Les résultats provisoires des élections législatives donnent trois députés seulement à Samm Sa Kaddu, mais ses membres ne semblent pas se décourager. En tout cas, Thierno Bocoum lui est bien décidé à poursuivre son combat d’opposant. L’ancien député de la XIIème législature dit respecter le choix des Sénégalais qui ont décidé de donner une majorité absolue à Pastef. Néanmoins, il craint que cette majorité ne soit utilisée par Ousmane Sonko pour faire face au Président Bassirou Diomaye Faye.
Les Échos : Les résultats provisoires des élections législatives commencent à tomber, comment les analysez-vous ?
Thierno Bocoum : Il y a une victoire nette du parti Pastef. Nous les félicitons pour cette victoire qui leur octroie une majorité absolue.
Qu’est-ce qui explique, selon vous, ce score de la coalition Samm Sa Kaddu ?
Nous espérions plus, mais nous sommes venus quatrième, après le Pastef, parti au pouvoir, Takku-Wallu, dirigée par le président de la République sortant, en l’occurrence Macky Sall qui a fait 12 ans au pouvoir, et Jamm ak Njarin de Amadou Ba qui a été deuxième à la dernière présidentielle. Notre positionnement est plutôt intéressant pour une coalition qui n’a pas encore bouclé ces 2 mois d’existence.
Pourtant, vous drainiez du monde lors de vos caravanes. Alors qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Nous n’avions pas eu assez de temps pour asseoir la coalition dans tout le pays et mieux communiquer sur le fonctionnement de l’inter-coalition. Il s’y ajoute que nous n’étions que dans 15 départements sur les 45 pour des raisons multiples liées surtout aux conditions de tenue des élections. Quoi qu’il en soit, nous sommes conscients de notre poids dans cette élection et des perspectives qui s’offrent à nous. Nous respectons, cependant, la décision du peuple qui a octroyé la majorité absolue au régime actuel.
Quand vous parlez de conditions de tenue des élections, vous faites référence à quoi exactement ?
Il s’agit d’une election anticipée. C’est dans ces conditions que la coalition Samm Sa Kaddu a été créée. Nous n’avions pas assez de temps pour mieux aborder les exigences liées aux élections législatives. Nos partis respectifs sont représentés dans les 45 départements, mais beaucoup de facteurs liés aux discussions sur l’inter-coalition et le dépôt des listes à la dernière minute nous ont défavorisés. Évidemment, si nous étions présents ne serait-ce que sur la moitié des départements, le résultat serait autre.
N’êtes-vous pas déçus, vous qui aviez réclamé durant toute la campagne la cohabitation ?
Nous avions un discours conséquent et cohérent. Le peuple sénégalais a fait son choix. L’heure n’est pas à la déception, mais plutôt à l’action. Continuer à convaincre et à jouer pleinement notre rôle d’opposition et de sentinelle de la démocratie et de l’Etat de droit.
Pour certains, vous étiez plus dans l’activisme lors de cette campagne, vous leur répondez quoi ?
Qu’ils nous expliquent d’abord ce qu’être dans l’activisme signifie. Nous avons mené une campagne tenant compte de l’identité de tout un chacun et de son tempérament. Nous sommes dans le cadre d’une coalition. Des propositions ont été faites tout comme des réponses à des attaques. Il ne faut pas oublier que nous avions été la cible privilégiée du régime actuel. Un des nôtres, en l’occurrence Bougane Guèye Dany, a été emprisonné sans aucune raison valable, le siège de Taxawu a été incendié, la rue abritant la maison de Barthélemy Dias envahie, nos cortèges attaqués et les membres de notre sécurité emprisonnés. Nous sommes face à un choix du peuple que nous respectons, mais ce qui devait être fait a été fait.
Maintenant, c’est quoi la suite pour la coalition Samm Sa Kaddu ?
Cette coalition sera maintenue en direction des futures échéances électorales.
En attendant, quelle sera l’attitude de Samm Sa Kaddu dans cette nouvelle Assemblée. Vous en avez discuté ?
Selon les pronostics actuels, nous aurons le plaisir d’avoir des représentants dignes à cette Assemblée en l’occurrence Barthélemy Dias, Anta Babacar Ngom et Cheikh Ahmet Tidiane Youm. Nous n’avons aucun doute sur le fait qu’ils auront un comportement conforme à leurs convictions et aux promesses de Samm Sa Kaddu. Maintenant, nous ne sommes pas dans le cadre d’un mandat impératif, mais plutôt dans le cadre d’un mandat représentatif. Ils y seront au nom du peuple sénégalais. Samm Sa Kaddu ne manquera pas de se concerter sur toutes les questions allant dans le sens de renforcer la coalition et de défendre les intérêts majeurs des populations.
Ousmane Sonko a obtenu une majorité plus que confortable. Comment voyez-vous le Sénégal pour les cinq ans à venir ?
J’ai des inquiétudes et j’espère que les actes qui les conforteront ne se réaliseront pas. La première inquiétude est qu’il se serve de la majorité Pastef pour faire face à un président de la République dont il a décrié publiquement la gestion lors de la campagne électorale. L’autre inquiétude est que cette majorité mécanique ne serve qu’à accompagner le pouvoir exécutif. Nous espérons que le rôle de représentant du peuple que doit jouer le député ne soit pas suppléé par un rôle de représentant de Pastef. Que la majorité ne tue pas l’initiative parlementaire en favorisant le parti et son chef.
Selon vous, Sonko doit garder son poste de Premier ministre ou aller à l’Assemblée ?
C’est au Pastef et à son président de traiter cette question.
Donc vous êtes de ceux qui pensent qu’il y a une dualité au sommet de l’Etat ?
C’est une réalité que les propos du Premier ministre durant la campagne ont confirmée. Quand on critique une gestion de l’Etat dont on est comptable en tant que Premier ministre en pointant du doigt le président de la République, cela veut tout dire. C’est bien une manière de le jeter à la vindicte populaire tout en dégageant ses responsabilités. D’ailleurs, nous avons vu tous ces chroniqueurs pro-Pm et certains de ses partisans qui se sont attaqués vertement au président de la République après les accusations de son Pm de gérer l’Etat dans la faiblesse. C’est une sortie irresponsable dont les tenants et aboutissants devront être surveillés de très près. Aujourd’hui, ils disposent d’une majorité confortable à l’Assemblée nationale, la seule chose qui est attendue d’eux est qu’ils se mettent au travail, qu’ils satisfassent aux besoins des populations et réalisent les promesses qui ont été faites.
Ndèye Khady D. FALL
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