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FONDATEUR DU SYNDICALISME AUTONOME DES PARTIS POLITIQUES ET FAROUCHE ADVERSAIRE DU PRÉSIDENT ABDOU DIOUF : Mademba Sock conté comme jamais par ses camarades



FONDATEUR DU SYNDICALISME AUTONOME DES PARTIS POLITIQUES ET FAROUCHE ADVERSAIRE DU PRÉSIDENT ABDOU DIOUF : Mademba Sock conté comme jamais par ses camarades

 
Mademba Sock, fondateur du syndicalisme autonome au Sénégal, a bâti sa réputation lors de la célèbre grève de 1998 qui avait conduit tout le pays à un blackout total durant plusieurs heures. Une grève longue et dure qui a eu des répercussions dans tous les domaines d’activités. Politiquement, cette grève de 1998 avait contribué à la chute du régime socialiste après 40 ans de règne. Le pionnier de cette grève, l’ex SG du Sutelec, décédé à Paris le 15 juin dernier, fondateur de l’Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (Unsas), première centrale qui ne dépendait d’aucun parti politique, a révolutionné le mouvement syndical.
 
Né en 1959, Mademba Sock a commencé à se distinguer dès les années 1990 en tant que secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de l’électricité (Sutelec). « Mademba Sock est quelqu’un qui a vécu le mouvement syndical en plein. Il s’est beaucoup donné pour l’autonomie syndicale avec la création du Sutelec. C’est vrai qu’il a bâti sa réputation grâce à la grève du Sutelec de 1998. Cette grève a été le point nodal de sa maturation syndicale. Il a été candidat à la présidentielle de 2000 », témoigne Elimane Diouf, SG de la Confédération des syndicats du Sénégal, à l’annonce de son décès.
 
La participation responsable, … Sock a eu le courage de créer le Sutelec
Mais, le défunt SG de l’Unsas qui s’est beaucoup battu pour le syndicalisme a eu d’autres combats jamais contés et méconnus de la majorité des Sénégalais. « Pour la petite histoire, nous étions dans un cadre ou il y avait ce qu’on appelait la participation responsable qui était incarnée par la Cnts. Sock a eu le courage de créer le Sutelec. Par la suite, l’Unsas a été créée par le Sutsas, l’Uden, le Sntpt, le Saes et le Sutelec de Sock », se rappelle Cheikh Seck, porte-parole de la Fédération des syndicats de la santé. Pour mieux comprendre cet engagement de Sock à vouloir coûte que coûte changer le manteau du syndicat, il va falloir remonter dans l’histoire. Dans l’exercice du pouvoir, les socialistes étaient soutenus par une centrale syndicale unique, affiliée au parti et bénéficiant de tous les privilèges liés à cette posture : quota au Bureau politique, à l’Assemblée nationale, dans le gouvernement etc. Une telle situation connaîtra sa première fissure avec la reconnaissance du Parti démocratique sénégalais (Pds) en 1974, qui aussitôt va s’employer à mettre en place une nouvelle centrale syndicale alternative, l’Union des travailleurs libres du Sénégal (Utls).
 
En 1982, il s’est battu d’arrache-pied pour devenir le syndicat majoritaire au sein de la Senelec
 
En marge de cette organisation qui se voulait au départ une alternative à la Cnts, commencèrent à naitre des syndicats indépendants, évoluant en dehors des partis politiques. Ce fut le cas du Sudes et du Sdts, du Sutsas puis du Sutelec et du Sntpt etc. Ainsi va-t-on assister au début des années 80 aux premiers balbutiements unitaires, avec comme socle : le Sudes, le Sdts, le Sutsas et plus tard le Sutelec. Cheikh Seck précise : « il a été le père fondateur du mouvement syndical autonome au Sénégal. C’est un homme extrêmement engagé, extrêmement généreux dans le cadre des grands combats qui ont été menés. Il a été connu lorsqu’il y avait la coupure de courant ». Comme pour étayer Cheikh Seck, Pape Birame Diallo, chef du département du dialogue social et de la négociation de l’Unsas, est entré dans les détails pour exposer ses premiers pas. « En 1980-1981, date de création de la Sutelec née de la rupture avec la participation responsable pour se prendre en charge, c’est en février 1982 qu’il obtient le récépissé du syndicat. Il s’est battu d’arrache-pied pour devenir le syndicat majoritaire au sein de la Senelec. Il a succédé au camarade feu Oumar Bâ. C’est le démarrage du syndicalisme combatif. Il s’en est suivi quelques années plus tard la mise en place de la Confédération des syndicats autonomes (Csa) », nous append-il.
 
En 1990, naissance de l’Unsas, la naissance d’un nouveau syndicalisme
Son influence s’est rapidement étendue lorsqu’il a également pris la tête de l’Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (Unsas). « En 1990, les membres de l’Unsas ont pensé qu’il fallait aller vers la création d’une centrale en lieu et place d’un cadre d’unité et d’action qui a fait ses preuves mais également qui a montré ses limites. Il fallait un plus. C’est comme cela qu’en septembre 1991 l’Unsas a été porté sur les fonts baptismaux. Ces luttes entre autres : lutte contre les privatisations, défense des services publics de l’emploi du secteur postal et des télécoms, de l’électricité, de l’eau, etc. il a enregistré des ralliements d’organisations syndicales. Il a marqué une ligne de démarcation par rapport à la pratique syndicale d’alors sous la bannière de la participation responsable », informe son compagnon de guerre depuis les premiers moments de l’Unsas, M. Diallo.
 
Du blackout de 12 heures le 20 juillet 1998
 
Durant son mandat au Sutelec, il a été au centre de plusieurs conflits importants, notamment la grève de 1998, qui a conduit à un blackout national et à son emprisonnement pendant six mois. Malgré ces défis, il a continué à jouer un rôle crucial dans la défense des droits des travailleurs, s’opposant notamment à la privatisation de la Senelec. Cheikh Seck rappelle avec précision : « beaucoup pensaient que le problème c’était entre le Sutelec et la Senelec ou contre l’Etat. L’origine de la coupure, c’est la lutte que menaient les travailleurs de la santé et de l’action sociale qui étaient restés trois mois sans salaire. Non seulement l’Etat ne les écoutait pas, mais leur faisait des ponctions salariales. Certains se retrouvaient avec 20.000 F voire 15.000 F de salaire à la fin du mois. Et Sock, de par son courage, a pris ses responsabilités et a engagé l’Unsas. Pour vous dire la vision et la grandeur de cet homme. Il a toujours une avance dans ses combats », précise-t-il.
 
… à l’arrestation de Mademba Sock, 17 de ses camarades et 42 licenciements 
Et pour avoir la conscience claire et nette sur cette grève restée à jamais dans la mémoire des Sénégalais et dans l’histoire du Sénégal, il va falloir interroger Pape Birame Diallo, témoin oculaire de l’histoire syndicale de Sock. « En 1998, la Sutelec avait refusé catégoriquement la privatisation intégrale de la Senelec par l’Etat et a engagé l’épreuve fatidique qui a conduit le 20 juillet 1998 à une coupure. Il a pris sous sa responsabilité, en soutien aux camarades de la santé et vu son statut de SG de l’Unsas, de faire couper le courant, plongeant le Sénégal dans l’obscurité totale pendant plus de 12 heures. Ce qui a mis l’Etat dans tous ses états, annonçant l’arrestation de Mademba Sock et 17 de ses camarades avec 42 licenciements. Néanmoins, la lutte s’est poursuivie de manière farouche. L’Unsas a maillé le territoire national avec des séries de manifestations qui se sont intensifiées pour amener l’Etat à desserrer l’étau. Les camarades ont été libérés. Mademba plus deux autres ont pris six mois de prison et les autres ont subi un procès marathon ».
 
Et le gouvernement a accepté de négocier avec l’Unsas
Cependant, poursuit-il le témoignage : « ce qui a contraint le gouvernement à accepter de se retrouver autour de la table de négociation avec le Sutsas pour parapher un protocole d’accord de sortie de crise. Et pour faire face à la répression du régime, il fallait se retirer quelque part pour élaborer un plan pour pouvoir donner des consignes et continuer à mettre la pression sur le régime, en utilisant comme arme l’électricité qui est un enjeu majeur. Les camarades ont été libérés. C’est ainsi que Abdou Diouf a invité Mademba Sock à la table de négociation. C’est à cette date que le gouvernement a accepté de négocier avec l’Unsas sur les problèmes qui relèvent des secteurs essentiels et vitaux contrôlés par l’Unsas : l’électricité, la santé, l’enseignement supérieur, l’éducation, le secteur de la poste et des télécommunications. Le Président Diouf était obligé de dire à feu Madia Diop, SG de la Cnts, qui s’offusquait que le Président ait reçu Mademba : ‘’je suis obligé de négocier avec Mademba Sock parce qu’il représente une force syndicale’’ » se souvient avec fierté ce syndicaliste.
 
Samba Sy, Pit : « beaucoup de compatriotes sont dans l'ignorance de l'apport décisif dans des causes qui les transcendent »
 
Étant de l’opposition et marxiste de vision, Samba Sy du Parti de l’indépendance du travail (Pit) reconnaît un homme engagé et se rappelle de Mademba Sock. « Mademba Sock a eu à porter sa part de charge. Il a été un acteur important dans la vie sociale de notre pays. Il a aidé à engager et à mener des combats dont l'incidence sur l'évolution de notre pays fut significative... Beaucoup de compatriotes, ayant une perception séquentielle de l'histoire du Sénégal, sont dans l'ignorance de l'apport décisif d'hommes et de femmes qui, comme Mademba Sock, se sont, en des moments particulièrement exigeants, totalement investis dans des causes qui les transcendaient. Au nom d'un idéal ! », se rappelle-t-il.
 
« Diouf avait dit désormais, le 1er mai il reçoit la Cnts et trois jours après, c’est au tour de l’Unsas d’être reçue au palais »
Face à sa détermination et sa force syndicale, le Président Diouf se voyait obligé de le recevoir au même titre que Madia Diop à l’occasion de la fête du travail, le 1er mai. Ce que n’acceptait pas feu Madia Diop, selon le chef du département du dialogue social et de la négociation de l’Unsas qui explique : « c’est cette même année 1998 qu’il a participé à la Conférence internationale du travail aux côtés de membres du gouvernement. Diouf avait dit que désormais, le 1er mai il reçoit la Cnts et trois jours après, c’est au tour de l’Unsas d’être reçue au palais. Nous, on parlait de plateforme revendicative et non de cahiers de doléances. C’est nous qui étions les premiers à utiliser le concept plateforme revendicative, parce qu’on estimait que cahier de doléances était un terme galvaudé », dit-il.
 
La grève de 1999 pour l’augmentation salariale
 
Quelques mois plus tard, il s’illustre à nouveau dans un autre combat engagé pour l’augmentation des salaires des travailleurs. « 1999, il y a eu une grève pour l’augmentation de salaire à sa sortie de prison. Pour l’intérêt des travailleurs, il s’est mis aux côtés de la Cnts pour combattre la vie chère, pousser le gouvernement et le patronat à accepter des augmentations salariales. Malheureusement, l’intersyndicale s’est fissurée parce que certains ont accepté la compromission pour signer la proposition que nous avions jugée insignifiante », souligne Pape Birame Diallo.
 
Il participe à la présidentielle de 2000 sous la bannière de Frap
 
Visionnaire qu’il était, Mademba Sock, selon les témoignages recueillis, avait confié à ses camarades qu’il allait se présenter à la présidentielle de 2000 pour combattre le régime de Diouf. C’est ainsi qu’il a été investi sous la bannière du Front de rupture pour une alternative populaire (Frap). « Je ne me présente pas parce que je veux être président de la République mais si ce régime reste, cela veut dire que c’est la mort du mouvement syndical autonome, parce que les gens ne nous pardonneront jamais. L’objectif atteint, on a préféré ne pas transformer le Frap en parti politique et avions décidé de poursuivre le syndicalisme », témoigne-t-on.
 
Le réformateur s’en est allé
 
Après 27 ans à la tête du Sutelec, Mademba Sock a quitté son poste en 2018, cédant la place à Habib Aïdara. Il a justifié son départ par son âge avancé et la nécessité de renouveler la direction syndicale avec des figures plus jeunes. En plus de ses activités au sein du Sutelec, Mademba Sock a également été président de l’Organisation des travailleurs de l’Afrique de l’Ouest (Otao). Il a joué un rôle important dans les réformes du droit social ou droit du travail à travers des institutions comme la Caisse de sécurité sociale, l'Ipres et tout dernièrement l'Institut de prévoyance maladie interentreprises des travailleurs non permanents. Il était membre du Conseil économique, social et environnemental. Il avait le verbe facile et savait haranguer les foules. Dans le droit social, les réformes du code, loi 97-17 portant code du travail et de plusieurs conventions. La levée du corps du défunt syndicaliste est prévue ce jeudi à 10h à la mosquée toucouleur liberté 3 face police Dieuppeul.
Baye Modou SARR
 
 


 
 
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