Une belle victoire pour Bougane Guèye Dany. Le leader du mouvement Gueum Sa Bopp a été libéré par le tribunal de grande instance de Tambacounda. Relaxé au bénéfice du doute pour la rébellion et relaxé pour outrage à agent, il a été tout de même condamné à un mois de prison avec sursis pour refus d’obtempérer et une amende de 100.000 francs Cfa. Ce fut une longue journée pour celui qui va pouvoir débuter sa campagne dès aujourd’hui.
«Nous venons d’enregistrer une grande victoire. Le Pdg du groupe Dmedia et dirigeant du mouvement Gueum Sa Bopp est libre de tout mouvement. Le tribunal vient de relaxer deux fois Bougane : au bénéfice du doute pour la rébellion, relaxe totale pour outrage à agent ; mais il est condamné à un mois assortis du sursis pour refus d’obtempérer plus une amende de 100.000 F Cfa», a soutenu Me Elhadj Diouf juste après le verdict du tribunal de Tambacounda. L’avocat ajoute : «on a gagné parce que le procureur avait demandé 500.000 francs avec 3 mois ferme, ce qui l’aurait empêché de participer aux élections. Il y avait quelque part des instructions pour empêcher Bougane d’être candidat soit pour les législatives, les locales ou la présidentielle».
Déroulé du procès
Devant la barre du tribunal de grande d’instance de Tambacounda pour répondre des faits de refus d’obtempérer, rébellion et outrage à agent dans l'exercice de ses fonctions, Bougane Guèye Dany s’est défendu vaillamment. Interrogé, Bougane a déclaré avoir demandé au capitaine Ndoye de l'arrêter. "Dès lors, il ne peut pas y avoir rébellion. J'étais à 14 kilomètres de Bakel et le Président à 10 kilomètres après Bakel. Donc je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas me rendre à Bakel. Dès lors, j’ai trouvé l'ordre illégal", s'est-il défendu.
«C’est moi même qui ai demandé à être arrêté»
Durant tout le procès, Bougane n’a pas tergiversé sur ses déclarations/ «je reconnais pas les faits qui me sont reprochés. Je n’ai pas refusé de m’arrêter et les gendarmes l’ont bien mentionné dans le procès-verbal d’enquête», a-t-il affirmé. Sur le délit de rébellion, le patron du groupe Dmedia a tout rejeté d’un revers de main. «C’est moi-même qui ai demandé à être arrêté. J’ai dit aux gendarmes ‘’soit vous me laissez marcher vers Bakel, soit vous m’arrêtez’’. Le capitaine Momar Ndoye m’a répondu : ‘’puisque c’est ce que vous voulez, je vais vous arrêter’’. Et les pandores ont été très expéditifs. Pendant 3 minutes, j’ai été brutalisé», se plaint-il.
Me El Hadji Diouf de soutenir qu’il y avait une intention de le mettre aux arrêts. «Pourquoi n'ont-ils pas arrêté Thierno Bocoum et Anta Babacar Ngom ? Donc, votre arrestation était préméditée. Parce que vous êtes un homme qui dérange le régime actuel. Dans ce pays, les gens veulent être plus royalistes que le roi», dit-il.
Me Amadou Sall s’énerve contre le substitut du procureur…
L’autre avocat de Bougane, Me Amadou Sall, était très en colère hier contre le substitut du procureur au tribunal de grande instance de Tambacounda. Pour lui, le substitut du procureur empêche son client de répondre normalement aux questions posées depuis le début des débats d’audience. À l’endroit du juge, l’avocat a laissé éclater sa colère : «pourquoi, il ne le laisse pas s’exprimer ? Le procureur nous provoque. Il exagère. Il doit savoir que nous ne sommes pas des enfants. J’ai fait plus de 40 ans de barreau. Qu’il arrête de nous prendre pour des bambins. C’est parce qu’il n’a pas d’arguments qu’il ne cesse de troubler». Se tournant vers le parquet, il déclare: «vous voulez l’incident, vous l’aurez ! Je suis très poli d’habitude, mais là, je suis à bout». Cet incident a provoqué la suspension de l’audience.
Les témoins qui ont assisté à l’arrestation de Bougane Guèye ont été auditionnés. Les deux gendarmes témoins ont clairement dit qu’il n’y a jamais eu outrage à leur égard de la part de Bougane. Ce qui n’est pas le cas du capitaine Ndoye qui a immobilisé le cortège et qui a procédé à l'arrestation de Bougane. Le capitaine Ndoye dit avoir fait son travail pour préserver la sécurité du Président Bassirou Diomaye Faye. Me Diouf qui interroge le capitaine lui demande : ‘’qui a donné l'ordre d'arrêter Bougane?" ‘’C'est moi", a-t-il répondu.
Me El Hadji Diouf au Capitaine Ndoye : ‘’pourquoi vous ne lui avez pas immédiatement notifié son droit à l'avocat ?’’ Capitaine Ndoye lui répond : "ce n'est pas à moi de le faire. C'est l'Opj (officier de police judiciaire)." Une affirmation démentie par l’avocat. «C'est faux ! Est-ce que le jalonnement concernait l'axe Ourossogui-Bakel ?», continue d’interroger Me El Hadj Diouf le capitaine Ndoye. Ce dernier de répondre : «ceux qui viennent de Ourossogui on les arrête avant qu'ils n'entrent dans le dispositif sécuritaire du Président. Ce sont des mesures préventives».
Me Alioune Badara Fall: «vous avez l’occasion de montrer qu’il y a des juges dignes et chevronnés»»
Me Badara Fall a commencé sa plaidoirie en évoquant les magistrats qui sont affectés dans la région de Tambacounda par le nouveau régime. «Certaines personnes s’en réjouissaient, parce qu’elles considèrent cette localité comme un purgatoire. Aujourd’hui, avec ce procès, vous avez l’occasion de montrer au monde que Tambacounda fait partie du Sénégal et dans cette zone, il y a des juges dignes et chevronnés», a indiqué Me Fall en s’adressant au président du tribunal correctionnel de Tambacounda. Et de poursuivre : «aujourd’hui, pourquoi on refuse à Bougane Guèye Dany d’exercer son droit le plus absolu ? C’est un recul démocratique. Les gendarmes appelés à la barre à titre de témoins ont soutenu qu’ils n’ont pas été outragés. Pour les deux autres délits, notre client voue un respect inestimable à la gendarmerie. Donc, il ne peut pas refuser d’exécuter leurs ordres», a fait savoir le conseil du patron de Dmedia.
Poursuivant, l'avocat soutient que même Thierno Bocoum a aussi témoigné que Bougane Guèye Dany ne s’était pas rebellé et c’est ce qui ressort du dossier. «On nous dit que ce n’est pas un dossier politique, au regard des infractions qui sont retenues, mais je suis désolé de souligner que c’est un dossier purement politique», a-t-il soutenu. Me Badara Fall d’ajouter : «nous ne demandons pas la relaxe, mais le renvoi des fins de la poursuite sans peine ni dépens. Bougane Guèye Dany est un père de famille qui doit retourner chez lui. Ses enfants l’attendent. C’est un chef d’entreprise, un citoyen exemplaire qui a plus de 800 collaborateurs. C’est aussi un candidat aux élections législatives et il doit battre campagne. Si vous l’emprisonnez, comment va-t-il pouvoir le faire ?»
Le procureur charge Bougane Guèye Dany
Le réquisitoire du substitut du procureur a été, lui, sans appel pour Bougane Guèye Dany, car ce dernier a demandé une peine de prison de 3 mois et une amende de 50.000 F Cfa. En effet, le parquet s’est dit convaincu de la culpabilité du leader de Gueum Sa Bopp pour les chefs de prévention de refus d’obtempérer, de rébellion et d’outrage à agent dans l'exercice de ses fonctions. «Il faut que les décisions prises par ceux qui sont chargés d’assurer la sécurité soient respectées. À Semmé, le cortège est passé sans difficultés. Cependant, à Tourimé, les gendarmes lui ont donné l’ordre d’immobiliser leurs véhicules et Bougane Guèye Dany a refusé», a déclaré le ministère public. Avant d’ajouter : «le comportement de Bougane Guèye Dany est constitutif du délit de refus d’obtempérer puisque les deux agents étaient en tenue d’apparat. Il devait s’arrêter et respecter les instructions reçues. Concernant la rébellion, le capitaine lui a ordonné de ne pas franchir le périmètre de sécurité. Ce que Bougane Guèye Dany ne voulait pas accepter. Et, il y a eu des échauffourées».
À propos de l’outrage qui a été commis à Bondji, le maître des poursuites a fait savoir que le prévenu a répondu aux gendarmes en leur disant : «dites à vos supérieurs que je serai à Bakel’’. Cela veut dire que ‘’vous gendarmes, détenteurs de la force publique, avec vos armes et moyens qui ont été mis à votre disposition, je vais continuer ma route». En réalité, Bougane Guèye Dany a cherché à les humilier. Même devant la barre, il disait ‘’un petit gendarme m’a fait ceci, un petit gendarme a fait cela».
Le parquet d’ajouter: «c’est ainsi qu’il a forcé le passage avec violences et voies de fait. Puis, il y a eu des échanges de propos entre lui et les pandores alors que ses droits de prévenu n’ont pas été violés».
Samba THIAM