Tous les Sénégalais se rappellent de l’affaire Yavuz Selim et la bataille qui s’en est suivie pour la fermeture de l’école pour des affaires politico diplomatiques. Ce groupe qui a vu tous ses établissements scolaires fermés en 2017 par l’Etat du Sénégal sur demande du gouvernement turc avait fait un tollé. Pourtant, le même procédé a été employé par le Japon qui a envoyé des émissaires au Sénégal pour détruire les relations entre la Fédération des femmes pour la paix mondiale fondée par les dirigeants de l’Eglise de l’unification et deux écoles qu’elle avait construites dans notre pays.
Il faut préciser que la secte Moon, appelée officiellement Fédération des familles pour la paix mondiale et l’unification (en anglais Family Federation for World Peace and Unification, FFWPU) est une organisation religieuse à caractère sectaire fondée en Corée du Sud en 1954 par Sun Myung Moon. Cette organisation religieuse s’est aussi implantée au Japon.
Tout est parti de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe en 2022. L’assassin a avancé comme motivation pour son crime qu’il avait l’intention de punir Abe pour sa collaboration avec la Fédération des familles, une organisation religieuse qu’il détestait, a-t-il affirmé, parce que sa mère a fait faillite en 2002 après ses dons excessifs au groupe.
Après le crime, une vieille campagne a été relancée par des avocats et d’autres personnes hostiles à la Fédération des familles, principalement pour des raisons politiques, car ils en voulaient depuis des décennies à son soutien fructueux à des initiatives anticommunistes. On a prétendu que la Fédération des familles était une organisation antisociale. Des conférences de presse et une campagne médiatique de diffamation sans précédent ont suivi, jusqu’à ce que le gouvernement décide de demander la dissolution de la Fédération des familles en tant qu’organisation religieuse.
Une chasse aux sorcières qui étend ses tentacules au Sénégal
Entre-temps, une chasse aux sorcières a commencé au Japon contre les membres de la Fédération des familles et des organisations qui lui sont liées, en commettant des actes de discrimination interdits par la Constitution japonaise et les droits de l’homme. Un exemple typique concerne la Fédération des femmes pour la paix mondiale (WFWP), une Ong qui bénéficie depuis plus de vingt-cinq ans du statut consultatif général auprès du Conseil économique et social des Nations-Unies (Ecosoc). Le «statut consultatif général», que la WFWP a reçu en 1997, est différent du «statut consultatif spécial» accordé à des milliers d’Ong. Le statut consultatif général est relativement rare. Il est accordé après une enquête approfondie, selon les règles de l’Ecosoc, à «des Ong internationales assez importantes, établies et ayant une large portée géographique», qui ont apporté «des contributions substantielles et durables» aux objectifs des Nations-Unies dans «plusieurs domaines».
Il semble que la persécution et la vendetta politique du Japon contre le WFWP se soient désormais étendues au Sénégal, selon Moriko Hori, la présidente du WFWP Japon. D’abord, elle fait la genèse de l’implantation de WFWP au Sénégal qui, depuis 1995, gère une école de formation professionnelle appelée «JAMOO1» à Dakar pour soutenir l'indépendance financière des femmes. WFWP a délivré des certificats du gouvernement sénégalais à la fin du programme aux étudiantes. Grâce à ce certificat, les diplômées ont pu créer leur propre entreprise. Pour celles qui n'ont pas pu créer leur entreprise immédiatement après l'obtention de leur diplôme, WFWP a géré le magasin de formation «Salon de couture JAMOO» pour leur permettre d'acquérir une expérience sur place. Grâce à ses efforts, JAMOO1 a été reconnu comme faisant partie des «Meilleures pratiques des Objectifs du Millénaire pour le Développement» par l'Ecosoc des Nations-Unies en 2008.
En 2017, l’Organisation pour la Paix des Femmes avait reçu environ dix millions de yens d’où la construction de JAMOO2 qui a commencé à fonctionner comme une deuxième école professionnelle de WFWP au Sénégal.
En novembre 2022, raconte la dame, lors de la réunion de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants du Japon, le membre du Parti communiste japonais, Keiji Kokuta, a attaqué le ministère des Affaires étrangères en déclarant : «c’est un problème grave que l’argent des impôts des Japonais ait été donné à une école gérée par une organisation affiliée à la Fédération des familles (Église de l’unification). Cet argent doit être remboursé.» En réponse, le ministère des Affaires étrangères du Japon a insisté sur le fait que l’école était un projet du gouvernement japonais.
Il a alors commencé à interférer non seulement dans la construction mais aussi dans le fonctionnement de l’école. Le ministère a également exigé que le directeur de JAMOO2 coupe tous les liens avec WFWP Japan. Le ministère japonais des Affaires étrangères a ensuite dépêché des envoyés spéciaux au Sénégal pour enquêter sur les liens éventuels entre JAMOO2 et l'Église de l'Unification.
Le directeur de l'école a été prié de faire retirer les photos de JAMOO2 du site Web de WFWP Japon car le Parti communiste et d'autres partis d'opposition les utilisaient pour attaquer l'ambassade du Japon et le ministère des Affaires étrangères. De plus, les envoyés spéciaux ont déclaré que ces photos causeraient également des problèmes à JAMOO et à WFWP, et qu'ils voulaient donc qu'elles soient supprimées. Plus tard, lorsque le Parti communiste a accusé le Premier ministre Kishida, lors de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, d'avoir accordé une subvention gouvernementale à WFWP, le gouvernement a expliqué que le ministère n'avait aucune connaissance du lien entre le projet JAMOO et WFWP.
Une pression énorme sur les épaules du directeur de l’école
Depuis que le Parti communiste japonais a lancé sa campagne contre l’école, le personnel de l’ambassade du Japon a appelé le directeur de l’école à plusieurs reprises pendant des heures pour lui poser des questions sur les relations entre le WFWP et JAMOO2. Le ministère des Affaires étrangères du Japon a envoyé des émissaires de Tokyo pour enquêter sur le bâtiment de l’école, à la recherche de toute trace du WFWP. De plus, les émissaires ont mené des entretiens avec le directeur, les enseignants et même avec les élèves. Le directeur a été invité à fournir toutes sortes de documents. Au total, le personnel de l’ambassade et les émissaires ont visité l’école sept fois. La directrice n’était pas sûre de la raison pour laquelle on lui posait autant de questions. Elle était terrorisée par l’attitude agressive des émissaires. Ils ont énuméré de nombreux problèmes que l’Église de l’Unification a rencontrés au Japon, notamment l’assassinat de l’ancien Premier ministre Abe par un «membre de la deuxième génération de l’Église de l’Unification» (ce qui n’était bien sûr pas vrai : l’assassin n’a jamais été membre de l’Église), et ont déclaré que l’Église devait être éradiquée du Japon. Ils ont déclaré qu’il était impensable que JAMOO2 et le gouvernement japonais puissent entretenir des relations avec la WFWP, qu’ils ont qualifiée de «façade de l’Église de l’Unification».
En raison des enquêtes incessantes et des pressions, le directeur était dans un état critique, tant mentalement que physiquement, et a été hospitalisé pendant une semaine selon Moriko Hori. Le personnel de l’ambassade du Japon au Sénégal a déclaré : «Il s’agit simplement d’apaiser les critiques du Parti communiste et de l’opinion publique japonaise et non de confisquer l’école. Si le directeur de l’école accepte les changements demandés par le ministère, il n’y aura plus de discussion sur JAMOO à la Diète du Japon.» Selon le personnel de l’ambassade, le ministère des Affaires étrangères a été épargné par le «parti d’opposition» (c’est-à-dire le Parti communiste) à la Diète parce que WFWP Japon a supprimé toute trace de son association avec JAMOO sur Internet. En réponse aux attaques du Parti communiste, le ministère des Affaires étrangères du Japon a déclaré que le ministère n’avait pas accordé de subvention à WFWP mais à une organisation locale de femmes au Sénégal. Suite à cette déclaration, le ministère a demandé à JAMOO2 d’effacer toute trace du WFWP de l’école. A Tivaouane Peulh les images et écriteaux sur la façade du bâtiment de JAmoo ont été complétement effacées.
Samba THIAM