Un réseau bien organisé de vente clandestine de produits médicaux a été neutralisé par la Division spéciale de cybercriminalité (Dsc) à Dakar. Derrière une façade anodine à Fass Delorme, se cachait une véritable entreprise illégale, dotée d’un entrepôt géant, d’un centre d’appel de 25 agents et de millions de francs Cfa générés. Une affaire qui met en lumière la vulnérabilité des jeunes face aux emplois douteux et le danger croissant du commerce illicite en ligne.
Un réseau illégal d’une ampleur inquiétante vient d’être démantelé à Dakar par la Division spéciale de cybercriminalité (Dsc). Dans un bâtiment discret du quartier de Fass Delorme, à deux pas de l’établissement Amadou Hampâté Ba, les enquêteurs ont mis à jour une plateforme sophistiquée de vente non autorisée de médicaments et de compléments alimentaires, opérant à travers les réseaux sociaux et les messageries instantanées.
C’est une alerte numérique qui a mis la puce à l’oreille des services de cybersécurité. En épluchant des contenus diffusés en ligne, les agents de la Dsc ont repéré des publicités suspectes faisant la promotion de produits médicaux via un numéro de contact. Les investigations ont rapidement démontré qu’il s’agissait d’un réseau de vente clandestine, opérant en dehors de tout cadre légal et mettant potentiellement en danger la santé publique.
Un bâtiment au cœur de l’opération
Avec l’accord du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Dakar, une enquête a été ouverte. Elle a mené les enquêteurs jusqu’à un bâtiment R+1 entièrement dédié à cette activité illicite. À l’intérieur, ils ont découvert un entrepôt massif rempli de médicaments, aphrodisiaques, compléments alimentaires non homologués, mais aussi articles hétéroclites : jouets, montres, chaussures, gadgets électroniques. Aucun de ces produits n’était soumis à un contrôle réglementaire ni à des normes sanitaires.
Plus surprenant encore : un centre d’appel de plus de 25 employés y fonctionnait à plein régime. Chaque agent, équipé d’un ordinateur et d’un téléphone, contactait les clients, validait les commandes et organisait les livraisons. La plupart étaient de jeunes adultes, recrutés pour un salaire modeste de 90.000 F Cfa par mois. Beaucoup affirment n’avoir eu aucune connaissance du caractère illégal de leur emploi.
Une structure bien huilée mais illégale
Interpellés sur place, les principaux responsables ont reconnu leur implication. Le stockiste C. Ba a confirmé travailler pour le compte d’une société appelée Cod In Africa, dirigée par un certain Ayoub, absent lors de l’opération. Il a également avoué avoir remis récemment 18 millions de F Cfa à un intermédiaire. D’autres membres de l’organisation, impliqués dans la logistique et l’administration, ont tenté de se disculper en évoquant l’exécution d’ordres dont ils ignoraient les conséquences juridiques.
Une tentative de corruption a été enregistrée durant l’intervention : une enveloppe de 500.000 F Cfa a été proposée à des agents de la Dsc pour étouffer l’affaire. Le montant a été saisi et transmis au parquet.
Des produits dangereux pour la santé publique
L’Agence sénégalaise de réglementation pharmaceutique, saisie par réquisition, a confirmé que les produits retrouvés dans le local ne figuraient sur aucune liste officielle d’autorisation. Certains, selon l’agence, peuvent entraîner des effets secondaires graves, voire irréversibles. Il s’agit donc d’un véritable scandale sanitaire évité de justesse.
Les cinq individus arrêtés font désormais face à une batterie de chefs d’accusation : mise en danger de la vie d’autrui, exercice illégal de la pharmacie, blanchiment d’argent et tentative de corruption.
Des emplois-pièges pour une jeunesse vulnérable
Au-delà des poursuites judiciaires, ce dossier met en lumière un phénomène préoccupant : la montée des réseaux criminels qui exploitent le chômage des jeunes pour masquer des activités illégales. Les offres d’emploi proposées sont souvent attractives, postes stables, environnement de bureau, outils modernes, mais cachent une réalité bien plus sombre. Les jeunes employés, souvent sans formation juridique ou médicale, deviennent involontairement les maillons d’une chaîne criminelle.
Appel à la vigilance
Cette affaire, aussi spectaculaire que troublante, doit sonner l’alarme pour les chercheurs d’emploi comme pour les autorités. Il devient urgent de renforcer les contrôles sur les offres d’emploi non déclarées et de sensibiliser les jeunes aux risques liés aux structures non enregistrées. Car derrière une simple annonce peut se dissimuler une opération criminelle aux conséquences dévastatrices, tant pour la santé publique que pour les carrières de ceux qui y prennent part sans le savoir.
Baye Modou SARR












