Il est le responsable chargé des affaires juridiques de l’association des familles de victimes du naufrage du Joola. Ely Bernard Diatta, enseignant chercheur universitaire.
«Il reste trois points essentiels : la vérité et la justice ensuite le renflouement de l’épave et enfin la prise en charge psychosociale», nous souffle le frère de Michel Diatta, emporté par les eaux avec toute son école de football. Ce professeur d’université continue à se battre pour que lui et les autres puissent faire le deuil de leurs disparus. Car, à l’en croire, l’Etat a fait des efforts qu’il faut saluer, mais ils sont insuffisants. «Pour les autres points, ils ont connu un début de solution comme le projet de réintégration des orphelins laissés en rade par les décrets signés, le mémorial est en construction, l’entretien des cimetières est devenu une réalité. Cela signifie qu’en 3 ans, nous avons avancé en trois points. Ce dont nous avons besoin dans cette affaire, c’est que nos problèmes soient réglés. On a besoin de régler définitivement cette question et les familles continuent le travail de mémoire. Nous savons que la douleur ne va jamais nous quitter, c'est sûr. Elle va éternellement rester avec nous. Si ces trois points sont pris en charge, le problème est pratiquement réglé. Nous savons qu’on ne pourra jamais nous rendre nos vies que nous avons perdues. Personne ne peut combattre le Joola. Celui qui essaiera de le faire, le Joola va l’engloutir. C’est la première catastrophe maritime civile dans le monde. On ne joue pas avec le Joola. Les gens sont toujours dans l’océan. C’est du sérieux», dira Ely Bernard au bout du fil.
Son souhait vis-à-vis de l’Etat dans la gestion de ce dossier, c’est qu’il soit réglé avant qu’il ne remette le dossier aux désormais orphelins du Joola. Une invite à l’Etat du Sénégal. «Il est préférable que cette question soit réglée avec nous parce que nous allons bientôt céder la place à la génération qui va venir parce qu’on les appelle les orphelins du Joola et ils sont 1900. Le ressenti diffère parce qu’ils ont perdu papa ou/et maman, donc la réaction aussi diffère. Il ne faut pas chercher à étouffer le dossier mais à l’affronter et à le régler de façon responsable. Il y avait 697 orphelins qui ont été pris en charge depuis 2012 et sur 1900, il restait 1300. Madame Aminata Assome Diatta nous a aidés à intégrer 371 orphelins. Il y a des orphelins éparpillés dans le monde. Des dossiers sont en cours de traitement. La répartition des montants des orphelins intégrés n’est pas équitable. Imaginez quelqu’un qui reste 20 ans et du coup il reçoit 200.000, ce n’est rien du tout. C’est contraire aux objectifs du chef de l’Etat» dit-il. C’est pourquoi «nous demandons à l’Etat de ne pas s’arrêter parce que s’il s’arrête, le dossier sera bloqué et cela va créer d’autres problèmes. Le thème du 20ème anniversaire porte sur : le renflouement de l’épave du bateau. On vit le Joola au quotidien. Il est définitivement scellé dans nos têtes et nos cœurs. Ça ne bougera pas. La preuve, dans le bureau de l’association, nous avons perdu beaucoup de monde : des cas de cancer, de diabète, d’hypertension artérielle. Il y a plus de 15 membres de l’association qui sont décédés. Sans compter les familles.», fait-il savoir.
«Nous avions mobilisé tout le Sénégal et l’international, mais…»
En ce qui concerne la commémoration de ce 20ème anniversaire, Ely Bernard Diatta dénonce le manque de soutien de l’Etat en amont dans l’organisation de cette commémoration. Selon lui, c’est l’actuel ministre des Transports aériens qui a pu sauver la face. «Doudou Kâ a réagi en donnant 5 millions. On avait prévu un très grand anniversaire avec plus de 4000 personnes. Nous avions mobilisé tout le Sénégal et l’international. Avec l’arrivée tardive des moyens, nous avons tout déprogrammé. Même au niveau régional, on a tout déprogrammé. Cette mobilisation est foutue. La mairie n’a jusque-là pas réagi financièrement. Par contre, elle était au cimetière pour le désherbage et elle a mis de la peinture sur le mur du cimetière. Il y a quand même une volonté qui est manifestée. Elle va faire des achats. Même si depuis 8 mois, nous les avons sollicités. Le conseil départemental a donné 100litres de carburant», déplore-t-il. Avant d’enchaîner :«d’habitude, le ministre des Forces armées amène la contribution financière de l’Etat. Ça pose problème parce que les charges sont en amont. C’est Doudou Kâ qui a sauvé la mise, sinon il n’y aurait rien du tout. Assome Diatta a très tôt donné deux millions qui nous ont permis d’acheter les distinctions de chevalier à honorer demain».
«On attendait le président»
Lors de son discours de clôture de la cérémonie officielle de l’année dernière, le ministre des Forces armées chef de la délégation gouvernemental, avait dit sur l’esplanade du port de Ziguinchor que pour l’édition 2022, c’est le président de la République qui présidera la cérémonie de commémoration à Ziguinchor. Mais hélas, à quelques heures, les organisateurs ont eu la confirmation que le chef de l’Etat ne viendra pas à Ziguinchor. «On attendait le président. Mais récemment ils nous ont dit qu’il ne sera pas là. Et aucune explication ne nous a été servie. Sa présence était capitale parce que depuis 11 ans, il n’est jamais venu présider la cérémonie. Il est l’un des présidents qui connaît le mieux et bien ce dossier. Aux premières heures du Joola, le Président Macky Sall nous avait donné son véhicule en tant que ministre pour faire nos courses. Mais en tant que Président,il n’est jamais venu. On aurait souhaité qu’il soit là en tant que chef de l’Etat. Sa présence pourrait peut-être calmer les familles», conclut Ely Bernard Diatta.
Baye Modou SARR