Lassés par l’absence de réponses concrètes des autorités, les syndicats de travailleurs des collectivités territoriales annoncent le dépôt d’un préavis de grève le 2 janvier 2026. Tout en réaffirmant leur volonté de préserver les populations, ils proposent une série de mesures urgentes pour corriger les inégalités salariales et statutaires qui minent la fonction publique locale.
Réunie pour faire le point sur la situation du secteur, l’Intersyndicale des travailleurs des collectivités territoriales du Sénégal, composée notamment du Sudtm, de la Fgts/B, du Sntcls, de la Cnts-Sutracols Fc, du Sutms et de l’Unsas, a dressé un constat sans concession : «le dialogue engagé avec l’État reste sans suite concrète, malgré des engagements formalisés dans plusieurs protocoles d’accord». Selon l’Intersyndicale, les agents des collectivités territoriales continuent d’exercer dans des conditions précaires, avec des salaires souvent inférieurs au minimum vital, alors qu’ils assurent des services essentiels aux populations. Une situation jugée d’autant plus injuste que, depuis mai 2022, les agents de la fonction publique de l’État ont bénéficié d’une revalorisation salariale dont les travailleurs des collectivités territoriales demeurent exclus.
Un préavis de grève comme ultime recours
Face à ce qu’elle qualifie de «défaillance dans la faisabilité des engagements de l’État», l’Intersyndicale annonce le dépôt d’un préavis de grève le 2 janvier 2026. Les responsables syndicaux précisent toutefois qu’il ne s’agit pas d’un choix de confrontation systématique. «Nous ne voulons pas reprendre la grève par crainte de faire revivre aux populations les mêmes souffrances», soutiennent-ils, rappelant que les mouvements d’humeur passés ont fortement impacté les services publics locaux. Mais, insistent-ils, le non-respect des protocoles d’accord rend la mobilisation inévitable. Le protocole signé le 14 mai 2025, comme celui du 15 juillet 2023, reste largement inappliqué, dénoncent-ils, évoquant une situation «écœurante et humiliante», marquée notamment par l’existence d’agents sans bulletin de salaire et sans enrôlement effectif dans le système de paie.
Au-delà de la menace de grève, l’Intersyndicale met en avant une série de propositions structurantes, qu’elle considère comme autant de solutions réalistes pour sortir de la crise. Parmi les principales revendications figure l’alignement «des primes de certains agents des collectivités territoriales sur celles des agents de l’État, conformément aux directives du ministère de la Fonction publique». Les syndicats réclament également «la modification urgente des décrets 2023-963, jugés responsables du maintien, voire de l’aggravation, des inégalités au sein de la fonction publique locale». Ils exigent, à ce titre, la convocation immédiate de la Commission nationale de la fonction publique locale, seule instance habilitée à se prononcer sur les questions statutaires et organisationnelles du secteur.
Financement, audit et statut, les leviers proposés
Sur le plan financier, l’Intersyndicale appelle «le ministère des Collectivités territoriales à mettre à disposition une enveloppe d’un milliard 600 millions de francs Cfa, destinée à accompagner les collectivités impactées par la revalorisation salariale». Elle demande parallèlement «l’arrêt des recrutements abusifs, qui portent atteinte aux droits légitimes des travailleurs en poste».
Les syndicats interpellent aussi le Centre national de la Fonction publique locale et de la Formation (Cnfplf) pour finaliser le recrutement des 1800 agents annoncés, assurer leur enrôlement dans la chaîne de paie, harmoniser la situation des nouveaux corps et procéder à un audit physique des effectifs. Cet audit est présenté comme un préalable indispensable pour disposer de chiffres fiables, réorganiser les statuts et permettre aux agents éligibles de bénéficier d’avancements et d’avantages au même titre que leurs homologues des autres fonctions publiques.
Vers une fonction publique locale unifiée
Enfin, l’Intersyndicale réaffirme «son attachement à la généralisation de la fonction publique locale, assortie d’un statut clair, en rupture avec le statut hybride actuellement en vigueur». Elle rappelle que «les articles 29 et 202 du Code des collectivités territoriales imposent la prise en charge et la polarisation de la revalorisation salariale au profit des agents locaux, au même titre que ceux de la fonction publique de l’État». Concernant les agents de santé, les syndicats soulignent que la revalorisation doit se faire selon les corps, sans exclusion injustifiée des agents non-fonctionnaires, victimes de nombreux dysfonctionnements administratifs.
Tout de même, l’Intersyndicale laisse ouverte la porte à une solution négociée. «Un protocole d’accord signé doit être respecté», martèlent les syndicats, qui espèrent encore éviter une paralysie du secteur, à condition que des actes concrets suivent enfin les promesses.
Baye Modou SARR










