La peine de 3 ans de prison ferme, c'est ce que risque Falla Fleur pour appel à l'insurrection ou actes de nature à compromettre la sécurité publique et les lois du pays, provocation directe à un attroupement non armé et non suivi d'effet, même s'il a dit au juge qu'elle n'avait aucune intention d'inciter les populations à sortir. Elle sera fixée sur son sort le 16 octobre prochain.
Si le juge du tribunal correctionnel de Dakar devant qui elle a comparu, hier jeudi 12 octobre, suit le procureur dans ses réquisitions, Falla Fleur risque 3 ans de prison ferme. Cette juriste de formation est renvoyée en police correctionnelle pour des faits d'appel à l'insurrection ou actes de nature à compromettre la sécurité publique et les lois du pays, provocation directe à un attroupement non armé et non suivi d'effet.
La militante du parti Pastef-Les Patriotes qui a passé 5 mois en détention préventive a été interpellée par les éléments de la Division des investigations criminelles le 29 mai 2023 suite à des publications qu'elle avait faites sur sa page Facebook. "Sachons une chose, le verdict du 1er juin dépendra de notre comportement. Ne rien dire, c'est ça l'humiliation. Maintien rek. Gatsa-Gatsa. Maintenir la résistance constitutionnelle. Si les vidéos et photos qui circulent sont avérées, la messe est dite", avait-elle écrit. Devant les agents interpellateurs et même devant le juge d'instruction, Falla Fleur a reconnu les avoir postés sur sa page Facebook. Ce sont les mêmes déclarations qu'elle a réitérées hier, à la barre du tribunal. "Les enquêteurs ont pris des posts et messages que j'ai publiés sur ma page Facebook. Alors que j'ai dit énormément de choses sur ma page. Ils ont pris les messages "Gatsa-Gatsa", "Dokh Mbok" et " Maintien rek". Ils m'ont demandé pourquoi j'ai dit ça" Le juge lui demande : "vous avez parlé de gatsa-gatsa qu'en est-il ? Comment l'expliquez-vous juridiquement ?’’ Elle explique : "c'est un mot wolof. Juridiquement c'est de la légitime défense. C'était le mot du moment. Selon moi, c'est de la légitime défense". Le magistrat revient à la charge et lui dit si on comprend bien, c'est par rapport à une riposte à l'agression, une légitime défense. Elle acquiesce.
Le procureur a indiqué pour sa part que les posts de Falla Fleur ont fait les choux gras de la presse dans un contexte particulier, même si elle soulignait que son intention n'était pas d'attiser le feu mais d'inviter les gens à résister. À la barre du tribunal, précise le parquet, elle a dit que Gatsa-Gatsa, c'est de la légitime défense, une réplique proportionnée à une attaque.
Ce mot prononcé dans un contexte particulier où la situation était électrique peut renvoyer à la loi du Talion, renseigne toujours le maître des poursuites. Il poursuit : "l'ensemble des propos tenus par la prévenue ne peuvent avoir sens que d'inciter les gens à résister contre sur ce qu'ils appellent une attaque disproportionnée. Et la gravité de ses propos, c'est que plusieurs attaques, pillages et manifestations ont été notés. Cela a poussé beaucoup de gens à organiser des manifestations non autorisées. On conçoit l'esprit funeste que ces écrits peuvent engendrer. Ces actes ont poussé les gens à la rébellion. Nous estimons qu'elle est coupable des faits qui lui sont reprochés. Et il faut la condamner à 3 ans de prison ferme".
Faisant partie du pool des avocats de la prévenue, Me Famara Faty indique : «elle n'a jamais invité personne à sortir. À la suite du verdict de l'affaire Adji Sarr/Ousmane Sonko, les Sénégalais sont sortis mais on ne peut pas faire le lien avec cette affaire", lance-t-il. À sa suite, Me Mame Coumba Kane a confié qu'il n'a jamais été prouvé qu'elle a posé des actes allant dans le sens à provoquer un trouble à l'ordre public. La robe noire estime que nous sommes en matière pénale et il faut des preuves pour entrer en voie de condamnation. "Je demande de la relaxer. Ce procès-là ne doit pas être le procès de la liberté d'expression. Cette dame-là n'a qu'une seule arme en tant que citoyenne sénégalaise, c'est la liberté d'expression. Ce qui est légal puisque c'est prévu par la législation", a-t-elle lancé.
Pour sa part, Me Abdoulaye Tall a affirmé que présentement, des gens sont en prison pour un simple émoticône. "Falla Fleur devait être décorée pour sa bravoure. Sa place n'est pas en prison", a asséné Me Tall. Son confrère, Me Michel Mahecor Diouf de renchérir en plaidant qu'elle soit renvoyée des fins de la poursuite sans peine, ni dépens. "On lui a collé un motif. On a concocté un cocktail empoisonné pour l'arrêter et ensuite la renvoyer en Correctionnelle. Ce cocktail a malheureusement privé la dame Fall de sa liberté depuis 5 mois. On a recoupé toutes ses publications pour en faire des actes de manœuvre à compromettre la sécurité publique. Ils ont parcouru sa page et tiré tout ce qu'elle a eu à publier. Elle est victime de sa popularité", selon Me Diouf.
Me Moussa Sarr : «le Gatsa-Gatsa n’est pas une infraction. C'est une expression wolof»
De son côté, Me Moussa Sarr a indiquant qu'en lisant cette ordonnance et la démonstration du juge, on devait rendre un non-lieu et non procéder à un renvoi en police correctionnelle. "Le parquet n'ayant aucune certitude malgré sa sévérité. Il demande 3 ans de prison ferme pour des faits inexistants. Le parquet n'a pas été en mesure de prouver le lien avec ses posts. Heureusement vous êtes juge des lois, c'est vous qui devez remettre les choses en place. Le contexte socio-politique ne peut prévaloir sur les textes dans un Etat de droit. Le parquet n’a démontré aucun fait. Il n'a fait qu'une démonstration sémantique sur le mot Gatsa-Gatsa. Ce n’est pas une infraction cette expression. C'est une expression wolof. C'est sa relaxe qui reste", a asséné Me Moussa Sarr. Délibéré au 26 octobre prochain.
Fatou D. DIONE









