Après les révélations de «Les Échos» sur l’absence de suite donnée à la demande de géolocalisation des appels téléphoniques des disparus Didier Badji et Fulbert Sambou, l’avocat des familles des victimes est monté au créneau. Dans une déclaration publique, Me Patrick Kabou a dénoncé le silence et l’inaction des autorités compétentes, notamment de la gendarmerie nationale, en charge d’un volet crucial de l’enquête. Pour lui, ces manquements sont non seulement une entrave à la recherche de la vérité, mais aussi une insulte à la mémoire des victimes et à la douleur de leurs proches. L’avocat réclame des sanctions exemplaires contre les responsables de cette inertie et exhorte les autorités à agir rapidement pour que justice soit rendue dans ce dossier qui traîne depuis plus de deux ans.
Réagissant aux récentes révélations du journal «Les Échos» sur l’affaire Didier Badji et Fulbert Sambou, notamment sur la géolocalisation des appels téléphoniques, l’avocat représentant les familles des deux victimes a réagi avec une vive indignation sur les réseaux sociaux. Dans une publication Facebook, Me Patrick Kabou a dénoncé ce qu’il qualifie de «scandale gravissime et inacceptable».
Des manquements pointés du doigt
L’article de «Les Échos» a révélé que le magistrat instructeur avait, avant son départ pour une nouvelle affectation, sollicité une délégation judiciaire aux autorités de la gendarmerie pour retracer les appels téléphoniques des deux disparus. Cependant, cette demande n’a pas été suivie d’effet, ralentissant ainsi l’enquête.
Une demande de justice pour les familles
Pour l’avocat des familles, cet immobilisme est inadmissible, d’autant plus qu’il implique un manquement de la gendarmerie nationale, directement concernée par la disparition de l’un de ses membres, l’adjudant-chef Didier Badji. La robe noire accusera les autorités de la gendarmerie de n’avoir pas fait le travail qui leur avait été demandé, appelant à des sanctions contre les responsables de ce qu’il qualifie d’«obstacle à la manifestation de la vérité».
«Gravissime, scandaleux et inacceptable»
«Dans ce dossier, il faut comprendre donc, en nous basant sur cette information, que des autorités de la gendarmerie nationale, pour élucider la disparition d'un des leurs, n'ont pas fait le travail qui leur avait été demandé par le magistrat instructeur. Des sanctions doivent être prononcées contre ces derniers pour obstacle à la manifestation de la vérité dans le cadre d'une instruction judiciaire…», a posté Me Patrick Kabou, avec une capture de la Une de « Les Échos ».
Il y a quelques jours déjà, il saluait la sortie de Monsieur le ministre de la justice sur les affaires François Mankabou, Didier Badji et Fulbert Sambou. «Nous prenons acte et restons à l'écoute de la justesse de la justice. En République, il est important de rendre justice face à la prise délibérée et gratuite d'âmes innocents... La mort, par la main de l'homme est un crime. Le peuple sénégalais a le droit de savoir ce qui s'est réellement passé, les familles, de commencer leur deuil», avait alors déclaré l’avocat.
L’avocat a également évoqué la souffrance des familles, rappelant qu’elles sont privées d’explications depuis plus de deux ans, promettant que celles-ci entameront des démarches judiciaires pour faire avancer la procédure. «Les responsabilités doivent être situées et la famille posera des actes de procédure dans ce sens. C'est inadmissible et irrespectueux de la souffrance des familles», a-t-il martelé.
Il faut dire que l’indignation de l’avocat n’est que le reflet de l’impatience des proches des disparus, frustrés par la lenteur de l’enquête et par l’impression que la vérité est délibérément retardée. Depuis plusieurs mois, ils n’ont, en effet, cessé de dénoncer «les lenteurs incompréhensibles de l’enquête».
Avec ces nouvelles révélations, la pression s’accentue sur les autorités judiciaires et la gendarmerie pour relancer l’enquête. La ministre de la Justice, Ousmane Diagne, avait récemment assuré à l’Assemblée nationale que le dossier restait une priorité. Cependant, des actions concrètes sont désormais attendues pour retracer les appels téléphoniques et identifier les responsables des disparitions.
Les familles espèrent que le nouveau juge d’instruction, qui a hérité du dossier, saura impulser une avancée significative. L’enquête pourrait ainsi connaître un tournant décisif, à condition que les autorités répondent favorablement aux exigences du magistrat et des familles.
Rappel des faits de l’affaire Didier Badji et Fulbert Sambou
Rappelons que c’est le 18 novembre 2022, alors que la lutte politique était à son summum entre l’ancien président Macky Sall et Ousmane Sonko, alors chef de l’opposition, que l’adjudant-chef Didier Badji, membre de la gendarmerie nationale, et le sergent Fulbert Sambou, agent des services de renseignement sénégalais, disparaissent mystérieusement à Dakar. Quelques jours plus tard, le 23 novembre, le corps sans vie de Fulbert Sambou est découvert près de la plage de la Pointe des Almadies, dans des circonstances troubles. En revanche, Didier Badji reste introuvable à ce jour, malgré les recherches.
Les deux hommes étaient censés rentrer chez eux après une journée normale, mais leurs traces se sont perdues sans explication. Leur disparition a suscité des interrogations majeures, notamment sur leur éventuelle implication dans des affaires sensibles liées à leurs fonctions respectives. Cette hypothèse a alimenté des spéculations, certains accusant des membres influents du régime Sall de chercher à les réduire au silence.
Sidy Djimby NDAO