d’expression”, souligne Rsf.
Selon Rsf, le secret de l’instruction ne saurait lier le journaliste, encore moins justifier des arrestations ou des coupures arbitraires de médias. L’organisation rappelle que la liberté d’informer et le pluralisme des opinions constituent des principes constitutionnels au Sénégal, garantis également par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Sidy Djimby NDAO
(Correspondant permanent en France)













