Avec un taux d’échec de 99,30% chez les sages-femmes, la dernière session de certification en santé a provoqué une onde de choc dans le secteur. El Hadji Ndiogou Dione, Directeur de l’Institut de technologie médicale de Sébikotane, dresse un constat sans détour sur les causes de cette situation inquiétante, tout en pointant les responsabilités partagées et les solutions urgentes à mettre en œuvre.
Les Echos : Selon vous, monsieur le Directeur, pourquoi autant d’échecs cette année ? Était-ce prévisible ou est-ce une surprise ?
El Hadji Ndiogou Dione : Oui, les faibles taux de réussite à la certification en santé sont devenus, depuis quelques années, la règle. Par conséquent, il n’y a pas de surprise à ce niveau. Mais tous les directeurs d’école ont été stupéfaits en apprenant le nombre d’admises sages-femmes, avec un taux d’échec ahurissant de 99,30%. Cela a été une onde de choc chez tous les acteurs de la formation en santé, au point que, depuis lors, chacun essaie d’apporter une parcelle de réponse au pourquoi autant d’échecs. Il s’agira de faire une synthèse de toutes ces réactions et d’apporter une solution à la réaction la plus partagée, qui est : «plus jamais ça». Trouver une solution à ces résultats catastrophiques est devenu un impératif pour le monde de la formation en santé.
La formation dispensée est-elle adaptée aux exigences du métier et des examens ? Les moyens (formateurs, stages, équipements) sont-ils suffisants ?
La lourdeur des programmes de la Licence en Sciences infirmières et Obstétricales (Lsio) est souvent décriée. Il y a beaucoup de matières à apprendre. Certaines, comme la médecine, la cardiologie, la pneumologie en gros, les spécialités, devraient être supprimées pour alléger le programme des infirmiers, par exemple. Car les infirmiers, qui sont des paramédicaux, ne devraient pas être formés pour consulter comme les médecins. Ce qui est souvent le cas dans les postes de santé : inadéquation donc entre la formation reçue et les exigences du métier. Cependant, les établissements font tout pour terminer les programmes. Par ailleurs, il faut reconnaître que les formateurs ne sont pas tous formés en APC, qui est la démarche pédagogique en vigueur.
S’il est vrai que les stages cliniques sont déterminants dans la formation en santé, ils sont aujourd’hui bien améliorés avec le projet Aqsis. Même si tous les établissements ne respectent pas le nombre des 13 blocs de stages prescrits, des efforts sont fournis difficilement, il faut le dire. Certains acteurs pensent qu’il y a trop de stages, que les conditions du terrain ne sont pas toujours conformes aux normes édictées durant la formation à l’école, que le stage est coûteux en argent et en temps, et qu’il impacte négativement la formation théorique.
Les salles de travaux pratiques sont équipées, mais pas suffisamment. Il serait préférable d’avoir des centres de simulation que 3 à 5 écoles pourraient acquérir en mutualisant leurs moyens. Ces centres, bien équipés, pourraient remplacer les stages décriés ci-dessus.
Les épreuves étaient-elles conformes au programme ?
Je ne peux pas répondre.
Avez-vous constaté des dysfonctionnements dans l’organisation ?
Le choix des sujets, selon certains acteurs, n’est pas toujours adéquat. De même, selon toujours ces acteurs, le comportement des examinateurs n’est pas toujours exempt de critiques. Les taux de réussite, souvent inférieurs à 10%, alors que dans d’autres pays d’Afrique, ils peuvent aller jusqu’à 40%, indexent un système d’évaluation à revoir.
Qui est responsable, selon vous : les écoles, les étudiants, l’État ?
Tous responsables. Les écoles, dont l’organisation en collectif est à saluer car elles constituent une table permanente de concertation, mais dont l’encadrement pédagogique et administratif n’est pas encore bien structuré, et donc pas du tout efficace.
L’État, dès lors que la formation en santé est confiée à trois tutelles ministérielles, sans coordination claire et efficace, ni orientations bien définies. Tous les acteurs sollicitent impatiemment la convocation d’un conseil interministériel.
Les étudiants, avec un profil de départ où la faiblesse du niveau est souvent évidente. De même, l’exploitation du temps personnel de l’étudiant est souvent pauvre en cours de formation, avec une fréquentation peu assidue des bibliothèques physiques et numériques des établissements.
Le ministère assure-t-il un contrôle suffisant ?
Le contrôle ministériel n’est pas bien planifié. Les commissions de vérification administrative et pédagogique peuvent rester longtemps sans venir, et viennent souvent à l’improviste.
Quelles actions urgentes faut-il prendre pour améliorer la situation ?
La convocation, par les nouvelles autorités, d’un conseil interministériel, et de façon plus élargie, des états généraux de la formation en santé, qui regrouperaient tous les acteurs, devient une nécessité. Il faut aussi l’évaluation du dispositif d’évaluation par des experts en docimologie, pour une étude systématique de ces certifications.
Khadidjatou D.GAYE












