La pauvreté est une problématique persistante qui influence de nombreux aspects de la société et de l'économie d’un pays. Au Sénégal, malgré les efforts consentis pour réduire la pauvreté, une bonne partie de la population continue de vivre dans des conditions précaires. L’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages au Sénégal révèle que les femmes chefs de famille s’en sortent plus que les hommes. Mieux, les ménages monogames sont moins affectés par la pauvreté que les polygames. Des régions comme Kédougou Sédhiou, Tambacounda, Kolda et Kaffrine très affectés par la pauvreté…
L'objectif principal de cette nouvelle édition de L’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (Ehcvm) est de fournir des données permettant de suivre et d'évaluer l’évolution de la pauvreté et les conditions de vie des ménages
Les résultats de l'Ehcvm 2021/2022 indiquent une légère baisse, de 0,3% du taux de pauvreté au niveau national entre 2018/2019 et 2021/2022 le faisant passer à 37,5%. Mais cela varie selon le milieu de résidence, Dakar urbain affiche un taux de 8,9% soit une légère hausse de 0,2 point de pourcentage. En revanche, dans les autres milieux urbains, le taux de pauvreté a légèrement diminué en passant de 29,9% à 29,7%. Concernant le milieu rural, il a baissé de 0,3% par rapport à 2018/2019. Les contributions absolues indiquent comment le niveau de pauvreté global se répartie entre les strates. Pour Dakar Urbain, sa contribution absolue à la pauvreté est de 1,9% contre 7,6% pour les autres milieux urbains et 28,0% pour le milieu rural. Par conséquent, le milieu rural contribue plus à la formation de la pauvreté.
L’extrême pauvreté a également enregistré une diminution, passant de 6,8% à 5,6%. La pauvreté est plus accentuée en milieu rural avec un taux de 53,3% contre 20,0% pour le milieu urbain. Au niveau régional, la pauvreté est plus accentuée dans les régions de Kédougou (65,7%), Sédhiou (64,4%), Tambacounda (62,8%) et Kolda (62,5%). Par contre, elle est moins importante dans les régions de Dakar (9,3%), Thiès (29,9%), Saint-Louis (37,3%) et Diourbel (37,4%).
Les femmes chefs de ménage pus épargnées…
Les personnes vivant dans des ménages dirigés par des hommes sont les plus affectées avec un taux de pauvreté de 42,0% contre 24,7% parmi les personnes vivant dans des ménages dirigés par des femmes. De plus, 41,0% des personnes vivant dans des ménages dirigés par des chefs âgés de 50 à 59 ans se trouvent sous le seuil de pauvreté. Il a été relevé que le taux de pauvreté est plus élevé chez les personnes dont le chef de ménage n'a aucun niveau d'instruction (44,9 %).
500.000 nouveaux pauvres
En termes d’effectifs, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a augmenté entre 2018/2019 et 2021/2022 dans toutes les strates principalement du fait d’un rythme d’évolution annuelle de la population plus rapide que celui de la baisse de la pauvreté. Cette situation a entraîné une augmentation totale, entre les deux périodes, de plus de 500.000 pauvres à l'échelle nationale. Cette évolution est plus prononcée dans les Autres Urbains, avec une augmentation de 147.305 personnes en situation de pauvreté, ainsi qu'en milieu rural, où 342.402 personnes supplémentaires sont devenues pauvres
Dynamiques de la pauvreté
La majorité des ménages (76,7%) s’est maintenu dans leur statut initial de pauvreté sur la période : environ 58,0% sont restés non pauvres et 18,7% sont toujours pauvres. A l’opposé, près d’un quart des ménages (23,3%) a changé de statut dont 11,8% ont basculé dans la pauvreté et un peu moins en sont sortis (11,5%)
Les régions les plus affectées : Kédougou, Sédhiou, Tambacounda, Kolda et Kaffrine
L’enquête met en lumière des disparités sur les niveaux de pauvreté et de consommation entre les différentes régions du Sénégal. La région de Dakar présente le taux de pauvreté le plus bas parmi toutes les régions du Sénégal (9,3%). Cela pourrait s'expliquer par le fait que Dakar est la capitale avec plus d'opportunités économiques et de facilité d'accès à l'emploi. Elle est suivie par la région de Thiès où trois individus sur dix (29,9%) vit sous le seuil de la pauvreté. La pauvreté touche plus les régions de Kédougou (65,7%), Sédhiou (64,4%), Tambacounda (62,8%), Kolda (62,5%), et Kaffrine (58,2%). Dans ces régions, plus de la moitié de la population, vit dans la pauvreté. En termes de dépenses de consommation, alimentaire et non alimentaire, elles sont plus élevées dans les régions de Dakar et de Thiès, s'élevant, en moyenne par jour et par personne, respectivement à 2360 F Cfa et 1 480 F Cfa. Elles sont plus faibles à Sédhiou et Kédougou où elles sont de l’ordre de 947 F Cfa et de 984 F Cfa respectivement.
La pauvreté selon l’âge du chef de famille et son sexe
L’enquête montre que l’incidence de la pauvreté est de 42,0% pour les individus vivant sous l’autorité de chef de ménage (CM) de sexe masculin, tandis que celle des individus vivant un chef de ménage féminin s’élève à 24,7%. Par ailleurs, il faut noter que les chefs de ménage de sexe masculin représentent 70% des ménages. L’analyse montre des différences selon certaines catégories d’âge du chef de ménage avec un taux de pauvreté plus faible chez les individus dirigés par un CM de moins de 25 ans (22,5%) ou de plus de 60 ans (33,1%). Il faut noter que les ménages dirigés par des personnes de moins de 25 ans représentent 0,3% de la population. Pour les ménages dirigés par un chef de ménage appartenant aux groupes d’âges intermédiaires, le taux de pauvreté est relativement identique. L’incidence de la pauvreté pour les catégories d’âges de 25 à 39 ans, 40 à 49 ans et 50 à 59 ans s’élève respectivement à 39,0%, 40,6% et 41,0%.
La pauvreté s’élève plus chez les polygames que les monogames
La répartition de la population sénégalaise selon l’état matrimonial du chef de ménage, en 2021/2022, fait ressortir que plus de la moitié (54,1%) vit dans des ménages dont le CM est monogame. Les personnes vivant sous l’autorité d’un CM polygame représentent 24,6% et celles étant sous l’autorité d’un chef divorcé ou veuf constituent 18,3% de la population. Les résultats de l’enquête révèlent que la pauvreté est plus accentuée dans les ménages dirigés par des polygames. Le taux de pauvreté de personnes vivant sous l’autorité d’un polygame étant de 46,6% contre 36,1% chez celles résidant dans des ménages dirigés par un monogame. Le niveau de pauvreté est moins élevé dans les ménages dirigés par un CM divorcé ou veuf (25,8%) ou sous tutelle d’un non marié (15,6%).
Par ailleurs, quel que soit l’état matrimonial du CM, les personnes dirigées par une femme restent moins confrontées à la pauvreté que celles dirigées par des hommes.
Quid des chefs de famille évoluant dans des secteurs primaires, secondaires ou tertiaires subissent le plus la pauvreté ?
La mise en parallèle de la pauvreté avec le secteur d’activité du chef de ménage montre que les ménages dont le chef travaille dans le secteur primaire sont plus impactés par la pauvreté. En effet, chez les ménages dirigés par des agriculteurs, l’incidence de la pauvreté de leurs membres s’élève à 67,5% et 49,4% pour ceux dont le CM s’active dans l’élevage et la pêche. Ensuite, s’ensuivent les ménages dirigés par des chefs s’activant dans le secteur secondaire. Dans ce secteur, la pauvreté est plus élevée pour les personnes vivant sous l’autorité d’un chef exerçant dans les BTP (8,1%) que pour celles dirigées par un chef travaillant en industrie (12,2%). Quant aux individus des ménages dont le chef travaille dans le secteur tertiaire, ils constituent plus de la moitié de la population (54,7%). Le taux de pauvreté chez les ménages dirigés par des CM exerçant dans le commerce, le commerce qui concentre plus de personnes, est estimé à 27,6%. Les personnes sous l’autorité d’un chef travaillant dans l’hôtellerie et la restauration sont moins touchées par la pauvreté. Les ménages des CM exerçant dans le tertiaire contribuent néanmoins à hauteur de 30,5% à la formation de la pauvreté chez les ménages dont le CM a une occupation.
Samba THIAM