l’excellent travail de Dakaractu qui a éventé le «deal»



 
 
Il y a maintenant une semaine, la Russie lançait une offensive pour « dénazifier » l'Ukraine. Une opération qui s’annonce désastreuse pour ce pays de l’Europe de l’Est qui ne doit, pour l’heure, compter que sur ses propres forces contre un adversaire plus robuste.

Décidé à se battre contre la Russie, le président Volodymyr Zelensky a mis sa tenue de chef de guerre et n’en finit plus de booster ses troupes. Il n’empêche, le chef de l’État ukrainien ne dit pas non à un appui extérieur pour contenir les assauts russes. C’est dans ce registre qu’il faut inscrire son appel du 27 février dernier à l’endroit des européens et des étrangers souhaitant combattre aux côtés des forces régulières ukrainiennes. « Si vous avez une expérience de combat et que vous ne voulez pas regarder l’indécision de vos responsables politiques, vous pouvez venir dans notre pays pour défendre l’Europe », a-t-il déclaré.

Depuis, des européens se mobilisent pour répondre à cet appel qui transcende le vieux continent. Postée sur la page de l’ambassade d’Ukraine à Dakar, la demande de soutien du président Zelensky a enregistré des réponses favorables…de sénégalais.  Le constat a été fait par l’activiste Idrissa Fall Cissé dont le post sur Twitter a été pris par beaucoup d’internautes sénégalais pour une blague de mauvais goût.

Vérification faite, il s’est avéré qu’une dizaine de personnes dont nous ne sommes pas sûrs qu’elles soient toutes sénégalaises ont manifesté leur volonté de prendre les armes pour défendre l’Ukraine. Dakaractu s’est rapproché de certaines d’entre elles. 


 

M. S. : «Tout ce que je sais de la guerre, je l'ai appris à l'école...»



 
«Oui, je suis prêt à partir», assume M. S. Il affirme avoir été convaincu par le discours prononcé par le président ukrainien à l'intention des pays de l'Union européenne et au terme duquel, il aurait même versé des larmes. Questionné sur ses réelles motivations, il s’accroche sur la nécessité de secourir les populations civiles. «Il faut penser aux innocents qui sont en train de payer le prix (sic)», argue-t-il. Appelons le Moussa. Lorsqu’il a vu les premières images de l’invasion russe, le maçon de profession s’est fait une religion. « C’est une injustice que le peuple ukrainien est en train de subir », nous confie-t-il au bout du fil. Comme Moussa, B. G est prêt à avaler plus de 5000 kilomètres pour défendre l’Ukraine.
Malgré cet engagement dont la sincérité est difficile à mesurer, ces deux citoyens sénégalais sont en deçà des critères requis pour aller au front. Ils reconnaissent n’avoir eu aucune formation militaire. «Tout ce que je sais de la guerre, je l’ai appris à l’école et c’était l’histoire de la première guerre, de la deuxième et de la guerre froide », assure B.G. Ce handicap qui risque de le disqualifier d’office ne dissuade pas pour autant l’« étudiant » doublé d’un « bijoutier». «En répondant à l’appel de la France, les tirailleurs n’étaient pas performants en armes. Mais ils ont libéré l’Europe», s'accroche-t-il à son désir d’aller sauver l’Ukraine des griffes de Poutine.

De son côté, M. S avoue avoir été initié au maniement des armes. « J’ai fait tout ce que je devais faire monsieur », ajoute-t-il tout en refusant de laisser échapper quoi que ce soit sur sa sélection ou non par l’ambassade d’Ukraine.

Sous le message posté le 27 février à 17 heures 13 minutes, un formulaire a été mis à la disposition des candidats du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, de la Guinée Bissau, de la Guinée Équatoriale, du Gabon et du Libéria. Ces derniers doivent renseigner plusieurs champs allant de leur adresse email, à leurs prénoms et nom, à leur expérience militaire et à leur situation financière. Sans doute, c’est une manière pour l’ambassade de faire le tri car ils ne manqueront pas de propositions fantaisistes mues uniquement par la volonté de migrer en Europe. Pourtant, tous les candidats avec lesquels nous avons discuté nient avoir cette idée derrière la tête. « S’il s’agissait seulement de ça, je serai parti il y a longtemps. J’ai les moyens de partir où je veux monsieur», se défend M. S alors que Moussa soutient qu’il gagne bien sa vie. Que de paroles en l’air ? Nous ne disposons pas d’assez d’éléments pour en juger.
 

36 candidatures sénégalaises enregistrées
 

Quelles que soient les raisons avouées ou cachées, l’engouement montré par les candidats enchante l’ambassadeur d’Ukraine au Sénégal. Yurii Pyvovarov révèle dans un entretien accordé ce mercredi 2 mars à Dakaractu que «nous avons reçu 36 candidatures de la part des sénégalais». Ce qu’il trouve «agréable et positif». 

Cependant, il précise que tout ce beau monde composé exclusivement d'hommes dont certains avec des expériences militaires, ne sera pas pris. «Actuellement, les services compétents ukrainiens sont en train de travailler pour scanner chaque profil afin d’éviter les infiltrations de personnes indésirables », assure le diplomate selon qui, ce travail prendra « deux ou trois jours». 

Ceux qui seront retenus à l’issue de cet exercice seront envoyés en Ukraine à travers des points de passage bien identifiés. Ils seront utilisés selon le besoin exprimé sur place et leurs compétence. L’ambassadeur n'écarte pas une possible rétribution financière. «Pour le moment, j’ignore le niveau de rémunération, mais je pense qu’ils seront rémunérés», croit savoir le diplomate, ajoutant dans le même sillage que les survivants pourront même prétendre à la nationalité ukrainienne. Mais tout ceci ne semble pas revêtir d’importance pour M. S. «Je veux être parmi les héros dont l’histoire retiendra qu’ils ont libéré l’Ukraine», idéalise «l'électrotechnicien».



«Je veux être parmi les héros qui ont libéré l'Ukraine»

Par ailleurs, l’ambassadeur a tenu à lever le voile sur le caractère transparent de cette démarche. « Nous avons publié cet appel sur notre page Facebook. Nous avons aussi distribué l’information au niveau officiel, au ministère des affaires étrangères et un peu partout. Tout le monde est au courant», tente-t-il de rassurer. 

Nos tentatives de faire réagir les autorités sénégalaises se sont révélées sans suite. Mais, la seule évocation d’un enrôlement de sénégalais, fut-il pour un noble combat rend nerveux les services de renseignement généraux. «C’est une source d’inquiétude», nous a soufflé un des leurs. La dernière fois que des ressortissants sénégalais se sont mobilisés pour rejoindre une cause à l’extérieur, ils ont donné du fil à retordre aux services de sécurité.
 
 
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