Il a fini par se faire entendre des Sénégalais. Boutikou Laye, de son vrai Abdoulaye Thiam, a dressé dans une chanson sa «liste noire» des personnes qui contribuent à la promotion des contrevaleurs au Sénégal. Pawlish Mbaye, Rangou, Mbathio, Eumeudy Badiane, Ameth Thiou, Adamo, Niang Xaragne Lo, Pape Mbaye, 10.000 problèmes, les filles de «Tous Tassar», Ouzin Keita, la danseuse Ndèye Ndiaye, les deux comédiens Dudu et Ngor, Kounkandé, les députés qui s’insultent, Oumaro, Mo Gates… Tous ne sont pas des exemples et font partie de la médiocrité au Sénégal, selon Abdoulaye Thiam. Une sortie très osée….
Les Echos : Pourquoi avoir intitulé la chanson «Liste Noire» ?
Boutikou Laye : «Liste Noire», c’est juste pour dénoncer la promotion de la médiocrité au Sénégal. Aujourd’hui, il y a des gens qui sont au-devant de la scène et on les voit partout sur les réseaux sociaux. A la base, leur travail aurait dû être de sensibiliser et d’éveiller la jeunesse, parce qu’avoir ou faire le buzz, c’est une responsabilité. Ils doivent utiliser cette notoriété à bon escient, au moins pour l’amour de Dieu, car on ne sait pas pour quelle raison le Seigneur les a choisis pour être au-devant. Les jeunes sont en train de les suivre un peu partout, donc ils doivent en tenir compte. Mais les jeunes ne doivent pas regarder ceux qui ne sont pas des exemples. J’ai voulu dénoncer tout cela, raison pour laquelle j’ai sorti «Liste Noire». Ce sont des gens à bannir sur les réseaux sociaux. Toute personne qui a une visibilité doit se concentrer sur des choses qui peuvent être bénéfiques pour sa communauté. Tous ceux que j’ai cités ne font pas des choses dont la jeunesse peut être fière.
Ne craignez-vous pas des représailles venant de ceux que vous avez cités ?
Une personne m’a appelé par rapport à cette liste noire et les éventuelles représailles, mais je lui ai dit que le Prophète Mouhammad (Paix et Salut Sur Lui) même a reçu des invectives. Aujourd’hui, si tu es sur le droit chemin, tu vas en pâtir et tu vas entendre n’importe quoi. Mais je dirais la vérité, quitte à ce que l’on me tue. Je n’ai pas peur de le dire. Quand j’écrivais cette liste noire, je ne calculais personne.
On dirait qu’avec la toile, vous avez résumé les problèmes du Sénégal…
Au Sénégal, si tu veux savoir les maux qui gangrènent notre société, il faut juste surfer sur internet. Ceux que j’ai cités doivent se taire parce que nous sommes arrivés à un moment où ceux qui doivent parler se sont tus. Si on devait continuer avec cette liste noire, le son allait être kilométrique. Si cela ne tenait qu’à moi, je n’allais jamais citer ces gens dans une chanson jusqu’à les mettre dans une liste noire, mais si vous regardez la vidéo, je parle à des enfants pour les éveiller et leur dire que ces gens-là ne sont pas des exemples. Les porteurs de voix doivent dénoncer cette médiocrité qui n’a pas sa place dans notre société.
Pourquoi n’avez-vous pas cité ceux qui méritent l’attention de la jeunesse sénégalaise ?
Aujourd’hui, si je devais donner des exemples, je vais dire aux gens de se référer à la chanson «Référence» de Books de Sen Kumpe. Il a cité des gens qui ont travaillé pour ce pays et qui méritent une promotion. Il fut un temps où les chansons étaient comme des leçons de vie, mais aujourd’hui, on parle de sexe et autre. Parce qu’il y a des enfants qui veulent être des musiciens, donc mieux vaut les sensibiliser et leur montrer ce qu’ils doivent faire.
Quelle est l’histoire de Boutikou Laye ?
J’étais un rappeur avant d’être un boutiquier. En fait, la véritable histoire, c’est la boutique de ma mère que je gère avec fierté. Il n’y a pas de sous métier dans la vie. D’ailleurs, une personne qui me suivait à travers mes vidéos et la notoriété que j’ai récoltée sur les réseaux sociaux ne m'imaginait pas derrière un comptoir. Cette personne s’est comportée d’une manière honteuse et j’ai compris qu’elle me sous-estimait en me voyant derrière ce comptoir. C’est là que je me suis dit qu’il y a des gens qui se transforment en agresseurs parce qu’on ne valorise pas leurs métiers, parce que les Sénégalais les regardent avec un œil différent. Donc c’est un challenge que je me suis fixé, c’est-à-dire faire mes vidéos à partir de la boutique et Dieu merci. Moi, je suis l’actualité. Je me suis rendu compte qu'il y a tellement de personnes qui écoutent le rap, surtout la jeunesse ; donc il va falloir les informer. Si on ne le fait pas, il y a d’autres qui vont le faire d’une manière qui ne va pas nous plaire.
Samba THIAM