ZATOR MBAYE, RESPONSABLE DES JEUNES DE BBY: «Ousmane Sonko a réalisé un score très honorable. Je l’invite à discuter avec le président de la République et à être associé à l’exercice du pouvoir…»



 
Le patron des jeunes de la coalition Bby n’est nullement surpris par le score de Macky Sall à la présidentielle. Pour lui, le profil du chef de l’Etat sortant, son programme et son bilan ont fait la différence auprès des Sénégalais qui l’ont plébiscité. S’offusquant de l’attitude des opposants qui ont rejeté les résultats er refusé de féliciter le chef de l’Etat, il y voit un manque d’élégance. Mais il adoube bien un des candidats perdants, Ousmane Sonko. Pour lui, ce dernier a fait un score honorable pour une première participation. Mieux, Zator Mbaye invite le leader de Pastef à répondre à un éventuel appel du chef de l’Etat, pour l’intérêt du pays. Satisfait du score dans les zones contrôlées par l’Afp, le camarade de Niasse milite pour un renforcement de la coalition présidentielle qui, pour lui, doit aller au-delà de 2024.
 
 
 
Les Échos : Le président Sall vient de rempiler. Quelles sont vos premières impressions par rapport à sa réélection ?
 
Zator Mbaye : Je le félicite d’abord. Et je félicite tous les camarades de Bby qui, depuis 2012, se sont inscrits dans une logique linéaire de vainqueur.  Toutes les élections qui se sont succédé au Sénégal ont été remportées de haute lutte par Bby, que le président a eu le mérite de garder, de fortifier, de renforcer et d’encadrer. Ce qui a permis aujourd’hui d’avoir une coalition qui, bien qu’hétérogène sur le plan des composantes, est homogène sur le plan de la vision et de l’action. J’ai l’habitude de dire que ceux qui votent ne sont pas nos militants. Ce sont les Sénégalais qui sont chez eux, qui analysent les programmes, qui analysent les profils. Le président a eu un plus par rapport à ses challengers. Il est assis sur un bilan très élogieux dans tous les domaines. De même, son programme est plus alléchant et mieux travaillé. Plus 58%, et triplant le score du second, ça prouve que les Sénégalais ont été très lucides. 
 
 
Il y a tout de même un bémol. Les candidats battus refusent de reconnaître les résultats et accusent le président Sall de confiscation de la volonté populaire…
 
Je m’en tiens à ce qu’a dit le président Demba Kandji. Il a dit que tous les représentants des candidats ont siégé au moment du dépouillement. Et que les résultats publiés n’ont été que la résultante de ce qui s’est passé dans les bureaux de vote, où chaque candidat avait des représentants. Pour moi, il n’y pas de problème. Au Sénégal, on a dépassé l’ère de confisquer ou de tripatouiller des résultats.  Ils le savent d’ailleurs eux-mêmes. La preuve, aujourd’hui, ils disent qu’ils ne reconnaissent pas les résultats, mais il n’y a aucune action qui va dans le sens d’une contestation formelle de ces résultats. La chute est claire et nette. 
 
 
 
Le fait que les opposants ne félicitent pas le président, n’est-ce pas aussi une tache noire sur sa victoire ? 
 
La tache ne pourrait être vue que de leur côté. Pour moi, c’est même une élégance démocratique que de féliciter son challengeur vainqueur. Et je ne doute pas qu’ils vont le faire dans les prochains jours. C’est le lieu pour moi de les inviter à oublier cette parenthèse de l’élection présidentielle et de s’inscrire dans la dynamique de la construction nationale. Ousmane Sonko a réalisé un score très honorable. Je crois qu’il a aussi des idées qu’une partie des Sénégalais a approuvées à travers sa personne. Je l’invite à discuter avec le président de la République et j’invite le chef de l’Etat à l’associer à l’exercice du pouvoir si possible.  
 
Sonko associé à l’exercice du pouvoir ?
 
Si ce n’est pas possible, qu’il puisse au moins arrêter les diatribes et comprendre que nous sommes dans un moment important de construction nationale. Au moins d’ici 5 ans, qu’on puisse voir le président discuter avec les principaux opposants. Et je crois que ce ne serait que bénéfique pour le pays. 
 
Votre pouvoir a été aussi très virulent avec Sonko. Est-ce que cette attitude milite en faveur d’un rapprochement ?
 
Non, c’est tout à fait le contraire. Parce que personne n’a encore entendu le président de la République attaquer Sonko. C’est plutôt lui qui a souvent attaqué notre régime, souvent même en donnant des informations pas totalement vérifiées. Et ça lui arrive très souvent. Mais quoi qu’il en soit, je pense qu’il pourrait apporter quelque chose dans ce que va faire le président de la République dans les 5 prochaines années. Parce que tel que je connais le président Macky Sall, c’est un homme d’ouverture, un homme très courtois. Dans la limite du possible, je pense qu’il peut travailler en parfaite osmose avec quelqu’un comme Ousmane Sonko, dans l’intérêt exclusif du pays.
 
 
On a vu également que Macky Sall a eu de très bons scores dans les zones contrôlées par des alliés, notamment le Ps et l’Afp. Comment voyez-vous cela ?
 
C’est naturel. L’Afp a été le premier parti à choisir le président Macky Sall comme candidat, en mars 2014, même avant l’Apr. Et depuis lors, l’Afp s’est toujours investie pour que ce résultat soit réalisé. Aujourd’hui, dans nos principaux fiefs, vous verrez que le président a réalisé un score très honorable. Nous avons voulu être cohérents avec nous-mêmes, et reconnaissants envers le président de la République qui a confié l’une des responsabilités les plus importantes du pays à un allié (Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale). Et par rapport à cela, il méritait que tout le parti soit autour de lui. Et je pense que cette coalition mérite qu’on la fortifie davantage, pour les prochaines joutes électorales qui se profilent à l’horizon.
 
 
 
Justement, on sait que le président est à son dernier mandat ; est-ce que cela ne pourrait pas poser des problèmes de positionnement, qui au final auraient raison de Bby ?
 
 Nous, à Bby, notre objectif, c’est que jusqu’en 2035, celui qui dirige le Sénégal soit issu de notre coalition. Naturellement, une coalition aussi grande que Bby, ne manquera pas de heurts, de remous. C’est normal. Mais vous le remarquerez avec nous, les politologues et météorologues politiques avaient depuis longtemps prédit la fin de Bby, mais jusqu’à présent, Bby reste encore une coalition très forte, très soudée.
 
 
Donc si je vous comprends bien, l’Afp est pour un prolongement du bail avec Bby, au-delà de 2024 ? 
 
Nous ne sommes pas dans une logique de pouvoir annoncer la mort de Bby. Personne ne sciera la branche sur laquelle il est assis.  Nous avons tous intérêt à ramifier Bby. C’est déjà une réalité forte au niveau de nos leaders. Le parachèvement de cette organisation, naturellement, pourrait avoir lieu dans le second mandat.
 
 
A votre avis, quels doivent être les principaux chantiers de ce second mandat ?
 
Dans ce 2èmemandat, le président, à mon avis, devrait plus stabiliser le pays et donner de réponses plus concrètes aux jeunes. Le chef de l’Etat a fait énormément de choses pour les jeunes, mais malheureusement, le portage politique manque. C’est inédit, un président élu qui déroule son dernier mandat. Personne ne sait ce qui se passe dans sa tête.  Mais Macky Sall est un homme d’une grande intelligence, d’une grande expérience et qui ne cède jamais au chantage. C’est un homme qui sait où il va, et vous verrez dans les prochains jours, qu’il indiquera la direction qu’il prendra. 
 
 
 
La question de la dissolution de l’Assemblée nationale et le couplage des législatives avec les locales de décembre 2019 est agitée. Êtes-vous pour ou contre ?
 
Je ne peux pas trop m’avancer sur le sujet, parce que je considère que le débat n’est pas encore posé, du moins, de manière formelle. C’est une idée que Me Aïssata Tall Sall a fait jaillir. Naturellement, au moment d’en parler, c’est sûr que les autorités en discuteront et prendront toutes les dispositions et décisions nécessaires. Mais nous ne sommes pas encore à ce stade. Nous attendons que le débat soit posé. Et, il ne suffit pas d’être pour ou contre. Notre objectif au Sénégal, c’est d’avoir la paix, que les gens travaillent. On ne peut pas continuer à avoir cette déliquescence politique. Maintenant, comment le faire et quand le faire, la décision revient au président de la République. Nous ne pouvons pas, pour l’instant, le devancer sur la question. Une fois que la question sera posée en conférence des leaders, les gens pourront en débattre. Et quelle que soit la décision prise par le président de la République, nous nous plierons à celle-ci, parce que nous sommes des militants disciplinés.
 
 
Entretient réalisé par Mbaye THIANDOUM

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