Les chercheurs du groupe de réflexion américain Stimson Center ont estimé dans un nouveau rapport que la Chine – le principal sponsor mondial des bateaux de pêche hauturière – pourrait prendre l'initiative de lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée en Afrique de l'Ouest. Selon le rapport, cette région perd 9,4 milliards de dollars par an à cause de la Pêche illégale, non déclarée et non réglementée (pêche INN), et ses défenseurs suggèrent que la majeure partie de cette perte est causée par les navires sous contrôle chinois. Ce rapport propose aux gouvernements des États d'Afrique de l'Ouest et de la République populaire de Chine des recommandations claires, concises et concrètes pour favoriser une gestion durable des pêcheries et lutter contre la pêche INN dans le Golfe de Guinée et au-delà. Le rapport indique que la situation est d’autant plus alarmante que le poisson est une source importante de protéines dans la région ouest-africaine, représentant par exemple 70% au Sénégal. Ce qui fait dire aux experts que les ressources halieutiques sont essentielles à la sécurité alimentaire, environnementale et économique de pays comme le Sénégal.
Selon un nouveau rapport établi par les chercheurs du groupe de réflexion américain Stimson Center, la Chine est le pays qui peut changer la donne de la Pêche illégale, non déclarée et non réglementée. Les résultats de du rapport comprennent un ensemble de recommandations claires, concises et réalisables destinées aux décideurs et parties prenantes ouest-africains et chinois. Le rapport offre une compréhension globale de l'ampleur de la pêche INN en Afrique de l'Ouest, y compris le rôle de la République populaire de Chine dans le développement de l'économie bleue durable de l'Afrique de l'Ouest. Armés de ce rapport, les décideurs ont identifié exactement comment améliorer les politiques, la mise en œuvre et les actions d’application pour atteindre l’objectif mutuellement bénéfique d’une économie bleue durable en Afrique de l’Ouest. Au cours de la dernière décennie, note le document, les navires de pêche lointaine appartenant à des Chinois et battant pavillon chinois ont étendu leur présence en Afrique de l’Ouest, notamment en créant des entreprises de pêche et en approfondissant les partenariats pour accéder aux eaux ouest-africaines. «Cette expansion rapide se produit dans une région composée de petits pays qui souffrent souvent d'un manque de capacité financière, technique, opérationnelle et institutionnelle pour gérer leurs pêcheries. Cette situation est aggravée par le manque de volonté politique pour améliorer la surveillance et la gestion des pêcheries. Pour approfondir ces défis, le Centre Stimson a engagé des experts de confiance en matière de pêche et de mer de la République populaire de Chine (RPC) et d'Afrique de l'Ouest afin de mieux comprendre comment les intérêts et les expériences de l'Afrique de l'Ouest et de la RPC en matière de pêche convergent et diffèrent», lit-on sur le document.
Le Golfe de Guinée abrite certaines des ressources halieutiques marines les plus riches au monde
Selon le rapport, des représentants du monde universitaire, des gouvernements, des entreprises et des organisations non gouvernementales ont identifié des domaines spécifiques dans lesquels davantage de travail et de coopération sont nécessaires pour parvenir à une gestion durable des pêches à long terme en Afrique de l'Ouest.
L’Afrique de l’Ouest, en particulier le Golfe de Guinée, abrite certaines des ressources halieutiques marines les plus riches au monde. S'étendant du sud du Maroc à l'Angola et à l'ouest du Sénégal jusqu'au Cap-Vert, les captures combinées de poissons déclarées dans la région en 2019 étaient estimées à 5.578.000 tonnes métriques. «Les upwellings du courant des Canaries et du courant de Guinée abritent d'importants stocks transfrontaliers de petites espèces pélagiques, d'espèces démersales, de céphalopodes, les crustacés et les thons. Les eaux riches en nutriments abritent également des habitats essentiels tels que les récifs coralliens, les herbiers marins, les mangroves et les environnements estuariens qui servent de frayères cruciales, de puits de carbone et de points chauds de biodiversité», lit-on encore sur le rapport.
Le poisson : 64% de l’apport annuel en protéines en Guinée-Bissau, 70% au Sénégal et 80% en Sierra Leone
Les ressources halieutiques soutenues par les courants des Canaries et de Guinée sont essentielles à la sécurité alimentaire, environnementale et économique de l’Afrique de l’Ouest, estime le document. En effet, précise le rapport, «le poisson est une source importante de protéines dans la région, représentant par exemple 64% de l’apport annuel en protéines en Guinée-Bissau, 70% au Sénégal et 80% en Sierra Leone», note-t-il, indiquant que «la pêche artisanale et, à petite échelle, le secteur de la transformation, après récolte, emploie directement plus de 1,7 million de personnes dans la région».
Possibilité aux navires étrangers de changer de pavillon pour devenir des navires nationaux
Le rapport de noter que la plupart des États en développement, comme le Sénégal, n'ont pas la capacité technique, opérationnelle, financière ou réglementaire nécessaire pour développer des flottes de pêche industrielle afin de cibler les stocks de poissons hauturiers dans leurs propres zones économiques exclusives (ZEE), celles de leurs voisins, ou en haute mer. Ainsi, dit-il, malgré le sous-développement des flottes commerciales locales, les pays continuent de bénéficier de leurs ressources halieutiques en vendant l’accès aux flottes étrangères. «Les accords d’accès étrangers en Afrique de l’Ouest prennent deux formes : les accords bilatéraux de gouvernement à gouvernement et les accords d’entreprise à gouvernement. La Chine, l’UE, le Japon, la Turquie, la Russie et la République de Corée ont demandé aux gouvernements ouest-africains d’autoriser leurs navires industriels battant pavillon de ces pays à pêcher dans leurs eaux territoriales en échange de revenus, notamment de loyers et de droits de licence. Les revenus varient entre les États côtiers et leurs partenaires», lit-on sur le document, qui rappelle qu’en 2015, la Sierra Leone a reçu un peu plus de 2 millions de dollars de frais d'accès de la part des chalutiers de fond battant pavillon étranger, tandis que la Guinée-Bissau et la Guinée ont reçu respectivement 97,7 millions de dollars et 103,2 millions de dollars. «Les accords présentent différents niveaux d'accessibilité à l'information publique ; Les accords de partenariat de pêche durable (SFPA) de l'UE sont disponibles en plusieurs langues en ligne dans la base de données juridique de l'UE. Il n'existe aucune information accessible au public sur les accords d'accès de la Chine, sauf si cela est mandaté par la participation d'un pays à une organisation tierce, telle que la Fisheries Transparency Initiative», ajoute le rapport.
Et d’indiquer que les accords d’accès à la pêche de certains États d’Afrique de l’Ouest permettent aux navires étrangers de changer de pavillon pour devenir des navires nationaux. En Mauritanie, par exemple, les navires nationaux paient des droits d’accès réduits et sont autorisés à pêcher le poulpe et d’autres espèces habituellement réservées aux ressortissants mauritaniens. «Les États d’Afrique de l’Ouest concluent également des accords bilatéraux d’accès à la pêche avec les États voisins qui permettent aux pêcheurs semi-industriels et artisanaux d’accéder aux zones de pêche transfrontalières. La Mauritanie et le Sénégal ont maintenu un accord bilatéral depuis 2001 qui permet aux pirogues sénégalaises de pêcher des petites espèces pélagiques dans les eaux mauritaniennes. Par le biais de l'Accord entre le gouvernement de Côte d'Ivoire et le gouvernement du Sénégal dans le domaine de la pêche maritime (1977), par exemple, les thoniers ivoiriens et sénégalais se voient accorder des droits de pêche réciproques dans leurs ZEE respectives», rapporte encore le communiqué.
Sidy Djimby NDAO










