L'armée israélienne a mené vendredi des raids aériens massifs, ciblant des sites nucléaires et tuant plusieurs hauts gradés de la République islamique, dont son chef d'état-major et le principal dirigeant des Gardiens de la révolution. Cette attaque massive de Tsahal perpétrée contre l’Iran peut constituer un tournant majeur dans la région du Moyen-Orient. Ce bouleversement des très fragiles équilibres de la région pourrait entraîner des répercussions substantielles dans une large partie du monde. Avec l’entrée en production de son pétrole, le Sénégal ne peut plus se permettre d’observer la géopolitique énergétique mondiale en spectateur, alors que les tensions flambent au Moyen-Orient. Ce nouveau statut exige vigilance, stratégie et repositionnement diplomatique.
Le vendredi 13 juin, Israël a exécuté une série de frappes aériennes ciblant l'Iran, affirmant avoir attaqué une centaine de sites, y compris des installations nucléaires. Selon l’agence de presse Nour News, 78 personnes ont été tuées et 329 blessées. L’opération baptisée « Rising lion » ou « Lion Dressé » qui a permis de tuer plusieurs hauts gradés de la République islamique, dont son chef d'état-major et le principal dirigeant des Gardiens de la révolution, fait référence à un passage de la Bible. Comme nous l'expliquent nos confrères de Reuters, elle provient du verset 23:24 du livre des Nombres, le quatrième livre de la Bible qui dépeint les événements survenus entre la sortie d'Égypte et l'arrivée en Terre promise.
En réponse, l’Iran, à travers les Gardiens de la Révolution, a indiqué dans un communiqué que ces attaques « ne resteront pas sans réponse et Israël doit s’attendre à une vengeance sévère et regrettable ». Téhéran a également lancé « environ 100 drones en direction du territoire israélien », a affirmé le porte-parole parole de l’armée israélienne, précisant quelques heures plus tard que l’armée a commencé à les intercepter en dehors du territoire israélien.
Depuis le mois de juin 2024, date historique marquant le début de la production pétrolière à Sangomar, le Sénégal a franchi un cap décisif : celui de producteur d’hydrocarbures. Un changement de statut qui ne vient pas seul. Car dans un monde toujours plus interdépendant, cette nouvelle réalité énergétique fait désormais du Sénégal un acteur exposé, concerné et potentiellement vulnérable face aux soubresauts du marché mondial de l’or noir. Et à cet égard, jamais les tensions au Moyen-Orient n’auront été aussi proches de Dakar.
Le conflit latent entre Israël et l’Iran, les attaques de plus en plus fréquentes des Houthis contre les navires marchands en mer Rouge, la militarisation croissante du détroit d’Ormuz et les risques de blocage de Bab el-Mandeb constituent une menace directe contre la fluidité du commerce mondial. Or, ces corridors maritimes par où transite près d’un tiers du pétrole mondial sont vitaux non seulement pour les grands exportateurs comme l’Arabie Saoudite, mais aussi pour les producteurs émergents comme le Sénégal, qui doivent acheminer leur brut vers les marchés internationaux via des routes de plus en plus périlleuses.
L’impact est double. D’abord économique : toute perturbation des routes maritimes provoque une flambée des prix du pétrole, dont le Sénégal peut espérer tirer des revenus accrus à court terme. Mais cet apparent bénéfice cache une face plus sombre. Le pays reste massivement dépendant de l’importation de produits pétroliers raffinés (gasoil, essence, kérosène), dont les prix suivront également cette hausse vertigineuse. L’augmentation du coût de l’énergie alimente mécaniquement l’inflation et fragilise les ménages et les secteurs productifs.
Ensuite, l’impact est diplomatique. Un pays producteur de pétrole ne peut plus se contenter d’une position de neutralité passive face aux grandes crises géopolitiques. Le Sénégal doit désormais développer une diplomatie énergétique proactive, capable d’anticiper les secousses du marché, de diversifier ses débouchés, et d’intégrer la défense de ses intérêts dans les grandes enceintes régionales et multilatérales.
Il est temps pour Dakar de renforcer ses capacités d’analyse géostratégique, de s’insérer activement dans les forums africains sur l’énergie, de nouer des partenariats logistiques alternatifs pour ses exportations, et surtout, de bâtir une doctrine diplomatique claire sur les grands équilibres du Golfe et du Proche-Orient. Car ce qui se joue à Sanaa, Téhéran ou Tel-Aviv peut avoir demain un impact sur les recettes de Petrosen, sur les subventions à l’énergie, et sur le panier de la ménagère à Kaolack ou Ziguinchor.
Le Sénégal doit aussi parler d’une voix ferme pour défendre la liberté de navigation maritime, principe fondamental du commerce mondial, et appeler à une désescalade militaire dans la région. Il ne s’agit pas de prendre parti dans un conflit, mais d’affirmer, avec constance et clarté, que la stabilité du Moyen-Orient est aujourd’hui une condition de la stabilité économique du Sénégal. Le pétrole n’est pas qu’une ressource. C’est un levier de puissance, mais aussi une source d’exposition. Le Sénégal entre dans une nouvelle ère, où il lui faut penser comme un pays producteur, agir comme un État stratège, et parler comme une puissance régionale. La neutralité ne suffit plus. Elle doit devenir lucide, active et orientée par les intérêts nationaux.
Mais au-delà des considérations énergétiques, le Sénégal est aussi concerné politiquement et historiquement par la situation au Moyen-Orient, en particulier dans le conflit israélo-palestinien. Depuis 1975, il préside le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien à l’Onu, un organe clé dans la défense des droits du peuple palestinien sur la scène diplomatique internationale. Ce rôle symbolique et diplomatique, souvent peu mis en avant ces dernières années, engage le Sénégal à une responsabilité morale et politique : celle de porter une voix de justice, de dialogue et de paix. Dans un contexte où les bombardements sur Gaza, les exactions en Cisjordanie et les représailles militaires déstabilisent toute la région, le Sénégal ne peut rester silencieux. Il doit réactiver cette tradition diplomatique d’équilibre, d’engagement en faveur du droit international, et de solidarité avec les peuples opprimés.
Cette responsabilité historique refait aujourd’hui surface dans le débat national, à travers des voix de plus en plus audibles appelant à un repositionnement ferme du Sénégal face aux exactions israéliennes. Le mouvement Frapp, dirigé notamment par le député Guy Marius Sagna, a publié un communiqué sans ambiguïté, appelant à la rupture des relations diplomatiques avec « l’État génocidaire d’Israël », qu’il accuse de pratiquer une épuration de masse en Palestine, de mener des bombardements impérialistes en Iran, en Syrie et au Liban, et de se poser en bras armé de l’impérialisme occidental.
À l’image de la campagne mondiale d’isolement de l’Afrique du Sud de l’apartheid, le Front pour une révolution anti-impérialiste, populaire et panafricaine (Frapp) milite pour que le Sénégal prenne part à l’isolement diplomatique d’Israël. Une position tranchée qui soulève une interrogation de fond : jusqu’où le Sénégal est-il prêt à aller pour être en accord avec ses propres principes diplomatiques et ses engagements historiques en faveur des peuples opprimés ?
Sidy Djimby NDAO












