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SIX TIRAILLEURS RECONNUS MORTS POUR LA FRANCE : Tout sur la requête du fils d’un tirailleur à la Cour européenne des droits de l’homme




 
Qui sont les six tirailleurs reconnus comme morts pour la France ? Qu’est-ce qui motive cette décision des Français et quel rôle a joué la Cour européenne des droits de l’homme dans cette affaire ? Pour que les choses bougent, il a fallu une pression énorme du fils d’un des tirailleurs reconnus morts pour la France qui avait saisi la Cour européenne des droits de l’homme et d’une historienne.
 
Mbap Senghor, Gora Ndour, Ndangom Ndiaye, Aliou Sène, Ibrahima Ndiaye et Duzaï Made sont les six tirailleurs reconnus morts pour la France, d’après l’Office national des combattants et des victimes de guerre. Cette annonce a suscité beaucoup de commentaires et la réaction du Premier ministre Ousmane Sonko. Une prise de position qui n’est pas anodine, si l’on se réfère à ce qui a poussé la France à reconnaitre que ces valeureux soldats sont morts pour leur patrie. En effet, c’est l’aboutissement d’une longue bataille politico-judiciaire, selon l’historienne lorientaise Armelle Mabon qui s’est lancée dans une quête ‘’acharnée’’ pour «réparer l’ignominie et l’injustice» faites à ces troupes coloniales pendant la guerre. Elle a même multiplié les procédures contre le ministère des Armées françaises pour réclamer l’accès aux archives sur cette affaire et «obtenir un procès en révision, pour les 34 survivants lourdement condamnés après la mutinerie».
 
 
Birame Senghor, ce héros
 
 
Mais il faut aussi rappeler que Birame Senghor, l’un des seuls descendants directs de victimes aujourd’hui âgé de 86 ans, n’a jamais baissé les bras. Ce dernier est le fils de Mbap Senghor dont la Cour européenne des droits de l’homme a enfin déclaré instruire sa demande le 1er juillet passé.
 
La requête qui va changer le cours de l’histoire
 
La requête concerne l’application des règles de prescription issues de la loi du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1945 portant fixation du budget général, à la créance dont se réclame le requérant, correspondant au solde des primes de captivité et de démobilisation dues à son père, M. Mbap Senghor, tirailleur sénégalais ayant servi la France, décédé lors des évènements qui se sont produits le 1er décembre 1944 au camp de Thiaroye (Sénégal).
Le 30 novembre 2014, le président français François Hollande a reconnu que les soldes et primes de captivité dues aux tirailleurs sénégalais n’avaient pas été versées par la France. Il salua «la mémoire d’hommes qui portaient l’uniforme français et sur lesquels les Français avaient retourné leurs fusils».
Saisi en 2018 de la demande d’annulation de la décision implicite de rejet de procéder au versement du solde des primes précitées, le Tribunal administratif de Paris, suivi par la Cour administrative d’appel de Paris, a considéré que le délai de prescription de la créance des ayants-droits de M. Mbap Senghor avait commencé à courir au plus tard à compter de l’année 1953 au cours de laquelle sa veuve avait eu notification de son décès, et que cette créance était donc prescrite.
Le Conseil d’État a rejeté le pourvoi du requérant par une décision du 5 avril 2023 ainsi motivée : «(...) Il résulte des dispositions citées au point 2 que l’article 9 de la loi du 29 janvier 1831 avait institué un régime de déchéance quadriennale dans le cadre duquel la prescription des créances détenues sur l’administration était acquise à l’issue d’un délai de quatre ans qui courait à compter de l’exercice auquel elles se rattachaient. En revanche, aucune des dispositions de ce texte ne prévoyait que la prescription ne courrait pas contre le créancier qui pouvait être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ou de la créance de celui qu’il représente légalement».
 En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit qu’en jugeant que les créances correspondant au solde de la prime de captivité et à la prime de démobilisation de Mme Senghor étaient prescrites à la date à laquelle ses ayants-droits ont saisi le juge administratif, en 2018, sans qu’ait d’incidence sur le cours de la prescription la circonstance que Mme Senghor  aurait été dans l’incapacité de connaître les conditions exactes du décès de son époux, la Cour administrative d’appel, qui a estimé que la prescription avait commencé à courir au plus tard à compter de l’année 1953 au cours de laquelle Mme Senghor a eu connaissance de sa qualité d’ayant-droit, le décès de son époux ne lui ayant été notifié que le 8 août de cette année, et dont l’arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit et n’a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis.
Invoquant l’article 6.1 de la Convention, le requérant s’est plaint d’une violation de son droit à d’accès à un tribunal au motif que son action a été jugée prescrite. Il soutient que les juridictions administratives ont apprécié trop strictement le point de départ du délai de prescription, sans prendre en compte notamment le fait que les créances litigieuses devaient être rattachées à l’exercice 2014, au cours duquel le président de la République a reconnu que les autorités militaires avaient refusé d’acquitter leurs dettes vis-à-vis des tirailleurs. Il considère également que cette appréciation est constitutive d’une violation de son droit à un recours effectif et du principe de sécurité juridique.
 
Samba THIAM
 
 
 
 
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