Le président de la République a pris hier la décision de limoger l’ensemble des membres de la Commission électorale nationale autonome (Cena), chargée de superviser l’élection de février 2024. Ces derniers, venaient d’ordonner, il y’a quelques jours, la réintégration du candidat d’opposition et président de l’ex Pastef Ousmane Sonko dans le processus électoral. Macky Sall a par la même occasion nommé l’Inspecteur général d’Etat à la retraite Abdoulaye Sylla et le magistrat à la retraite Ndary Touré, respectivement président et vice-président de la Cena. Une décision qui passe aux yeux de l’opinion comme des représailles à l’endroit de Doudou Ndir et son équipe, qui avaient ordonné à la Direction générale des Elections (Dge) de remettre au mandataire de Ousmane Sonko des fiches de parrainages en prélude à la présidentielle de 2024.
La Commission électorale nationale autonome (Cena) accueille de nouveaux membres. La décision vient du président de la République, Macky Sall, qui a nommé par décret n°2023-2152 de ce vendredi 3 novembre 2023, Abdoulaye Sylla et Ndary Touré, respectivement président et vice-président de ladite organisation.
« Le président de la République a nommé, par décret n°2023-2152 du 3 novembre 2023, les nouveaux membres de la Commission électorale nationale autonome (Cena), à l’expiration des mandats des membres sortants. Le chef de l’Etat a par ailleurs nommé Monsieur Abdoulaye Sylla, Inspecteur général d’Etat à la retraite, et Monsieur Ndary Touré, magistrat à la retraite, respectivement président et vice-président de la Commission électorale nationale autonome (Cena) », rapporte un communiqué de la présidence de la République.
Alioune Tine : « il s’agit d’une décision politique claire : Sonko ne participera pas à la présidentielle de 2024 »
Mais s’il est vrai que le président de la Cena Doudou Ndir a terminé son mandat depuis des années, depuis des années des Sénégalais, notamment la société civile et certains médias, n’ont cessé de demander son départ, sans succès, tant et si bien qu’ils ont fini de se faire à cette illégalité et à cette transgression. Alors qu’il a été limogé quelques jours après avoir pris une décision qui ne faisait pas l’affaire du camp politique du président, l’on se demande naturellement s’il faut crier au scandale ou s’il faut tout simplement dire « mieux vaut tard que jamais ».
« Le problème, c’est la manière et le moment. Et c’est ce qui donne l’impression d’un mélange des genres, de l’existence d’une hyper-régulation assumée par un hyper-président, ça ne rassure pas du tout. Nous réitérons notre appel à une concertation globale de la dernière chance pour un consensus minimal pour une présidentielle transparente et apaisée. C’est dans l’intérêt du président de la République Macky Sall et dans l’intérêt du Sénégal. Ce pays par les temps de tempête a absolument besoin de calme et de stabilité », regrette le président d’AfrikaJom, Alioune Tine, disant qu’« il s’agit d’une décision politique dont le contenu est clair : Sonko ne participera pas à la présidentielle de 2024. »
En effet, il a fallu que la Cena prenne une décision sur la question des fiches de parrainage de Sonko que la plupart des observateurs apprécient comme conforme à la loi et aux pouvoirs qui lui sont dévolus, mais qui semble contrarier à un très haut niveau pour que son patron Doudou Ndir soit immédiatement viré.
Quand l’Union Européenne alertait sur les membres de la Cena « hors mandat »
Les 12 membres de la Cena sont nommés par le président de la République parmi des « personnalités indépendantes (...) connues pour leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité », selon l’Article L.7. Ils sont nommés pour une durée de 6 ans (et renouvelables par tiers tous les 3 ans). Dans un rapport final d’une Mission d’observation, l’Union Européenne soulignait qu’au moins quatre des membres de la Cena seraient en place depuis plus de 6 ans. Le président de la Cena lui-même était en poste depuis 2009. « Cet état de fait est un facteur supplémentaire de dépendance des membres de la Cena vis-à-vis du pouvoir exécutif », notent d'ailleurs les observateurs de l’Union Européenne.
En termes plus simples, ces membres, parce que hors mandat, ne disposaient plus du privilège de l’inamovibilité, élément protecteur de leur statut, leur révocation pouvant intervenir à tout moment et l’extension indéfinie de leur mandat les plaçant de fait dans une position de vulnérabilité incompatible avec l’autonomie qu’exige l’exercice de leurs fonctions.
« Dans ces conditions, bien que disposant de prérogatives importantes, la Cena n’est pas en capacité d’en faire plein usage, comme le lui permet pourtant le Code électoral. Par ailleurs, la loi elle-même crée une expectative qui ne peut qu’être déçue dans la pratique, comme lorsqu’elle accorde à la Cena des pouvoirs d’injonction et de dessaisissement des autorités administratives défaillantes, pouvoirs qui ne semblent pas pouvoir être employés dans la pratique du fait des dispositions d’autres textes s’appliquant au droit commun des procédures administratives et que pour rendre possible l’usage de ses pouvoirs, il faille amender ces textes », avait encore noté la mission d’observation de l’Union Européenne.
Sidy Djimby NDAO










